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Intérieur du Fuse.
10 mai 2022

🔊 Le son de Bruxelles en 10 chansons

par Tsugi

L’entreprise n’est pas simple. Particulièrement dans un pays comme la Belgique avec ses trois régions, ses trois communautés linguistiques, culturelles et son esprit de clocher tout droit sorti du Moyen-Âge. En son centre, la Région de Bruxelles-Capitale, avec ses 162 km², est un microcosme de cette périlleuse affaire. Comment la résumer en dix titres ?

Les artistes repris dans cette liste ne sont donc pas tous des echte brusseleirs, mais ils vivent et composent -ou ont vécu et composé- à Bruxelles. Venant de tous les horizons pour atterrir dans ce bizarre endroit, ils ont fomenté le son de la ville depuis quarante ans. L’approche historique a été privilégiée, car BX ne s’est pas construite en un jour, chaque pierre de l’édifice est essentielle. Enfin, le mot d’ordre était clair : « Pas de pop, pas de rock, pas de chanson », mais le son de Bruxelles qui fait danser les gens. Alors, comme disait le Grand Jacques, notre père à tous : « Chauffe, Marcel ! Chauffe ! »

Telex – « Twist Ă  Saint-Tropez » (1978)

Ça a commencé comme ça. Avec une blague belge sur Kraftwerk. Il fallait y penser, Telex l’a fait. Mais plutôt que de loucher sur les Beach Boys, nos trois brusseleirs sans visage ont regardé vers la Côte d’Azur avec cette très personnelle version de « Twist à Saint-Tropez ». Suivront « Rock Around The Clock«  au ralenti, « Moskow Diskow«  (improbable tube international) et « Eurovision« . Le but était de terminer dernier de la compétition. Même cela, ils n’y sont pas parvenus.

Front 242 – « Headhunter V1.0″ (1988)

Eux n’étaient pas là pour rire. Tenues militaires, prestations physiques, atmosphère étouffante, la musique de Front 242 a été, à l’époque, qualifiée de fasciste. Elle était simplement le son de la Guerre froide. Après un premier album autoproduit en 1982, le groupe (mixte flamand-francophone comme on n’en fait plus) développe son concept EBM (pour Electronic Body Music), courant précurseur essentiel dans l’émergence de la techno comme du rock industriel, bien que souvent injustement oublié.

Bassline Boys – « Warbeat » (1988)

Qu’est-ce qu’on fait, on parle de new beat ? Le genre est né à Anvers quand un DJ a passé au ralenti un 45 T du groupe EBM A Split Second. Révélation ! D’abord flamande, la folie new beat a contaminé le pays plus rapidement qu’un variant omicron. À Bruxelles, deux producteurs fomentent un « Warbeat » agrémenté de discours de Churchill et Hitler parce que… eh bien, pourquoi pas ? « Le problème avec la new beat, selon DJ Pierre, c’est que ça a très, très rapidement dégénéré. » 

Spokesman – « Acid Creak (Pierre’s Reconstruction mix) » (1994)

Au début des années 90, la Belgique est au centre du monde électronique. Entre Technotronic et 2 Unlimited, l’Eurodance fait des ravages. Heureusement, la techno arrive. DJ Pierre nous raconte par ailleurs l’histoire de ce titre tout droit sorti du studio de Luc Devriese, vétéran de la folie new beat, alors que le Fuse prend essor. « Peu de gens savent que c’est moi, dit DJ Pierre. Il y a un côté acid qui n’est pas forcément mon style, mais le truc a bien marché. » Culte, en vérité.

De Puta Madre – « Une ball dans la tĂŞte » (1995)

Paris avait NTM, Marseille IAM et Bruxelles, De Puta Madre. En Belgique, le rap a mis du temps à se faire entendre, mais la culture hip-hop était bien présente dès la fin des années 1980. On ne parlera pas de Benny B, non, mais du CNN199 Crew, du RAB Crew et de l’album BRC (Bruxelles Rap Convention) sorti en 1990. Fondé à Schaerbeek par des membres du RAB, De Puta Madre a sorti dans les années 1990 quelques maxis et un premier album qui mériteraient d’être réédités. Les parrains du rap bruxellois.

Soldout – « I Don’t Want To Have Sex With You » (2004)

Au début des années 2000, c’est au Mirano que les choses se passent. Les soirées Dirty Dancing font le plein de techno freaks et autres hipsters. Un mélange détonnant, mais qui fonctionne. Le rock se marie à l’électro, les nuits sont glamour et fantasques. Avant Aeroplane, The Magician ou Compuphonic (tous wallons et résidents au Mirano), c’est le duo Soldout qui cristallise le son de cette époque avec son pétillant premier single au titre impeccable. L’électroclash vu de Bruxelles.

Stromae – « Alors on danse » (2010)

Évidemment, aujourd’hui, on peut en rire. Mais à l’époque, quand il débarque de nulle part avec son eurodance dépressive et sa tronche de cadre abattu qui hurle l’ennui sous un ciel gris, c’est tout Bruxelles qui se reconnaît. Alors on a dansé. Ça a duré un été, puis un hiver. Quand on s’est réveillé, toute l’Europe dansait. C’était avant que Stromae ne devienne champion de karaoké, catégorie « Le Grand Jojo chante Brel » tout en faisant des variations sur la couleur du caca. 

RomĂ©o Elvis – « Bruxelles arrive » et Damso – « BruxellesVie » (2016)

2016, c’est l’année où le Belge arrête de se moquer de lui-même. On a la meilleure équipe de foot du monde, le hip-hop est roi et BX est dans la place. L’année a commencé en été, après les attentats. Clairement, les choses avaient changé. Numéro 1 ou rien. Roméo et Caballero ont préparé le terrain : « Bruxelles arrive ». Puis, Damso a balancé sa « pisse sur les Champs-Élysées ». Soudain, les choses étaient claires, limpides : « Paris, Paris, on t’enc… ! » Le seum arrivera un peu plus tard…

Le Motel – Transiro EP (2020)

Beatmaker de Roméo Elvis, Veence Hanao et autres rappeurs, l’homme à la casquette est pourtant, à la base, un féru d’electronica. Dans ses productions solo, il navigue entre DJ Shadow, Boards Of Canada, les musiques de film et les sonorités du lointain ailleurs. Fabien Leclerq, de son vrai nom, est aussi graphiste, ce qui donne à sa musique un aspect visuel qui prend de l’ampleur en live. Le Motel est aujourd’hui à la croisée de tout ce qui se fait de bien au plat pays. Une casquette à suivre.

Sky H1 – « Azure » (2021)

En électro aussi, Bruxelles arrive. La pandémie a eu beau briser l’élan d’une scène en pleine ébullition, ce n’est que partie remise. Entre Lawrence Le Doux, Altinbas, Walrus, Pattrn, Naomie Klaus, Lunar Convoy et Front De Cadeaux, on mettra en avant l’électronica atmosphérique de Sky H1, alias Chantal Peeters, dont le premier album est sorti au début de l’hiver sur le label londonien AD93. Un son envoûtant, lynchéen à souhait, qui nous transporte « de l’éternel Azur la sereine ironie ».

 

Par Didier Zacharie 

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