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6 juillet 2022

Interview : Blutch, de son amour pour la Bretagne aux compil’ skate de SuGaR

par Guillaume Monnier

De ses débuts dans la musique électronique à son éternelle attache au festival Astropolis, le rap, les vidéos de skate et… les cabanes dans les bois de son enfance. Blutch nous raconte son attache à la Bretagne, qu’il a illustrée avec brio dans son dernier album Terre Promise, sorti le 28 janvier dernier. Rencontre avec l’artiste 100% breton à l’occasion du festival normand Nord Fiction

Tu te souviens de ta première approche avec la musique électronique ?

Je n’ai pas réellement eu de déclic mais mon premier contact avec la musique électronique demeure l’album de Daft Punk, Discovery. Ma mère l’avait acheté à sa sortie. Il m’a toujours accompagné. J’ai réellement commencé à m’intéresser à la musique électronique à la fin de l’adolescence. Avant j’écoutais du rock et du punk californien. Des sons qui mélangeait rock et skate. Puis j’ai fait mon premier festival à Panoramas, c’était à côté de chez moi -j’habitais Morlaix. Je pense que c’est là que j’ai réellement commencé à m’y intéresser, j’avais 18 ans à l’époque. Dans le même temps, je me mettais au mix avec un pote. 

T’es aussi passé par le hip-hop dans ton ouverture musicale non ?

Oui, juste après ma phase rock je suis tombé sur le morceau « Full Clip » de Gang Starr. Là j’ai pris le hip-hop en pleine face. À partir de cette première découverte je me suis beaucoup intéressé à tout ce milieu, d’abord en passant par le boom bap à l’époque. J’ai commencé à me renseigner sur les Nekfeu, 5 majeurs, Fixpen Sill, etc… À noter que c’est au même moment que je découvre la musique électronique.

En parlant de Fixpen Sill, ils viennent aussi de Bretagne, vous vous connaissez ? 

Oui carrément ! Vidji et Kéroué (ndlr : duo de Fixpen Sill) sont de Douarnenez. On s’est même rencontrés grâce au festival Astropolis, au moment où je préparais mon EP [R]equilibrium (ndlr : sorti en 2016). Florian, l’un des organisateurs du festival, m’avait demandé si j’aimais bien des rappeurs, de là il a joué les entremetteurs. Avec Kéroué, on a bien accroché et on a même fait un son ensemble, je lui ai composé une instrumentale sur laquelle il a posé, c’est comme ça qu’on a créé le morceau « Fais-le » sur mon projet [R]equilibrium. Une belle histoire de festivals en somme. 

Excité à l’idée de mixer en festival ? 

Oui carrément. J’aime même d’abord l’ambiance en tant que simple festivalier. Venir en tant que public, j’adore ça également. Je suis pas le dernier à faire la fête! Et de la belle musique accompagnée de découvertes, c’est typiquement ce que j’aime dans un festival. Je les vois comme des petits îlots de bonheur à chaque fois.

Une anecdote à nous raconter en festival ?

Y en a vraiment pas mal ! Surtout à Astropolis puisque j’y suis beaucoup allé… Un de mes meilleurs moments reste tout de même la clôture Astropolis que j’avais assurée à Beaurivage. D’ailleurs le dernier set du festival, c’est toujours un moment vraiment fort. Tous les copains sont devant la scène et il se dégage une énergie incroyable du public. En plus cette année-là, il faisait beau et c’était gratuit. Forcément il y avait donc plein de monde et un esprit génial se dégageait du moment.

T’inspires-tu des artistes que tu vois en festival ?

Ça doit m’orienter vers d’autres façons de travailler, certainement. Dans ce genre d’évènements tu vois beaucoup de choses en peu de temps, donc tu peux prendre des claques qui vont te pousser à changer ou au moins à ajuster ta façon de voir la musique. Je peux découvrir des artistes qui ont une façon de mixer que je n’ai pas, dès lors je vais m’intéresser. Puis en général, je suis quelqu’un de très curieux.

Pour rebondir sur cette notion d’inspiration et en même temps revenir sur ton dernier album, Terre Promise, comment as-tu été amené à apporter des rythmes drum n’bass à tes instrumentales ?

C’est venu il y a quatre ou cinq ans… J’avais d’ailleurs certainement déjà commencé à mettre mon nez là dedans, en festival et en soirée (rires). Mais je pense que mon attache au hip-hop a joué dans mon attrait pour le genre. Il se base sur des rythmiques hip-hop posées sur un tempo à tendance house, ce qui donne ces mélodies plus rapides qui me correspondent. Finalement, c’était pile poil ce qu’il me fallait je crois : entre hip-hop et musiques électroniques. 

Dans Terre Promise en plus de ces rythmes breakés, on remarque aussi tout de suite ce thème très fort qui est la Bretagne. Tu vis toujours dans la région ?

Je vis à Rennes. Et même si je bouge pas mal, les dates que je fais sont principalement dans le coin. Il y a beaucoup de festivals ou de soirées dans l’Ouest, ça me convient ! La Bretagne n’est jamais ennuyante. Il y a toujours de très belles choses à découvrir comme des petits patelins, des paysages, des côtes, des falaises. C’est magnifique. Puis venant de Morlaix, là-bas il y a de quoi faire ! Je crois que j’ai un peu une fascination pour ma région. Même si je parle pas le breton et que je ne suis pas incollable sur la culture bretonne, j’ai un lien très fort avec ce territoire. Dès que j’entends de la musique de Bretagne dans les rues, ça me parle toujours.

 

Je crois que j’ai un peu une fascination pour ma région. Même si je parle pas le breton et que je ne suis pas incollable sur la culture bretonne, j’ai un lien très fort avec ce territoire.

 

Morlaix a une identité bretonne très marquée en plus : le pied non ? 

Le Finistère est considéré par les puristes comme la vraie Bretagne. (rires) Mais j’aime Morlaix. Il y a aussi un accent, une façon de parler qui est propre aux Morlaisiens. Il fait aussi moins beau qu’à Rennes et je trouve que c’est lié dans le caractère, il y a quelque chose de très franc que j’adore. 

En Bretagne, quels lieux as-tu fréquenté pour découvrir les musiques électroniques ?

Je sors beaucoup sur Rennes. Je vais souvent à l’Ubu, à l’Antipode qui a été toute refaite et qui possède une chouette programmation, l’acoustique de la salle est juste trop bien maintenant ! Je vais aussi à L’Elaboratoire de temps en temps où les artistes proposent un genre de musique que je n’écoute pas toujours mais qui existe bien et qui permet de découvrir d’autres façon de faire, de produire. Il est possible de sortir partout à Rennes. C’est ça qui est plaisant. Depuis peu, il y a aussi de plus en plus d’open airs. Il faut suivre les associations plus que les lieux.

Tu enregistres tes morceaux où ?

Je travaille de chez moi en général, mais aussi beaucoup en bougeant. J’ai un petit studio à domicile avec des petites enceintes, des controleurs, rien de bien technique puisque je ne produis pas sur des machines. Je travaille tous mes sons depuis Ableton. Après, dernièrement je voyageais beaucoup. J’adore prendre le train, je m’y sens bien pour composer. J’essaie de créer un peu partout, c’est l’avantage de bosser uniquement sur Ableton : tu peux faire du son dans n’importe quel contexte, tu as juste besoin de ton ordinateur. Que ce soit à la gare, en attendant un rendez-vous… Tout est prétexte.

 

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Quand tu as composé ton album Terre Promise, tu t’imaginais les lieux ?

Blutch

© Evan Lunven

Oui beaucoup. J’avais certaines images qui me venaient en y pensant, je l’ai aussi composé aux quatre coins de la Bretagne. J’ai eu la chance d’être accompagné par trois salles de spectacles qui m’ont offert des résidences. Une à Vannes, une à Lorient et une à Brest, j’ai aussi un peu composé à Rennes à l’Antipode. C’est d’ailleurs de cette itinérance que le nom m’est venu, de ces voyages au quatre coins de la Bretagne. Mon amour pour cette région fait que finalement en faisant les sons, des images me venaient naturellement. Quand tu fais du son c’est méditatif, tu ne réfléchis pas vraiment, tu as seulement des images qui passent dans ta tête. Je pense souvent à des paysages que j’aime bien et à des moments de jeunesse.

Tu trouves que ton album est lié à ton enfance ?

Bien sûr, j’ai pas mal de sons dans l’album qui sont des références directes à des souvenirs d’enfance. À ce moment où la vie était insouciante et naïve, la belle vie. (rires) J’aime bien me projeter dans cette zone de confort où tout était chouette, ou du moins plus simple je trouve.

Quels étaient tes passe-temps quand tu étais enfant ?

Je faisais plein de choses ! J’avais des super potes quand j’étais petit. Avec mes voisins on allait tous les jours dans les bois faire des cabanes, s’inventer des histoires. On a construit des dizaines de cabanes. On se cassait la gueule, on faisait les c***, bref on faisait les enfants. Puis après on s’est lancé dans le skate et on est devenu de plus en plus adultes. Finalement je ne faisais que des activités qui laissent des croûtes… D’ailleurs ma mère n’était pas très contente de faire la lessive après. (rires)

Tu fais toujours du skate ?

Oui, mais je n’ai pas un bon niveau, je n’en fais pas assez régulièrement… Mais j’aime trop ça.

En général skate et musique sont liés…

C’est vrai qu’il y a beaucoup de sons notamment dans les vidéos de skate. Ça a beaucoup nourri ma curiosité musicale. Ma mère m’avait acheté le SuGaR magazine, à l’époque il incluait un DVD avec des sessions de skate avec des gros morceaux de hip-hop, de rock ou même d’électro. Ça a bien ouvert mon esprit, ça m’a ouvert à la musique en partie. Merci maman d’ailleurs ! (rires) Tous les gens qui font du skate savent… 

 

Ma mère m’avait acheté le SuGaR magazine, à l’époque il incluait un DVD avec des sessions de skate avec des gros morceaux de hip-hop, de rock ou même d’électro… Merci maman d’ailleurs !

 

T’écoutes quoi maintenant ?

J’écoute de tout, pas mal de musiques électroniques, pas mal de jazz et de hip-hop. Je traîne sur les réseaux sociaux pour voir ce qui sort. J’essaie toujours de trouver de la musique qui me parle. Elle peut prendre beaucoup de formes différentes. Je suis toujours le rap bien sûr, ça me parle toujours.

Qu’est ce que tu as aimé alors récemment en rap ?

J’ai beaucoup aimé le dernier album de Di-Meh, le dernier Lomepal « Tee »… Il y a aussi un des derniers freestyle de A2H que j’ai beaucoup aimé quand les projets sont plus aboutis ça peut me parler. Aujourd’hui le rap s’ouvre, c’est super chouette, les artistes peuvent faire ce qu’ils veulent sans avoir les codes d’avant. C’est ce qui fait aussi la force de la musique. 

 

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