Extrait du numéro 95 de Tsugi (septembre 2016)

Issu du bassin noise/post-punk de l’East London, Factory Floor est devenu avec le temps cette redoutable unitĂ© attelĂ©e Ă  la dĂ©composition de l’ADN de la dance music. Encore en trio, le groupe alignait les jams techno-rock les plus tranchantes du moment et confrontait les deux genres sous un joug industriel impitoyable et une pression sonore qui frisait le nihilisme. Les trois Ă©tudiants en art appliquaient alors leurs thĂ©ories glaciales Ă  l’objet musical, et frayaient avec les pionniers de la cold wave, Chris&Cosey en tĂŞte.

DĂ©sormais duo, Factory Floor casse ses angles, gobe une pilule et se concentre sur l’espace et la rĂ©pĂ©tition dans l’acid house. NĂ© sous l’influence d’une sĂ©rie de shows dans des clubs, ce 25-25 nouveau semble de prime abord anodin, mais se rĂ©vèle Ă©tonnamment complet et nourrissant Ă  la longue. Il faut d’abord percer la plastique Ă©tanche et l’anatomie ultra-utilitaire de l’affaire, avant d’en percevoir tout le fun – bien qu’on sache que la contrainte fait partie du plaisir chez ces Anglais. FascinĂ© depuis longtemps par les dynamiques de la techno et de la house, jamais le duo ne s’était focalisĂ© sur son aspect le plus hĂ©doniste et n’avait si peu cherchĂ© Ă  dĂ©sĂ©quilibrer ou Ă©prouver son auditeur. 25-25 est donc un concentrĂ© de rave culture passĂ©e au filtre pointilliste et dĂ©clinĂ©e en huit tranches Ă©gales les unes aux autres, qui optimisent une palette très rĂ©duite de pads, hi-hats et basses finement disposĂ©s. DĂ©gagĂ©s de toute aspĂ©ritĂ© et tout juste parsemĂ©s d’éclairs vocaux, ces tracks se dĂ©roulent comme des versions longues de morceaux imaginaires dont chaque pixel est passĂ© au microscope. Le funk par touches de « Relay » se retient et rebondit avec une sĂ©cheresse de rigueur, les bleeps de « 25-25 » et « Wave » nous maintiennent en tension sur toute leur longueur, et les boucles vocales ennuyĂ©es de « Ya » contrastent joyeusement avec son groove cheap et jouisseur. Ce travail de persistance et de prĂ©cision trouve sa richesse dans sa linĂ©aritĂ© et son imparable design sonore, rĂ©vĂ©lant ainsi un point de vue clinique mais candide sur l’expĂ©rience du clubbing. On retrouve donc un Factory Floor routinier et moins saillant, mais toujours plus dĂ©terminĂ© dans sa mission. (Thomas Corlin)

25 25 (DFA/PIAS), sorti le 19 août.