Album du mois : Tour-Maubourg, l’espoir de la house française ne déçoit pas
C’est l’album du mois du Tsugi 136 : Paradis artificiels de Tour-Maubourg, sorti chez Pont Neuf Records le 4 décembre.
Chronique issue du Tsugi 136 : Eno, l’avis de Brian, disponible en kiosque et à la commande en ligne.
L’histoire de la musique regorge de disques incompris, parce qu’arrivés trop tôt ou trop tard, en décalage avec les attentes de leurs contemporains. On les réévalue parfois ensuite, et on leur colle l’étiquette de disque oublié, maudit ou injustement mésestimé. La belle affaire. Un destin auquel devrait échapper le premier album de Tour-Maubourg, lequel semble tout à fait en phase avec son époque, à l’heure où le jazz revient à la mode, où les années 90 sont encore d’actualité et où les sonorités downtempo/trip-hop/ abstract repointent le bout de leur nez, favorisées par un contexte global qui pousse l’humanité à se lover sur son canapé et à regarder dans le rétro plutôt que vers un futur incertain. Clin d’œil du calendrier, il sort au moment même où St Germain s’apprête à fêter le vingtième anniversaire de son emblématique Tourist, artiste qu’on ne pourra s’empêcher d’associer à Tour-Maubourg, et pas seulement pour une accointance commune avec la géographie parisienne.
Nul besoin de culpabiliser, l’intéressé, Pierre d’Estienne d’Orves de son vrai nom, assume l’influence, de même que celle de Shazz, autre producteur français des années 90 à avoir su marier avec réussite samples jazz et beats électroniques. On pourrait également citer Nicolas Jaar ou Pépé Bradock et son classique « Deep Burnt », auquel font écho les violons de « L’invitation au voyage », mais résumer ces Paradis artificiels à des madeleines tièdes et moelleuses trempées dans une infusion de nostalgie deep-jazz relèverait toutefois d’une description hâtive. Ou alors faudrait-il insister sur la fraîcheur des madeleines et la légèreté de l’infusion. Car paradoxalement, et malgré l’atmosphère surannée et vaporeuse qui enveloppe le disque, il s’en dégage quelque chose de frais et spontané, loin, très loin, de ressembler à toutes les boursouflures jazzy qui avaient éclos au début des années 2000 dans le sillon des quatre millions d’albums vendus par St Germain.
Catapulté espoir de la house française depuis la sortie de son premier maxi il y a trois ans (Déclaration préalable à l’embauche), le producteur parisien est parvenu à concrétiser les promesses que la presse spécialisée avait placé en lui en faisant ce qui était sans doute la meilleure chose à faire : ne pas s’en tenir à la house et élargir ses horizons. Le fait d’avoir troqué Ableton Live et sa MPC pour du matériel de studio a dû également jouer. Le résultat : un album équilibré et limpide, qui glisse sans à-coups d’une rythmique syncopée à un beat binaire, d’une volute cuivrée à une boucle acid, d’un accord de piano mélancolique à une nappe baléarique. On serait bien incapable de ressortir un morceau du lot, et à quoi bon ? En un peu moins de quarante minutes dans sa version numérique – il y a un titre bonus sur le vinyle –, il s’écoute d’une traite, et c’est peut-être même dommage qu’il soit si court.
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