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15 juillet 2022

Go Girls, un espace de sororité et de liberté de paroles

par Juliette Soudarin

Lucie Marmiesse est attachée de presse freelance et Chloé Barabé est musicienne dans le groupe garage rock We Hate You Please Die. Toutes deux ont monté la page Instagram Go Girls dédiée aux femmes travaillant dans la culture. Le concept est simple, une photo, et puis trois questions : « qui suis-je? »,  « les obstacles rencontrés? », « les facteurs qui aident? ». Un format court qui permet de découvrir le profil et le parcours d’inconnues et de personnes connues, de tous âges et tous horizons. Rencontre avec Lucie Marmiesse.

 

Comment est né Go Girls ?

J’ai lancé la plateforme au mois d’octobre de l’année dernière, donc c’est assez récent. J’ai eu l’idée de lancer cette page Instagram parce que j’ai entendu pas mal de témoignages de diverses personnes, de potes, de rencontres que je faisais. Et j’en ai vraiment eu marre. J’avais envie de faire quelque chose à mon échelle. Faire bouger les choses est un grand mot. Mais je voulais créer cet espace de sororité, de liberté de paroles, de confiance. J’en ai parlé à Chloé qui a trouvé le projet cool et elle s’y est greffée. J’ai envie que ce projet engendre une petite prise de conscience. Et il y a plein d’initiatives, More Women on Stage, Majeur·e·s… Je pense que c’est avec toutes ces initiatives qu’on va arriver à faire bouger les choses.

 

Pourquoi selon toi il est important de mettre en avant les femmes dans la culture ?

Parce qu’on ne le fait pas assez. Et parce qu’elles doivent redoubler d’efforts. C’est ce qui ressort des différents témoignages qu’il y a sur la page. Elles doivent en faire dix fois plus que les hommes pour se faire une place et pour se faire entendre.

Go Girls

Lucie Marmiesse et Chloé Barabé © Go Girls

Est-ce qu’il y a des similitudes dans les témoignages que tu récoltes ?

Oui, forcément. Travailler deux fois plus comme je disais. Des remarques sexistes. Par exemple pendant les concerts, lorsque les musiciennes montent sur scène, on pense que se sont les copines des autres membres du groupe. Et ensuite ça va de la simple remarque sexiste jusqu’au harcèlement ou à des agressions sexuelles pendant des soirées professionnelles.

 

Et puis dans l’industrie musicale la frontière est poreuse entre l’espace professionnel et personnel.

Oui totalement. Même dans le cinéma. On a posté le témoignage de Margaux qui a raconté avoir été agressée lors d’une soirée professionnelle. J’échangeais avec une styliste qui bossait dans le cinéma. Elle me disait que contrairement à la musique, ils n’ont pas forcément de soirées. Mais cet espace de travail ne les protège pas forcément des réflexions sexistes. Il n’y avait cependant pas cette crainte de se retrouver seule en soirée, rentrer seule, ou avoir affaire à du GHB.

 

Comment trouves-tu les femmes qui témoignent sur Go Girls?

Depuis quelques mois il y en a qui viennent nous écrire directement sur Instagram. Et puis sinon c’est vraiment le bouche-à-oreille. En fait j’ai commencé Go Girls, juste avant le MaMA Festival à Paris, où je prenais des photos – je suis photographe en parallèle de mes activités d’attachée de presse. J’ai pu prendre des contacts. Dès que je rencontrais quelqu’un il me disait que mon projet pouvait intéresser l’une de leurs connaissances. Et encore aujourd’hui les personnes que je rencontre me mettent en contact avec d’autres personnes. Travaillant dans la musique j’ai pu recueillir beaucoup de témoignages de personnes qui évoluent également dans le milieu. Mais il y a aussi des photographes, des écrivaines, des femmes qui bossent dans le théâtre, le cinéma. Parce que Go Girls parle des femmes dans la culture et pas seulement que dans la musique. En ce moment je cherche des personnes qui travaillent dans la technique pour vraiment avoir cette variété de profils.

 

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Une publication partagée par Go Girls (@go____girls)

Et ensuite comment ça se passe ? Comment procèdes-tu ?

Généralement je contacte ces femmes sur Instagram. Je leur demande si elles souhaitent témoigner. Puis on fixe un rendez-vous, on se rencontre. On boit généralement un café. On prend la photo et je leur demande de m’envoyer leur témoignage. Parfois elles le font avant.  Chloé, elle s’est occupé du logo. Elle met en page les témoignages pour Instagram.

 

Est-ce que c’est dur pour ces femmes de témoigner ? Est-ce que certaines ont refusé ?

Il y en a pour qui c’est compliqué. Il y en a pour qui ça prend des mois pour m’envoyer leur témoignage. Déjà parler de soi est un exercice compliqué, mais se livrer est quelque chose d’encore plus complexe. Par exemple, il y a une personne qui m’a envoyé son témoignage et elle m’a dit qu’elle n’était pas prête à le poster directement, qu’elle avait besoin de revenir dessus. J’ai aussi rencontré des personnes qui m’ont dit que ça leur avait fait du bien d’écrire ce témoignage, qu’elles n’avaient pas forcément pris le temps de revenir sur ce qui s’était passé auparavant, et que écrire les soulageait un peu.

 

Est-ce compliqué à gérer de recevoir cette parole ?

Vers novembre-décembre, je recevais tout un tas de témoignages. Et c’était dur au début. Je suis quelqu’un d’assez sensible et j’ai eu du mal à mettre un filtre protecteur. Je pense que j’ai pris du recul et il le faut.  Si tu es une éponge, tu ne t’en sors pas. Après, Go Girls c’est quand même positif, je veux que ça le soit. C’est pour cela qu’il y a la question sur les facteurs qui aident à surmonter les obstacles. Je ne voulais pas que ça soit un truc fermé. Je voulais une ouverture, que la génération future puisse s’en inspirer. Que ça leur donne des exemples. Je viens d’avoir 35 ans et pour ma génération, on n’avait pas ce genre de plateforme à l’adolescence. Même des femmes sur scène, au lycée, c’était rare. J’ai eu des retours qui m’ont dit que c’était inspirant de lire tous ces témoignages. Et puis mine de rien, ça apprend à connaître des gens, des structures, à élargir un réseau.

 

Il y a quelques semaines il y a eu une soirée Go Girls, est-ce que vous comptez en organiser d’autres ?

C’était un truc informel entre les femmes qui ont témoigné, pour qu’elles se rencontrent toutes. J’ai en tête de faire une soirée un peu plus préparée avec une conférence, des concerts, une exposition photo. Mais ça demande plus de préparation. On refera d’autres soirées informelles pour que les personnes puissent parler entre elles. Et puis le 18 septembre on va participer à la journée du Matrimoine à Evreux. Il va y avoir des tables rondes, des conférences.

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