Violences et harcèlements envers les femmes : la musique fait son #MeToo
Longtemps, elles ont supporté les remarques sexistes, les mains aux fesses, et bien pire encore. Ces derniers mois, les affaires de harcèlement et de viols se multiplient et les professionnelles de la musique sortent du silence pour dénoncer un milieu toxique. Et si le monde de la musique tournait enfin la page du machisme et du harcèlement banalisé ? Pour Tsugi, elles témoignent.
Article issu du Tsugi 135 : la musique fait son #MeToo, toujours disponible en kiosque et à la commande en ligne.
« Il n’y a pas beaucoup de métiers où pendant deux mois et demi, tu pars avec tes collègues en tournée, à dormir dans le même tour bus ou le même hôtel, à prendre le petit déjeuner ensemble… Forcément, ça favorise la promiscuité. Mais ce n’est pas parce que tu vis en groupe ou que tu fais la fête que ça devrait justifier n’importe quel comportement. On ne travaille pas dans un “milieu cool”, on travaille, point. » Patricia Teglia est attachée de presse indépendante pour Angèle, Suzane ou le Fair et, comme une professionnelle de la musique sur quatre, elle a déjà subi du harcèlement sexuel au travail (enquête du collectif Cura pour la GAM – Guilde des artistes de la musique, 2019, sur 135 professionnelles interrogées. Le chiffre monte à 39% chez les 121 femmes artistes entendues). Difficile de trouver une pro (compositrice, régisseuse, manageuse, journaliste, directrice artistique…) qui n’a pas une histoire de message graveleux ou de main aux fesses en mémoire – quand on ne parle pas d’agressions sexuelles et de viols.
« On attendait que ça sorte dans la musique comme pour le cinéma. Et tout est arrivé d’un coup »
Jusqu’au 30 septembre dernier, elles étaient invitées à témoigner auprès du collectif anonyme Musictoo sur ces violences sexuelles et sexistes, afin que « la peur change de camp». Trois ans déjà après l’affaire Weinstein qui a secoué le monde du cinéma, le milieu musical français se retrouve enfin confronté à ses propres démons. Les professionnelles s’organisent, se révoltent: « On attendait que ça sorte dans la musique comme pour le cinéma. Et tout est arrivé d’un coup », comme le raconte Mathilde Lesaint, 25 ans, qui a commencé par le journalisme musical (dans ces pages), puis s’est tournée vers la com’ pour le club 824h, tout en mixant dans les soirées de son collectif Sœurs Malsaines.
« Tout », c’est le rappeur Moha La Squale sous le coup d’une enquête lancée par le parquet de Paris le 8 septembre pour violences, agression sexuelle et séquestration après un appel à témoignages lancé sur Instagram au début de l’été par l’une des plaignantes. « Tout », c’est la soprano Chloé Briot qui porte plainte pour agression sexuelle contre l’un de ses collègues et brise l’omerta de la musique classique fin août en témoignant dans les médias. « Tout », c’est l’indignation face à l’impunité d’un Patrick Bruel affiché en couv’ du VSD de septembre (avec comme titre « Le passionné« ) alors qu’il fait l’objet de plaintes depuis fin 2019 pour exhibition sexuelle, harcèlement sexuel et agression sexuelle. « Tout », c’est Roméo Elvis accusé d’attouchements envers une fan, ses excuses, et le déferlement de haine envers sa sœur Angèle qui affiche son féminisme. « Tout », ce sont ces affaires qui se multiplient partout dans le monde, comme celles des Américains Derrick May et Erick Morillo, accusés d’agressions sexuelles et de viols, ce dernier ayant été retrouvé mort à quelques jours de son audience. Et « tout », ce sont aussi ces différentes initiatives, plates-formes et associations comme DIVA, Balancetamajor, Changededisque, MusicToo, qui depuis le début de l’été rassemblent en France témoignages et conseils.
La musique et toute l’industrie gravitant autour, prompte à arroser ses fêtes, à travailler la nuit et à flouter les limites entre le personnel et le professionnel serait-elle particulièrement propice aux dérives ?…