La dernière expérience folle signée Château Perché
Si le confinement oblige à repenser notre quotidien, certains ont fait un choix audacieux. Le Château perché, festival référence de la scène électronique, depuis 2014, propose une option ambiance médiévale, au nom d’Hâvre de Perche– aka H2P. Immersion dans un château pas si perché, aux abords de la Loire.
Par Camille Laurens
« Une retraite est un moment de vie partagé où l’on cherche à renouer avec la nature, l’Autre et soi-même grâce à un programme d’activité savamment distillé par des spécialistes de différentes disciplines, toutes amoureuses du genre Humain. » Voilà l’expérience proposée depuis plusieurs mois par l’équipe du Château Perché. Partenaire estival de tous, néophytes et noctambules avertis, le collectif Perchépolis s’est déjà fait un nom: « La première édition a eu lieu il y a plus de 5 ans. L’idée était d’investir un château pour en faire un fief de création et de fêtes avec une soixantaine d’artistes. 6 ans plus tard, 450 DJ se pressent sur nos 8 scènes. On a donc décidé d’acheter un château grâce à un crowdfunding afin d’en faire un lieu de vie ouvert toute l’année. » Assure Samy, créateur du projet.
Face à la solitude, nous ne sommes pas égaux.
Et le contexte actuel n’aura pas raison de cette initiative : le Hâvre De perche voit enfin le jour en Octobre dernier, bien que l’expérience s’adapte aux exigences de la Covid. L’idée ? Proposer un confinement total sur 3 mois, dans un château à 1 heure de Laval, pour 400e/mois, logé et nourri. A l’origine de l’initiative, Samy et son associé Olivier, qui à la suite de l’annonce du re-confinement du 28 Octobre, ont pris la décision de rester dans le domaine (spectaculaire) dans lequel ils se trouvaient afin de proposer cette immersion unique : le H2P : « Nous avons très vite saisi la nécessité de répondre à une demande certaine. Face à la solitude, nous ne sommes pas égaux. Si la maladie est nuisible pour la société, les dégâts psychologiques de l’enfermement le sont aussi. Ici, c’est une échappatoire salvatrice, dans le respect des règles sanitaires, on considère le bien-être comme clé de voûte de la société », assure-t-il.
« Un mot d’ordre ? Le lâcher-prise »
Comment réunir l’équipe ? Par un appel à candidature. Au bout d’une semaine, 30 résidents sont sélectionnés parmi plus de 200. Dès les premières lueurs de Novembre, l’expérience débute. « Comment j’ai entendu parler du H2P ? J’ai vu passer l’événement sur Facebook. Et accessoirement, je suis plutôt proche de l’organisation du château perché; ayant été bénévole plusieurs années. J’ai hésité au début. Je ne connaissais que 2 personnes sur place. Mais j’ai le goût de l’aventure, alors après avoir traversé la moitié de la France, c’était parti » s’amuse Marlène, participante et étudiante en géographie. Plusieurs médias ayant eu vent de cette petite communauté, s’y intéressent peu à peu. Or en cette fin d’année, le château propose une nouvelle formule, plus courte, pour ceux 20 chanceux qui n’ont pas eu la possibilité de se rendre disponible les 3 mois: la retraite Protocole d’Extase. Traduction ? 72h sur place – test PCR obligatoire. Au programme : Ecstatic guided trance, Rave on Technoïd, judgment liberating games, et déguisement de rigueur. Un seul mot d’ordre ? L’extase. 100€ pour les 3 jours : activités, repas et nuits compris. Pas cher. Assez convaincue par l’argumentaire et la curiosité bien attisée grâce à différents retours lus via les réseaux me voilà décidée à prendre part à l’expérience. Sur Facebook, je contacte Samy afin de rejoindre les heureux élus. Que réserve donc ce château ?
« Soyez imaginatifs comme des enfants mais responsables comme des adultes.»
Vendredi soir en cette fin décembre, le week-end est lancé. Arrivée sur place, le décor est impressionnant. La bastide médiévale est cernée d’immenses yourtes chauffées censées accueillir les convives, compter plus de 60 couchages, et bien plus si besoin. « Dès que les restrictions seront levées, on est prêt à organiser un festival … attendu. Enfin ! » s’amuse Samy. Une chose saute aux yeux dès mon arrivée : l’organisation est solide, les séminaires et les festivals, ils en connaissent les rouages. Partout des perruques, des chevaliers, des androïdes masqués ; les participants sont déjà sur le qui-vive, et ont pris la directive costumée au sérieux. Quelques bonjours et regards timides plus tard, le groupe se forme autour des organisateurs : « Toujours le lâcher prise. Soyez imaginatifs comme des enfants mais responsables comme des adultes » entend-on de ci, de-là. Si devenir adulte rime avec responsabilité et respect, l’équipe a fait de l’écoute et du consentement les fondations de son entente. Une cohésion d’accord, mais uniquement possible dans le respect d’autrui. « On apprend au fur et à mesure à cohabiter ensemble en quittant nos modes de fonctionnement classique. C’est un peu réapprendre le b.a.-ba du vivre-ensemble » assure Nico, la trentaine, présent depuis les débuts. Être le plus fidèle à des valeurs positives, « grâce au dialogue et à la communication, voilà quelques ingrédients pour faire de vous une personne meilleure » s’accorde à penser le groupe.
Protocole d’Extase et réjouissances diverses
Le Protocole d’Extase c’est donc la trentaine de résidents présents depuis le début et 20 nouvelles têtes venues pour la retraite. Soit 50 énergies singulières et disparates qui doivent, le temps d’un week-end, apprendre à vivre ensemble. De rencontres en rencontres, le background des festivaliers est éclectique : des étudiants en année sabbatique… Comme Marlène : « j’ai un master de géographie, puis je suis partie faire une saison en Suisse dans la restauration », de nombreux préparateurs en pharmacie, ou encore Ekaterina Rusnak, scénographe et artiste expérimentale « j’avais envie d’un break avant de me lancer dans une année intense. J’ai eu la possibilité de joindre l’équipe et créer les décors du château à ma guise. Autant dire le rêve ! » Comment cohabiter ? D’abord un règlement, à l’instar du Burning. C’est donc Martha*, artiste peintre, installée au centre d’un cercle de feu, vêtue de l’opacité ambiante et des flammes vacillantes, qui sera en charge de le décrire : « Oubliez votre âge, votre job, votre vie, surtout osez. Autorisez-vous à rechercher l’extase. Pour y parvenir respectez-vous, respectez les autres. Le consentement, le respect, la nudité et la liberté forment les facettes du diamant que nous créons, car oui, protocole d’extase, c’est une expérience spirituelle unique, donc vivez-la à fond. Sur ce, bon voyage.»
Viens petite fille dans mon Cosmic Trip
Sans transition les téléphones sont confisqués, vivre l’instant sans harceler l’autre de photo, le week-end se vivra sans Insta ni Facebook, sans heure, sans jour ni repères. Quittez les formes classiques de la temporalité pour mieux vivre l’instant T, voici l’un des leitmotivs inhérents au lâcher prise. Pris dans l’ambiance, une chasse au trésor nous lance dans le vif de la retraite. L’immersion est rapide. Nous comprenons vite que le but de l’exercice réside dans la quête et non dans la satisfaction du plaisir. Puis c’est une visite du lieu. Le château est séparé en différents espaces, à chaque pièce son univers : la Love Room pour des câlins, l’Utéro pour se ressourcer, la Chill Zone comme espace de repos : le Havre de Perche promet de belles découvertes.
Saturday Day Fever
Une matinée sous l’égide de l’Ecstatic Dance, soit une invitation à un voyage guidé par les vibrations du son. Le but ? Créer une énergie commune permise par des rythmiques variées, entre deep house, chants mystiques et poèmes. 2 heures de danse qui permettent aux plus timides comme aux habitués de traverser un spectre d’émotions, de ressentis proche de la transe, « il y a eu un long moment ou je me suis sentie partir, je ne sentais plus plus mes bras, ils étaient en l’air mais comme en lévitation, cet état second, je le travaille de plus en plus via les exercices du château » s’émerveille Chloé, les yeux brillants, encore émue de son exploration. Car oui, le BPM s’accorde au mouvement du cœur, le rythme s’accélère et décélère, au prisme des ondulations sonores, des répétitions et de la voix du DJ. Puis c’est l’heure de déjeuner. Un marathon parfaitement rodé par les “frères cuisiniers”, qui gèrent d’une main de maître les repas de la communauté. La séance qui suit s’installe cette fois-ci, dans l’Utéro, comprendre un lit d’une taille démesurée permettant d’accueillir tous les invités. Au menu, une lecture de poésies, choisies par les soins de la guest, aka Princess Guru, qui vient faire vibrer les pulsations de sa voix sur des sons envoûtants. Un temps de calme avant la tempête car les hostilités sont proches. La nuit tombe à peine que la fête commence. La suite ? Une nuit des plus intenses, entre danses, voyages et trans. Nous sommes déjà Dimanche, la navette est là, des adieux compliqués pour des rencontres hors-norme. Le Havre de Perche, c’est terminé ? Pas vraiment.
On a vraiment créé une espèce d’osmose entre les gens, c’était assez incroyable.
POST-PROTOCOLE
Le lendemain, la sensation cotonneuse d’un rêve persiste. Est-ce que tout cela a-t-il vraiment eu lieu ? Car si la promesse d’un dépaysement et la perspective ésotérique d’un week-end sous (protocole) extase fait partie du pari, l’équipe relève le défi haut la main.
« Ce qui se passe au château reste au château », tout le monde est d’accord. « J’aurais du mal à retrouver la réalité, après une expérience comme celle-ci, on est changé pour toujours » s’émerveille Alex*, rennais encore secoué par l’effet retraite. Et il y a de ça. Une impression d’avoir côtoyé des créatures surnaturelles, des elfes champêtres, des nymphes bucoliques, une énergie aux allures de rêverie qui contraste avec Paris. Et ce sentiment puissant d’avoir fait partie d’une expérience novatrice, ambitieuse, utopiste et pourtant bien réelle. « Mon bilan ? Hyper positif. On a vraiment créé une espèce d’osmose entre les gens, c’était assez incroyable. On est d’ailleurs encore tous très connecté, on se parle tous les jours ou presque et on se voit régulièrement.» conclut Marlène. Château perché c’est réinventer une réalité. Tout y est remis en cause : le consentement, la nudité, le rapport à autrui et à soi-même. Déconstruire pour mieux reconstruire : « Phase après phase, on amène les gens à se délester du poids de leurs jugements puis à laisser leur émotion survenir et prendre vie» conclut Samy.
Devenir adulte, envisager d’autres perspectives, imaginer des solutions, loin du traditionnel métro/boulot/dodo, l’expérience a quelque chose de révolutionnaire : replacer l’humain au centre des préoccupations. Et si l’expérience vous tente, bonne nouvelle, un autre appel est lancé et ce jusqu’au 5 Mars. Le château, ou manoir des délices, est prêt à accueillir les plus motivés, même condition, même endroit. Rendez-vous via leur site pour postuler à cette nouvelle édition. A bon entendeur !