Ça s’écoute le comeback surprise de Tears For Fears ?
On les pensait perdus dans les années 80. Pourtant, après quasi 18 ans de silence, le duo Tears For Fears revient avec un nouvel album inspiré.
Même s’elle perd un peu de terrain, la nostalgie des années 80 est encore très vivace, et nombre d’artistes en jouent pour remplir leurs concerts. Mais Tears For Fears a refusé cette voie. Emblématique des années 80, avec un total de 30 millions de ventes pour leurs trois premiers albums, le groupe a ensuite perdu en vitesse. Comme nombre de formations synth-pop, les années 90 ont été difficiles, d’autant plus que le duo a explosé dès 1991 avec le départ du chanteur, Curt Smith.
Lui et son acolyte Roland Orzabal ont bien tenté de relancer la machine avec un album en 2004, Everybody Loves A Happy Ending. Un disque intéressant, mais passé relativement inaperçu. On aurait pu y voir une manière pour le groupe de sortir avec les honneurs, avec la fierté d’avoir déjà tenu si longtemps dans une industrie complexe. Autant vu dire qu’on était loin de croire à un retour en forme comme le propose le groupe avec The Tipping Point, sorti le 25 février.
Les 18 ans qui le séparent de son prédécesseur n’ont pas été faciles. Le groupe a notamment fait face à un manager qui refusait qu’ils fassent un nouvel album, préférant les voir capitaliser sur leurs vieux succès. Une situation vite éprouvante pour le duo. Par ailleurs, Orzabal a également fait face au décès de sa femme, des suites d’une addiction à l’alcool. Une expérience particulièrement douloureuse, qui a inspiré plusieurs morceaux de l’album. « C’est en pleine conscience que j’ai amené en studio mes problèmes, ceux qui gâchent votre existence et que vous ne pouvez pas contrôler » raconte-t-il à Paris Match. « Le fait de les transformer en chansons est salvateur. » Il y détaille aussi comment le duo est ici plus uni que jamais, après une relation en dents de scie. « Quand nous nous sommes retrouvés sans management, sans maison de disques, un petit oiseau dans ma tête m’a dit : “Il faut que tu te réconcilies avec Curt, c’est lui qui a la clé pour avancer”. »
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En résulte un pur album de pop, celui qui recherche avant tout la belle mélodie. Enveloppée, comme toujours, dans un habillage électronique, qui se teinte ici de touches bien plus acoustiques, entre folk et country. « C’est un album puissant car honnête » explique Orzabal à l’AFP. S’il ne comporte aucun tube évident, il installe une ambiance introspective et poignante. Le duo trouve un équilibre juste entre la préservation de son style et une modernisation qui évite d’être aussi daté que leurs principaux tubes.
Il en va de même sur le travail thématique. Le duo reste sur sa volonté d’aborder des sujets sombres dans des mélodies pop. Ainsi, outre le deuil d’Orzabal, l’album aborde également le mouvement Black Lives Matter dans « Rivers Of Mercy » ou le patriarcat dans « Break The Man ». Pour Curt Smith, en interview pour BFM, le titre parle de son « mépris pour le patriarcat. Ce qui était une conséquence de quatre années de masculinité toxique aux États-Unis avec Donald Trump. » Un bel écho au « Woman In Chain » de 1989, où Orzabal évoque notamment les violences conjugales subies par sa mère.
Ce retour en forme est aussi lié à un contexte propice. Outre la popularité jamais démentie de leur « Mad World » depuis sa reprise par Gary Jules, on a pu les retrouver samplés par Kanye West, encensés par The Weeknd, ou encore dans les films Hunger Games via une reprise de « Everybody Wants To Rule The World » par Lorde, ou même au dernier Superbowl, samplés par Mary J Blige. Tears For Fears semble avoir trouvé le secret de la jeunesse éternelle.