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9 avril 2021

✅ Artiste Tsugi à suivre : Joseph Schiano di Lombo, musique de niche

par Antoine Barsacq

À l’occasion de la sortie de son premier album Musique de niche aujourd’hui sur Cracki Records, on a décerné à Joseph Schiano di Lombo une carte membre de notre club ultra-sélect’ d’artistes à suivre.

On l’avait déjà croisé en featuring sur « No Love » de Saint DX, puis on avait entendu avec ravissement ses reprises façon Satie et De Bussy de Mylène Farmer au piano. Joseph Schiano di Lombo est un artiste aux talents multiples : formé au dessin à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, il se destinait au départ à une carrière de pianiste en conservatoire, à laquelle il a dû mettre fin après trop de tendinites. Si son site et ses réseaux témoignent des nombreux projets artistiques qu’il a pu entreprendre, il semble en ce moment mettre l’accent sur la musique.

 

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Joseph a troqué son piano pour les synthétiseurs avec ce premier album intitulé Musique de niche, qui sort aujourd’hui. Avec cet album à la gloire des chiens, il inaugure la série Elephant Dreams de Cracki Records, orientée vers la musique pour s’évader et rêver. Cette ode au meilleur ami de l’homme traverse en huit titres les différents moments de la vie d’un chien, notamment « Caresses (Always Too Short) » qui s’accompagne d’un clip, illustration de la mignonnerie de nos amis à quatre pattes. Nimbé dans l’écho et le delay, ce disque ambient à mi-chemin entre la musique des vieux téléfilms et la new age japonaise détendra toute la famille (y compris le chien).

« Musique de niche se veut donc une sorte de Plantasia pour les dobermanns. »

Raconte-nous l’histoire derrière ton dernier album, Musique de niche…

L’histoire du disque ne se situe pas derrière, mais plutôt dedans. Ce disque raconte ! Les huit morceaux qui composent l’album éclairent quelques moments de la vie d’un chien. Le cycle s’ouvre sur le premier rêve d’un chiot qui n’a pas encore ouvert ses yeux sur le monde (« When Puppies Dream »), tôt rejoint par les chaleureuses papouilles, toujours trop courtes (« Caresses (Always Too Short) »). Après les intenses moments de joie, les moments de peine : ceux, par exemple, où la porte se ferme sur l’ami·e, laissant le chien seul dans la maison (« When Friend Leaves Home »). Dans la maison vide, viennent alors les enfilades de siestes, babines collées contre le carrelage (« The Fourth Nap »). Face B, déjà au milieu du chemin, on commence par une balade en forêt, dans les odeurs d’humus et de résines (« Interlude in the Old Misty Forest »), avant de rejoindre le chien-policier au flair infaillible (« Drugs Tracker »). Puisqu’il en faut toujours une, suit une mauvaise publicité pour de mauvaises croquettes (« Bad Advert for Bad Croquettes »). Et, enfin, le chien ferme les yeux et nous dit « adieu » dans un nuage de poils, de bave et de lumière (« The Goldend »).

Que voulais-tu accomplir avec cette œuvre ?

Question intimidante ! Je n’ai pas vraiment fondé de programme, au départ, du moins je l’ai cru. Je voulais simplement constituer un petit ensemble cohérent de pièces musicales dédiées aux chiens. Maintenant que j’y pense, ma manière d’aborder ce thème me fait penser à celle qu’avaient les compositeurs de la période romantique de composer leurs cycles, symphonies, parfois sonates. Dans les neufs pièces qui composent ses Scènes de la forêt (op. 82), par exemple, Schumann nous invite à voyager des lieux maudits (« Verrufene Stelle ») aux paysages souriants (« Freundliche Landschaft »), en croisant sur le passage des fleurs solitaires (« Einsame Blumen »), un chasseur aux aguets (« Jäger auf der Lauer »), et un oiseau qui prophétise (« Vogel als Prophet »). Mon album canin a été composé sur ce modèle, je m’en rends compte maintenant. Une référence que j’avais depuis le début, et qui est aussi d’une certaine façon héritière de ce qu’on appelle la « musique à programme », c’est-à-dire la musique qui suit une narration ou s’entoure d’un univers thématique : cette œuvre exemplaire, ce guide, c’était Mother Earth’s Plantasia, l’œuvre que Mort Garson a composée pour les plantes. Musique de niche se veut donc une sorte de Plantasia pour les dobermanns… si l’on veut ; mais il ne suffit pas de le vouloir.

« Est-ce le virus et, derrière-lui, ce vaste gloubi-boulga qu’on a appelé la « nature », qui m’ont donné envie de me rapprocher des chiens ? »

Quel était le contexte de production de cette œuvre ?

Musique de niche a été composé dans une niche, justement, mais une niche un peu étrange : celle du confinement. La plupart des morceaux ont été composés cette année, dans ce contexte un peu curieux. De là vient le fait que j’ai utilisé très peu de matériel : tout a été fait avec mon clavier-maître et des instruments virtuels. Est-ce le virus et, derrière-lui, ce vaste gloubi-boulga qu’on a appelé la « nature », qui m’ont donné envie de me rapprocher des chiens ? Je n’ai pas vraiment réfléchi à tout ça, mais il valait mieux plonger dans un univers joyeux et accueillant, dans ce sombre amas de mauvaises nouvelles. J’ai pensé : inutile d’en remettre une couche avec des choses humaines, trop humaines. Mais écrire de la musique pour le virus, tiens, quand j’y pense, aurait pu être drôle. Dans le passé, on a bien charmé des monstres à coups de lyre, non ?

Décris-nous un peu le processus créatif de ce disque…

Je n’ai pas fait attention au processus. Maintenant que les choses sont faites, je dirais qu’elles se sont ajoutées les unes aux autres, sans programme trop rigidement établi. Les pistes ont été empruntées, parfois à l’aveugle ; certaines ont tenu le coup, d’autres n’ont pas trouvé leur chemin jusqu’au disque. Si j’avais une idée précise de ce que je voulais, avec ce titre initialement prévu de Musique pour Golden Retriever (que j’ai vite trouvé trop étriqué), je me suis vraiment laissé aller pour la réalisation des morceaux. Aller chercher du cérébral là-dedans reviendrait à chercher un poil de teckel dans une botte de foin. Quand je regarde chaque morceau, comment il a été fait, dans quel contexte, je constate que tout le disque est le fruit d’une improvisation.

Si tu devais le décrire en quelques mots à tes parents, que dirais-tu ?

Je leur dirais simplement que tout ceci vient de Maori, le labrador avec lequel nous avons vécu. Et que tout ceci lui est dédié. Et ils comprendront, parce qu’elle méritait au moins ça.

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