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31 août 2022

Le Pop-Kultur à Berlin et ses artistes survoltés, électro et queer

par Bérénice Hourçourigaray

Le Pop-Kultur est devenu un lieu de bouillonnement de la scène électro internationale. En plein centre de Berlin, à scène ouverte comme fermée une succession d’artistes émergents ont électrisé leur public. On y est allé, on a découvert plein de pépites et croisé beaucoup de nos artistes français préférés. 

Kulturbrauerei

Le Kulturbrauerei

Prenzlauer berg, aux alentours de 17h. Un joyeux bordel s’organise à la sortie du métro d’Eberswalder stasse. On retrouve le style de vie berlinois : les gens attendent que le petit bonhomme soit au vert pour traverser, les femmes peuvent s’habiller comme bon leur semble sans qu’aucun regard ne soit posé sur elles, les gens sont colorés et souriants. Comme Berlin nous avait manqué. Le boulevard regorge de friperies et de cafés qui concourent pour le titre de meilleur chai tea latte. Puis, au détour d’une rue apparaît le Kulturbrauerei, lieu mythique de la culture underground. Il est reconnaissable entre mille : ses bâtisses en briques ocre entourent six cours intérieurs où cinémas, théâtres club et restaurants se sont installés. Mais pendant 3 jours, du 24 au 26 août, c’est la musique qui est mise à l’honneur. Dans le cadre du Pop-Kultur festival, c’est plus d’une centaine de groupes qui ont investi les lieux. Et la ligne du festival est bien clair, « donner de la visibilité à des musiciens qui sortent du modèle anglo-américain devenu la norme ». Pour cela, l’évènement s’est offert une programmation ambitieuse avec des artistes internationaux qui essayent tous, à leur manière, de réinventer la musique. Évidement pour un média qui est à l’affut de « toute la musique d’aujourd’hui… et de demain », Tsugi se devait d’assister à cet évènement. On vous emmène dans nos trois jours de folie berlinoise.

Une programmation explosive 

Le bâtiment qui longe l’allée principale renferme les scènes où l’on a vu nos plus beaux concerts : l’alte kantine, le kesselhaus et la maschinenhaus. On s’y enfonce à la recherche de Salomea. On tombe sur une large salle, très haute de plafond, où mixe un DJ pendant que les premiers festivaliers sirotent une bière. Notre niveau d’allemand nous a trahis, on s’est trompé de salle alors que le show a déjà commencé depuis deux minutes. Heureusement, un bénévole nous fait un signe vers le haut pour nous indiquer le chemin. Vers le haut ? Et oui, pour accéder à la maschinenhaus, il faut monter des escaliers caché au fond de la salle. On s’y aventure. La chaleur monte avec nous.

Salomea

Salomea dans l’ambiance brumeuse du Maschinenhaus

La salle est très confidentielle, pas de fenêtre, seulement des éclairages verts. « Si vous avez chaud, dites-vous que je porte du latex donc vous pouvez surmonter ça ». C’est bien l’humour de Rebekka Salomea. Elle chante, rape, siffle tout ça sur des influences jazzy. Par moments, elle nous tourne le dos, comme pour entrer en communion avec ses trois musiciens tout aussi talentueux qu’elle. En tout cas, elle nous regarde droit dans les yeux lorsqu’elle annonce « bon, vous connaissez la prochaine, ce n’est pas de moi mais de Britney » avant  d’enchainer avec une reprise de « Toxic » de Britney Spears.

Elle a fait monter la température pour Ebow, la rappeuse germano-kurde qui entre en scène peu avant minuit et nous livre un discours clinquant sur le sexisme ambiant dans le monde de la musique.

KABEAUSHÉ

KABEAUSHÉ ©Dominique Brewing

On n’en attendait pas moins d’une chanteuse qui parlait aussi librement de son homosexualité dans son album Canê. Là dessus, on a toujours eu un train de retard avec les allemands… Puisque c’est ça aussi Pop Kultur, un festival qui agit pour l’égalité des genres et qui prône la diversité sous toutes ses formes dans le paysage musical. On retrouvait des artistes comme Lotic dont la performance est ouvertement inspirée de la ballroom scene. Les cuivres s’invitent dans son nouvel EP, Sparkling Water, et donnent de la puissance à sa prestation. Ou encore Kabeaushé, un artiste kenyan de pop expérimentale qui nous a livré un show explosif à l’image de sa perruque blonde platine. C’est l’un des derniers éléments recrutés par le collectif Nyege Nyege.

 

Quand les Français.es enflamment la scène berlinoise 

Pop-Kultur s’est offert une très jolie programmation française grâce à l’action du Centre national de la musique. On s’est délecté des shows de HSRS, Théodora, Oklou, Eat-Girls ou encore Catnapp. On regrette que Zaho de Sagazan n’ait pas pu refaire sa carte d’identité à temps pour rejoindre cette joyeuse bande.

La foule piétine d’impatience en attendant Oklou. Lorsqu’elle commence à chanter, une jeune femme ferme les yeux. Et elle a raison, Oklou nous propulse dans les nuages. Ses mains virevoltent sur son synthétiseur, sa voix retravaillée avec un soupçon d’autotune nous enveloppe dans un voile de douceur. Derrière elle, une grande toile blanche dévoile une scénographie très travaillée où terre, arbres, et feu se mélangent. Elle joue son hit, « god’s chariots« , seule sur la scène en y mettant tant d’énergie qu’on comprend lorsque qu’elle nous disait, quelques minutes plus tôt, « Playing is like extasy« . Entre deux morceaux, la foule prend vie pour acclamer la chanteuse qui répond par de timides « thank you« .

HSRS

HSRS ©Dominique Brewing

« Je t’aime. Je t’aime parce que tu m’aimes. » Le français résonne dans les murs du Kulturbrauerei. Sur un sublime solo de bugle, (cousin de la trompett) Julie Bessard, la leadeuse d’HSRS danse au-dessus de son synthétiseur. À la fin des « Oignons », elle rappelle à son public qu’elle écrit, compose et produit tous ses morceaux toute seule. Sa voix se module entre pop et un univers plus dark. La musicienne a même pensé à assortir sa lanière de guitare au rose fuschia de son ensemble. On a qu’une envie : danser ou plutôt planer avec eux.

 

 

Theodora

Theodora © Dominique Brewing

 

Dans la même veine hypnotisante, Theodora a investi le Pop-Kultur avec beaucoup de prestance. Sur scène, sa voix grave et posée se marie à merveille avec ses pas de danses lancinants.  » Get obsessional«  remue la salle avec ses rythmes techno envoutants. Dans la fausse, il y a même un fan venu spécialement de Paris pour la voir.

Envie de faire une pause après cette avalanche d’émotion ? Rien de mieux qu’un hot dog devant le karaoké en plein air installé dans la cour principale. Et les Berlinois nous ont impressionnés en termes de vocalises. Spéciale dédicace au couple qui a enflammé la scène avec sa reprise de « Gimme! Gimme! Gimme! (A Man After Midnight) » d’ABBA.

Quand on continue notre balade, on tombe sur une session de JAM inopinée au Soda Salon qui vient merveilleusement bien clôturer le festival. Ambiance canapé feutré, lumière tamisée, on se laisserait presque aller à un Martini. Qu’il était agréable de voir des artistes français séduire un public international. Qu’il était beau de voir la communauté queer aussi bien représentée. La Pop-Kultur n’est qu’à sa huitième édition et on à hâte de voir comment elle va évoluer.

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