Fight Club : le nouvel album de Woodkid, pour ou contre ?
Un album, deux avis. Aujourd’hui sur le ring, le nouvel album et grand retour de Yoann Lemoine alias Woodkid, S16. Fight !
Ce n’est pas un hasard. C’est l’efficace single « Goliath » qui ouvre le second album de Yoann Lemoine, sept ans après le triomphe de The Golden Age. C’est aussi le titre le plus évident, comme un lien avec les anciennes réussites mélodiques « Run Boy Run», «Iron» ou «I Love You», et lorsqu’on connaît la suite du programme, un moyen de tirer un trait sur le passé, fut-il glorieux. Car le contenu de S16 s’avère beaucoup plus difficile d’accès. Certainement pas le genre d’album qui se consomme vite fait entre deux playlists sur le grand comptoir du streaming. Une œuvre sans aucun doute très personnelle dont les enjeux intimes dépassent largement la perception que peut en avoir son auditeur. D’où un certain hermétisme. Ainsi on sent un Woodkid joliment égoïste, tendu vers le seul but de faire grandir sa musique et surtout sa voix dont le registre s’est étendu pour s’envoler notamment vers les aigus (le bouleversant « Pale Yellow »). Bien aidé dans sa tâche par ses deux compagnons de production, Vladimir Cauchemar et TEPR, artisans de ces sonorités métalliques qui claquent sur les arrangements de cordes ou rudoient ces drôles d’instruments (le Chamberlin, le Cristal Baschet) qui viennent souligner l’aspect baroque de ces compositions exigeantes. Un disque singulier, hors normes, finalement loin de l’imagerie people (pote de Katy Perry, Lana Del Rey ou JR, clippeur pour Drake et Rihanna) qui lui colle gentiment aux basques. Artiste déjà clivant (il est rare qu’il suscite l’indifférence), Woodkid ne montre avec S16 aucune volonté d’arrondir les angles. Alors on pourra certainement être rebuté par la mélancolie plombée de ce que l’on ose interpréter comme une confrontation entre l’homme et les machines. David vs Goliath à l’heure des Gafam. Une œuvre, on l’a dit. Seul l’avenir dira si elle est grande ou pas.
Patrice Barbot
Lorsqu’on se plaint régulièrement du nombre de disques sans personnalité ni saveur publiés chaque vendredi, il devient difficile d’attaquer un album parce qu’il est trop « personnel ». C’est pourtant un peu le problème du nouveau Woodkid, dont on s’est senti exclu. Difficile de contester que Yoann Lemoine possède un univers fort et original, qu’il décline en pilotant lui-même ses clips, pochettes ou affiches jusqu’aux moindres photos où la barbe est toujours impeccablement taillée. Comme d’autres avant lui, Woodkid crée « global ». Quand on découvre le clip de « Goliath », on ne sait plus très bien ce qui vient en premier, la musique ou l’image. Ce n’est pas un problème. Néanmoins l’inconvénient d’un projet « global » est qu’il s’expose à un rejet « total ». Difficile d’aimer une chanson du nouvel album de Woodkid et pas une autre quand chaque morceau fait partie d’un « grand tout », opératique et conceptuel. Conforté par le succès de son premier album, Woodkid ne s’est manifestement censuré en rien, poussant jusqu’au bout son côté « petit génie qu’on a laissé enfermé dans sa chambre, jouer seul avec ses Lego ». On découvre un deuxième album en état de perpétuelle surdose… de piano, de pathos, de lyrisme, de cordes, de prières, de percussions, de chœur, de mélancolie, d’emphase… Même quand c’est beau, c’est trop. Un tel manque de simplicité renforce le côté poseur de l’ensemble. Et au final, on ressent une sorte de chantage à l’émotion, comme si le monde devait se diviser en deux catégories, ceux qui aiment Woodkid et les autres : « Vous avez vu comme c’est beau, majestueux, cathartique ? » Peut-être, sauf qu’en ce qui nous concerne, on est sorti épuisé de ce disque, qui a par ailleurs le défaut d’être trop uniforme et de jouer toujours sur la même corde (sensible). C’est sans doute une critique très subjective, mais parions qu’on ne sera pas les seuls à la faire.
Alexis Bernier