La Bouse du mois : Ballroom de Tahiti 80
Pour certains groupes le timing fait tout. Il y a quinze ans, quand les Rouennais de Tahiti 80 se lançaient, ils étaient presque seuls au monde : à part Phoenix ou Air, personne en France ne se risquait vraiment à faire de la pop “à l’anglo-saxonne” et le quintet attisait la curiosité jusqu’au-delà de nos frontières, même s’il n’aura jamais l’impact de ses compatriotes susmentionnés. Le problème c’est qu’aujourd’hui la France n’a plus à rougir de sa pop et qu’une décennie et demie après ses débuts, Tahiti 80 ne bénéficie plus d’aucun traitement de faveur, plus d’aucun point pour la prise de risque. Pire, le groupe semble même totalement à court d’idées. Ballroom, son sixième album, souffre d’une inconsistance violente : aucun mordant dans ces dix titres parfaitement indolores, dans cette synth-pop qui a terriblement vieilli.
Au-delà du caractère désuet du genre même, du manque d’idées, de renouvellement ou de la pauvreté des mélodies pour un groupe qui savait plutôt bien les ficeler par le passé, ce qui frappe surtout c’est l’absence totale de conviction qui semble (ne pas) habiter cet album sur lequel Tahiti 80 n’a visiblement plus rien à dire. Comme si la seule raison qui pouvait encore les pousser à sortir un disque c’était le besoin de trouver un prétexte pour tourner à nouveau et gagner à peu près sa vie.
On a l’impression d’assister au concert d’un groupe assommé par le soleil au milieu d’un restaurant de plage désert près des cocotiers : comme s’ils s’étaient retirés au loin dans une douce retraite mais tenaient à nous en envoyer une carte postale. Le groupe de Xavier Boyer est bien allé chercher de l’aide, auprès du producteur Richard Swift, à la manette derrière Foxygen. Il n’en découle qu’une fine couche de psychédélisme et un traitement de la voix mollasson qui enterrent tout espoir de ressortir de l’écoute de Ballroom en en ayant retenu quoi que ce soit.