L’album du mois : Oliver Sim – ‘Hideous Bastard’
Plus connu pour son rôle de compositeur-bassiste-chanteur au sein de The xx, Oliver Sim a semé quelques petits cailloux avant d’enfin dévoiler son premier album. Ca y est ! La galette tant attendue est là : ça s’intitule Hideous Bastard, et chez Tsugi, on a été charmés. Au point de l’élire album du mois. Chronique.
Même avec la meilleure volonté du monde, il fut un moment où il était compliqué d’échapper à The xx. Samplé par Rihanna et entendu dans de nombreux films, leur fameux « Intro » était dans toutes les oreilles il y a dix ans de ça. Quand on connaît la tendance des trois timides membres du groupe à se cacher derrière leurs instruments, il n’était pas surprenant que leur plus grand succès soit dénué de toutes paroles. Dans la même veine, Oliver Sim, chanteur et bassiste du groupe, n’avait ainsi jamais ressenti la nécessité de se lancer en solo. C’est en travaillant sur un titre – « Romance With A Memory »– avec son compère Jamie xx que ce dernier lui a murmuré l’idée. Après des mois, des années à tourner autour du pot sans être réellement franc avec lui-même, le Britannique avait besoin d’un morceau qui soit l’élément déclencheur. Ce morceau, ce fut « Hideous » et il ouvre l’album, avec une voix plus brute que jamais. Dans un condensé des thèmes majeurs du disque, Oliver Sim y affronte les fantômes de son passé, ses craintes, sa honte, sa solitude, sa relation à son physique. Le tout, entrecoupé par la même question qui revient sans cesse : « Am I hideous ? » jusqu’au point culminant : « Been living with HIV since seventeen, am I hideous ? » Accompagné d’une lettre révélant sa séropositivité depuis ses 17 ans, ce premier titre a clairement eu l’effet d’une bombe. Néanmoins, l’intention ici n’était pas de faire un disque sur le VIH. Au contraire, une fois les bases posées et assumées sans grandiloquence, Hideous Bastard est un simple album dans lequel Oliver Sim réussit enfin à dire ce qu’il n’a pas pu pendant cette décennie au sein de The xx, un espace nécessaire pour affronter ses démons, qui s’avèrent nombreux.
Tel un Michael Myers espionnant Laurie Strode derrière un buisson dans Halloween (les références au cinéma sont majeures chez Oliver Sim), une menace plane sur le chanteur pendant tout le disque. Au fil des morceaux, cette présence se manifeste par des notes de piano aiguës menaçantes sur « Sensitive Child », des cris lointains, la description d’une menace depuis sa chambre d’ado à l’étage ou encore sa propre voix qui évolue progressivement vers une voix de démon dans « Confident Man ». Avec cette pop virtuose venue des enfers, il est difficile de ne pas penser au Hounds Of Love de Kate Bush, surtout après le retour récent de « Running Up That Hill » dans les charts grâce à Stranger Things. Au final, même s’il parle de sa propre expérience de manière très précise dans dix titres aux airs cathartiques et nécessaires, déconstruisant petit à petit sa propre monstruosité (et son masque de monstre dans le clip de « Hideous » réalisé par Yann Gonzalez), Hideous Bastard est pour toutes les minorités – racisées, homosexuelles, transgenres, peu importe – dont l’estime de soi est mise à mal par la société. Vous avez l’impression d’être un « hideous bastard » ? Voici votre exorcisme.