L’album du mois : TSHA – ‘Capricorn Sun’
Par Gérome Darmendrail (extrait de Tsusi 154)
La Londonienne TSHA, celle qui se fraye un chemin entre les musiques électroniques et la pop avec une habileté déconcertante malgré sa très jeune carrière, vient de dévoiler un premier album aussi touchant que dansant. C’est notre album du mois. Chronique.
Elle préfère jouer pour les vieux – ou en tout cas, pour les plus de 25 ans – qui la comprendraient mieux. Surprenante confession qu’avait faite la jeune TSHA au magazine Mixmag en 2021. D’ordinaire, lorsqu’on se vante d’être compris par une catégorie d’âge, c’est que celle-ci est un peu plus jeune que la vôtre. Néanmoins, la remarque n’est pas dénuée de sens, la jeune Anglaise, Teisha Matthews de son vrai nom, toujours prompte à faire des allers-retours entre passé et présent dans ses sets, souvent vers des sonorités rave des années 1990, ayant quelques arguments pour séduire les vieux nostalgiques. Une inclinaison qui se retrouve également dans ses productions, et qui lui a plutôt souri. Depuis qu’un de ses morceaux, «Sacred», a ébloui la compilation Fabric presents de Bonobo en 2019, sa carrière a connu une ascension irrésistible, cochant toutes les cases de la réussite et du cool en matière de musique électronique: passage chez Boiler Room et Essential Mix, signature chez Ninja Tune, couverture de Mixmag, mix Fabric presents TSHA, participation à Glastonbury, résidence à Ibiza, émission de radio sur Apple Music… Il y a un retour des sons UK rave en ce moment, et TSHA, au même titre que Sherelle ou Overmono, en a sans doute profité. Mais limiter sa réussite à une forme de nostalgie aurait quelque chose d’injuste, aussi pertinent que d’affirmer que le succès de la house des années 1990 relevait d’un retour du disco. C’est d’autant plus frappant à l’écoute de son premier album, pour lequel le terme de renouveau semble plus adapté que celui de revival. Renouveau de cette culture rave anglaise, qui depuis la fin des années 1990 et le voyage à Ibiza de quatre DJs opportunistes et visionnaires, n’a eu de cesse d’essaimer et de se réinventer. Acid-house, happy hardcore, jungle, dubstep, post-dubstep, 2 step, UK funky, bass music… TSHA, biberonnée aux breakbeats par une mère ancienne teufeuse fan de Carl Cox, suit le mouvement.
À lire aussi 🎙️ TSHA nous livre les secrets de Capricorn Sun, son premier album
Les références au passé sont palpables, mais une véritable fraîcheur se dégage de son album. Ça se joue parfois à des détails, à des mélanges stylistiques subtils. Une mélodie électronique presque trance qui s’invite sur un titre house soulful qui accélère façon speed garage («The Light »), une boucle disco-house à la française twistée par une basse à l’anglaise («Power »), une guitare baléarique aux faux airs d’hymne rave («Running») et beaucoup de breakbeats, de rythmes syncopés percutants, atténués par des harmonies pop, des morceaux dansants contrebalancés par des titres chill out, équilibre presque idéal entre club et salon, musique pointue et facile. Diplo, en la conviant sur son dernier album, en mars dernier, avait sans doute eu dans l’idée d’atteindre pareil résultat. Leur collaboration accoucha d’un titre lourdingue, musique rave décongelée nappée d’une sauce à la guimauve, qui s’affiche désormais dans le top titres Spotify ou Deezer de l’Anglaise, mais fait clairement tache à côté de cette franche réussite qu’est Capricorn Sun.