Désolé les artistes, mais non, rémunérer chaque stream ne vous fera pas gagner beaucoup plus
Le Centre National de la Musique le prouve dans une étude : l’alternative au système de rémunération actuel des plateformes de streaming (« market centric » vs « user centric ») ne révolutionnerait pas la rémunération des artistes, et provoquerait des effets indésirables.
Les résultats de cette étude du CNM étaient attendus aujourd’hui comme le messie. Depuis plusieurs mois, la grogne des artistes quant à la rémunération faite via les plateformes de streaming se fait entendre de manière justifiée puisque 90 % d’entre eux recevraient moins de 1000 euros par an, ce, même si leurs tracks sont streamés jusqu’à 100 000 fois selon l’association européenne des sociétés de gestion des droits des artistes interprètes.
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Pour bien comprendre le débat et en quoi il est essentiel à la survie des artistes, il faut savoir la différence entre le système de rémunération actuel des plateformes de streaming, et son alternative pour laquelle les artistes militent. Appelé « market centric » (MCPS), ce système est basé sur la part que représente un artiste sur l’ensemble du « marché », soit l’ensemble des streams de la plateforme. Son alternative, le « user centric » (UCPS), est bien plus simple : un stream = une somme d’argent définie.
Une question se pose donc : faut-il changer le système actuel (le « market centric » qui favorise les artistes les plus riches pour les rendre encore plus riches) pour un autre, plus équitable ? Si oui, comment s’y prendre ? Dans cette étude du CNM publiée hier, on y lit que le « user centric » ne serait pas non plus la bonne solution.
Pas si simple
L’étude confirme que le « user centric » atténuerait bien les redevances touchées par le top 10 des artistes (qui perdraient jusqu’à 17,2 % de revenus), et que les « petits » artistes, ceux après le top 10 000, verraient leurs revenus augmenter de 5,2 %. Mais les artistes si situant au milieu des deux (entre le top 10 et le top 10 000) ne verraient que très peu de changement dans leur rémunération voire aucune.
Sous ces graphiques, l’étude détaille : « Le top 10 artistes est plus fortement impacté avec une diminution des redevances de -17,2 % soit un montant de redevances annuelles reversées aux ayants droit de l’ordre de plusieurs centaines de milliers d’euros en moyenne. Au-delà du top 10 000 artistes, les redevances reversées par artiste à l’ensemble de la chaîne sont en moyenne inférieures à 10 €. Le passage à l’UCPS aurait donc un impact relatif sur les redevances générées pour les artistes les moins écoutés. »
L’ombre de la fraude
Nouvelle ombre au tableau, passer au système de rémunération « user centric » pourrait certes « permettre de réduire l’impact d’une des fraudes existantes qui consiste à réaliser un maximum d’écoutes pour des titres et artistes ciblés », mais pourrait également « faire évoluer la fraude vers le ciblage d’utilisateurs peu intensifs ou inactifs ou encore le piratage de sous-comptes au sein des comptes partagés. » En d’autres mots, l’UCPS ne semble pas être – lui non plus – viable à long terme.
Le Centre National de la Musique propose donc d’engager « une réflexion prospective avec l’ensemble des acteurs de la filière, en lien avec le ministère de la Culture, sur les enjeux et modalités d’un développement plus important du streaming en France, en veillant à la soutenabilité des modèles économiques de l’ensemble des acteurs. »