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Daftworld avec le premier masque des Daft Punk / ©Daftworld
5 mars 2021

Est-ce que Daftworld, le plus grand fan de Daft Punk du monde, va bien ?

par Antoine Barsacq

Après la séparation du duo français, on a laissé le temps à Djamel, 38 ans, de digérer la nouvelle, avant d’aller lui demander ce qu’il pensait de tout ça. Djamel, c’est Daftworld, le plus grand fan autoproclamé de Daft Punk.

Un monde à lui tout seul. Daftworld alias Djamel est à 38 ans le fan autoproclamé numéro 1 de Daft Punk. Le 22 février, ses idoles annonçaient leur séparation après 28 ans de carrière et quatre albums studio légendaires. Disant résider à « Robotville », Djamel n’est pas n’importe quel fan de Daft Punk ; avec une collection de goodies dédiés au duo évaluée dans les milliers d’euros et une connaissance encyclopédique du groupe, il est « LE fan ». Une référence en la matière, puisqu’il animait jusqu’en 2016 une page Facebook (depuis supprimée) qui rassemblait plus de 500 000 fans du monde entier ainsi qu’un blog et un compte Twitter toujours actifs. Alors que le duo, qui a pendant 20 ans été un repère dans sa vie, a décidé de mettre fin à l’aventure, on lui a demandé comment il vivait tout ça et ce qu’il en pensait.

« C’est dur, c’est un peu comme un cauchemar honnêtement. En plus, le même jour, je faisais une coloscopie : c’était vraiment une journée de merde. »

©Daftworld

Bon… Est-ce que tu tiens le coup ?

C’est dur, c’est un peu comme un cauchemar honnêtement. En plus, le même jour, je faisais une coloscopie : c’était vraiment une journée de merde (rires). On m’a averti par texto, mon portable fumait de tous les messages et je me dis : « Nan, c’est pas possible ! » J’ai même pas eu le courage de regarder la vidéo mais je savais déjà que c’était la fin, je savais qu’ils en étaient capables.

Tu en penses quoi de cette fin, toi ?

Balancer une fin de film comme ça, c’est comme si c’était écrit, comme s’ils savaient que les robots pouvaient disparaître. Je vois le truc comme ça : ils ont commencé humains avec Homework, après ils sont devenus des robots avec Discovery et avec Random Access Memories, c’est comme s’ils étaient redevenus humains et décadents… Il n’empêche qu’il est bizarre ce contrat avec Columbia, non ? Je veux dire, ça ne vous étonne pas que le label ait accepté qu’ils se barrent après un seul album ? Je suppose qu’il y aura un album « best of », parce que sur la vidéo c’est écrit « 2021 » et l’année est loin d’être finie, donc il y aura sûrement quelque chose qui va sortir d’ici la fin de l’année… Aussi, il faut le dire, ne pas créer une nouvelle vidéo ensemble pour l’occasion, ça donne vraiment l’impression d’une fin bâclée, probablement qu’ils en avaient marre de renfiler les costumes… Franchement, ils auraient pu faire une belle vidéo esthétique comme ils savent le faire, là ils ont vraiment fait le service minimum, c’est bizarre… Et dommage ; ce n’est pas un final à la Daft Punk.

« C’est bizarre… Et dommage ; ce n’est pas un final à la Daft Punk. »

Pourquoi ont-ils fait ça comme ça selon toi alors ?

Je pense qu’ils voulaient libérer les jeunes fans de l’attente de les voir un jour en live. C’est comme pour leur dire : « Vivez votre vie ». C’est ce qu’ils m’ont dit la première fois que je les ai rencontré : « Ne vis pas ça avec autant d’intensité, pense à ta famille, il faut aussi vivre sa vie et ne pas tout dépenser pour Daft Punk. » Je pense également que le fait d’être casqué les saoulait : on voyait que Thomas [Bangalter], étant marié à l’actrice Elodie Bouchez, avait beaucoup plus de mal à se cacher. On l’a vu démasqué plusieurs fois, aux États-Unis, pour la manifestation de Charlie Hebdo ou la Coupe du monde. Je pense qu’il en avait marre. J’écoutais aussi récemment des interviews à propos de RAM et je me rendais compte qu’elles commençaient à les agacer, notamment certaines questions de journalistes du style « est-ce que vous n’êtes pas un peu tombés dans le commercial ? » Ils en avaient un peu marre de ça aussi.

 

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Donc ce n’est pas vraiment la fin ?

Pour moi, c’est une pause. Je pense que pour l’instant, ils veulent se concentrer sur leur carrière solo. Ensemble, sous Daft Punk, ils n’ont plus rien à apporter, les quatre albums à eux seuls expliquent tout. Ils ont bouclé la boucle avec RAM parce que c’était un peu un Discovery plus musical, avec de vrais musiciens, de vrais instruments ; ils ont bouclé leur discographie. S’ils refaisaient un nouvel album, ce serait se répéter. Ils reviendront quand ils le sentiront… Et puis j’ai toujours eu cet espoir que, vu que ce sont des robots, ils ne peuvent donc pas vieillir mais mettre d’autres personnes dessous, à la place. Ils sont tous les deux papas, ils pourraient y mettre leurs enfants pour reprendre le flambeau, ce serait magnifique ! La dynastie aura alors commencé avec le grand-père Daniel Vangarde (père de Thomas Bangalter et producteur-compositeur de musique des années 70, ndlr) puis le fils, puis les petits enfants.

©Daftworld

Tu consacrais beaucoup de temps à Daft Punk. Que vas-tu faire de ton libre maintenant ?

Ah, grande question ! Ça me fait bizarre, c’est sûr. D’un côté, ça m’enlève un poids vu que je n’aurai plus la collection d’objets à continuer ; ça m’a pris beaucoup de temps mais je peux encore la peaufiner un peu, il y a toujours quelques petits artefacts à choper… De toute façon, on va les revoir en solo et je vais pouvoir suivre ça et continuer mon petit bonhomme de chemin en tant que fan. Je serais bien tenté de faire des hommages, des tributes, si je suis approché par un promoteur de soirée… Attends deux secondes… [Il part quelques secondes puis revient] Désolé, le lapin de la famille est décédé, les enfants sont tout chamboulés…

Tu n’as pas de regret qu’ils soient partis après tout ce temps investi ?

Non, au contraire, je respecte vraiment ça, ils n’ont pas fait l’album de trop. On a attendu huit ans après RAM, on a eu le temps d’écrire 10 000 fake news sur ce qu’ils allaient sortir ensuite ; moi, je me disais qu’ils bossaient mais que ça ne débouchait sur rien. Si c’était le cas, il valait mieux arrêter là. Ah j’aurais tellement aimé être une petite souris dans leur studio pour voir comment ça se passait ! (Rires)

« J’ai été un fan exemplaire ! »

Et toi surtout, en tant que fan, tu n’as pas l’impression que ce que tu as construit ne sert aujourd’hui plus à rien ?

Pas du tout, c’était super ! Et j’ai été un fan exemplaire j’ai envie de dire ! Il y a même eu tellement de légendes urbaines sur moi, comme quoi je serais un stalker. Il y a des groupes Facebook latinos et américains qui pensent que je le suis vraiment, que je séquestre les Daft quand je les vois, que j’ai pris des photos du fils de Thomas quand il est né à la maternité, vraiment ! En fait, la naissance de mon fils a eu lieu presque en même temps que celui de Thomas, donc j’avais posté une photo de mon fils en disant que nos enfants respectifs étaient nés presque au même moment, à deux mois d’écart, et ils ont repris ça en pensant que je postais des photos du fils de Thomas ! Mais je ne regrette rien, j’ai été respectueux. Après, j’avoue que j’ai pas mal partagé des photos d’eux démasqués sur mon compte Facebook [aujourd’hui fermé, ndlr]… Mais j’ai fait du tri.

Qu’est-ce qu’il s’est passé avec ta page fan Facebook, pourquoi a-t-elle disparu ?

Ah ben c’est les joies de Facebook hein ! Mais tant mieux j’ai envie de te dire, parce que je n’ai jamais eu envie d’être une sorte Youtubeur, moi, je reste dans le secret, je ne suis pas là pour m’afficher. C’était une belle aventure et ça va continuer, c’est sûr !

©Daftworld

« C’est sûr, quand on rencontre ses idoles, c’est là qu’on devient vraiment investi. Surtout quand ils sont gentils, bienveillants comme ça, tu te dis que t’es amoureux d’un groupe qui en vaut la peine. Ce sont vraiment les gars les plus cool du monde. »

Quel est le plus beau souvenir que tu gardes de toute cette aventure comme tu dis ?

C’est l’album Discovery. Wow, quelle claque ! C’est avec cet album que j’ai découvert la musique électronique et leur univers. Le mélange de house filtrée et de manga, c’était vraiment unique à l’époque. Mais il y a aussi ma première rencontre avec eux, c’est ça qui m’a fait devenir LE fan. C’était lors de l’avant-première d’Interstella 5555 à l’UGC de Bercy en 2003, j’avais réussi à choper une place au dernier moment. Pendant l’entracte, j’étais en train de chaparder une affiche du film quand je me suis retourné et Guy-Man et Thomas étaient là. J’étais peint en bleu et tout, je m’étais déguisé comme un personnage d’Interstella. On s’est parlé, ils ont vu mon engouement, ça a duré peut-être cinq, six minutes et j’ai eu mes premiers autographes. Je les ai revus ensuite quatre ou cinq fois. Un autre moment drôle, c’est la fois où j’ai vu Thomas Bangalter en train de danser sur son track « Rollin’ & Scratchin' » dans un DJ set de David Guetta pour la release party de son album Ghetto Blaster. C’était donc en 2004, quelque chose comme ça ; je suppose que David l’avait invité, et Thomas était au milieu de la foule à danser et personne ne le reconnaissait, c’était fou !… C’est sûr, quand on rencontre ses idoles, c’est là qu’on devient vraiment investi. Surtout quand ils sont gentils, bienveillants comme ça, tu te dis que t’es amoureux d’un groupe qui en vaut la peine. Ce sont vraiment les gars les plus cool du monde.

©Daftworld

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