Le Manoir de Keroual retrouvait la rave : le retour d’Astropolis en jauge pleine
En cette année de post-restrictions sanitaires, côté festival, un sujet anime les esprits : le retour aux jauges pleines. Comment ne pas apprécier ce retour à la fête totale ? Du côté de Brest, du jeudi 30 soir à lundi 4 très tôt le matin, Astropolis a renoué le lien avec son public sans aucune difficulté. Après tout, en 27 ans d’existence, les présentations ne sont plus à faire, Astropolis fait partie des festivals mythiques de la saison estivale. La superbe programmation de cette année en attestait d’ailleurs… Retour sur trois jours de festival.
À Astropolis, à Brest, il règne une atmosphère particulière. Est-ce dû à cet air marin qu’on peut sentir sur les quais ? À la folie bretonne ? Ou l’esthétique d’une ville grise reconstruite sur des ruines de l’après-guerre, qui cache en elle une âme profondément chaleureuse ? On ne va pas se fouler… Mais c’est un peu de tous ces ingrédients. C’est certain : cette légère odeur iodée qu’on pouvait capter jusque dans Le Fourneau y est pour quelque chose. Situé quai de la Douane, ce Centre national des arts de la rue et de l’espace public accueillait deux lives préparés en association avec la mythique salle de spectacle de Brest, La Carène. Le premier, du duo INSTABILITÉS, mariait les paysages sonores de Benjamin Le Baron à l’art graphique et pictural de Tristan Ménez dans un concert aussi poétique qu’agréable à voir. Le second, porté par la musique de S8JFOU, passait en seconde lame pour faire bouger les têtes au son de « op·echo » , un live infusé à la drill n’bass et au style Aphex Twin. Le tout était illustré avec brio par Simon Lazarus et ses peintures animées. Originales, séduisantes voire oniriques, avec ces performances Astropolis ne pouvait avoir meilleure introduction avant la soirée du lendemain, toujours sur les quais à quelques pas des porte-conteneurs, et toujours accompagnée de cette fraicheur brestoise. D’ailleurs, celle qui en a fait son sobriquet était présente pour clôturer comme il se doit, le vendredi soir, à La Suite.
La Fraicheur siégeait dans une « Room 1 » chauffée à blanc par les passages successifs de Saint Misère, Héctor Oaks et Rebekah, et par le son de la hard techno. C’est aussi dans ce club comble qu’on a pu saisir toute l’effervescence de la ville bretonne. La folie collective s’empare de quiconque s’aventure sur la piste de danse. On rit, s’émerveille et danse dans un état décomplexé mêlant état de transe et cool-attitude. Dansez comme vous êtes ! Même slogan dans toute ville le samedi après-midi lorsque les parcs, les squares et la terrasse du mythique cabaret Vauban se sont animés gratuitement dès midi au rythme des DJ-sets en open air de Belaria, Matilda, TATA Monique b2b Capon ou Flamar & Olkan pour ne citer qu’eux. Alors que certains débarquaient fraichement de la Gare à Brest les valises -dans les mains ou sous les yeux- permettaient d’estimer la soirée passée la veille. Si certains prolongeaient encore un peu la nuit passée, d’autres étaient en pleine forme pour l’apothéose d’Astropolis au Manoir de Keroual… Située sur la commune de Guilers, sur la route entre Saint-Renan et Brest, l’imposante bâtisse à la pierre de granit typique de la culture bretonne est devenue le point de rendez-vous iconique d’Astropolis, depuis 2002. Installé au cœur de cet écrin de verdure du bois de Keroual, il tranche avec le centre-ville brestois tout vêtu de béton : fini l’architecture soviétique de l’atypique Hôtel de Ville…
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Après vingt minutes de navette à partir de l’Université de Bretagne Occidentale et plusieurs minutes de marche dans les bois, on aperçoit enfin le manoir, et la toile rouge et blanche du chapiteau de l’Astrofloor. Une scène dont Laurent Garnier deviendra définitivement le patron au petit matin, à la suite d’un voyage sonore aussi millimétré que percutant. Nous rappelant une fois de plus qu’un set de Garnier est toujours une expérience dont on ne ressort jamais indemne. « On n’oublie pas, mais dès qu’on le voit en set tu te reprends une claque », entend-t-on d’un festivalier en chemin pour rentrer… De même, impossible d’oublier certaines performances. Celle d’un autre cador français de la musique électronique revient plus que les autres : Manu Le Malin a régné en maître de 2 heures à 3 heures sur la scène dédiée à la techno hardcore et aux pans les plus underground de la techno, soignant au passage une réputation qui n’est plus à démontrer -lui non plus. On retiendra aussi la performance magique d’Octo Octa et Eris Drew sur la scène nichée dans la cour du manoir. En b2b, les deux artistes ont donné les derniers coups de colliers dans un set aux morceaux qu’on n’a jamais entendus, comme les deux diggeuses savent toujours en trouver.
Des surprises et de bonnes découvertes étaient aussi de mise sur la plus petite scène du bois, Le Dôme. Dans ce registre, OPÄK fait partie de ces artistes qui mériteront qu’on y jette une oreille, tout comme l’une des boss du label breton Elemento Records, Eklose. On gardera également un joyeux souvenir du passage du déjanté Mézigue, jongleur sur le fil entre les rythmes breakés de la drum n’bass et le dansant de la house. Finalement, la seule ombre au tableau serait certainement ce début de live du duo Overmono, en deçà de ce qu’on attendait d’eux et de leurs productions teintées de tout ce que l’esprit rave britannique offre de mieux. Pour autant, impossible de ne pas se remémorer avec plaisir les morceaux « So U Kno » ou « Diamond Cute », furieusement bien mixés et accompagnés d’une imagerie incroyable axée autour de leurs deux animaux totems : deux dobermanns.
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Pour son retour dans sa forme initiale, Astropolis aura encore une fois déchainé les passions à travers tout Brest, de ses quais à ses parcs, jusqu’au manoir de Keroual. Le festival s’appuie sur sa formule typiquement bretonne qui s’est encore une fois révélée gagnante. La clé de la réussite ? La folie bretonne certainement. Comme le résume Laurent Garnier sur le site du journal local Le Télégramme : « La Bretagne… c’est la Bretagne ! Les Bretons sont dingues ! » Au vue de ce week-end réussi, on ne peut que lui donner raison.
Le meilleur : Ce set de Laurent Garnier qui remet les pendules à l’heure, aux allures de voyage sonore d’une pureté et d’un choix de morceaux qui sort de l’ordinaire. On en a encore des frissons.
Le pire : On demeure frustré par le temps d’attente au point repas… Certainement un élément que l’équipe d’Astropolis améliorera. On n’a pas trop de doute là-dessus !