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©Brieuc Weulersse
16 octobre 2020

Artiste Tsugi à suivre : Simo Cell, toujours loin devant

par Léonie Ruellan

À l’occasion de son nouvel album Kill Me Or Negotiate qu’il sort aujourd’hui en collaboration avec Abdullah Miniawy sur le label lyonnais BFDM (Brothers From Different Mothers), Simo Cell gagne sa carte membre du club très fermé des “artistes à suivre de Tsugi”.

A-t-on encore besoin de vous présenter Simo Cell ? Le producteur et DJ, également résident de Rinse France et depuis peu boss de son propre label TEMƎT, a su brillamment faire ses preuves dans la scène électronique française depuis son premier EP Cellar Door / Piste Jaune en 2015. Affilié aux scènes nantaise (d’où il vient, là où il est actuellement), lyonnaise (avec le label BFDM) et parisienne (qu’il représente à l’international), Simo Cell était aussi le premier Français à signer sur le label bristolien Livity Sound, et à vrai dire, on a un peu l’impression qu’il est partout où il faut être.

En collaboration avec l’Égyptien Abdullah Miniawy – chanteur, compositeur, trompettiste mais aussi poète – Simo Cell sort aujourd’hui l’album Kill Me Or Negotiate, fruit de presque trois années de travail. Six tracks dans lesquels les deux artistes ont mélangé leur deux univers bien différents pour fournir un album dense, quelque part entre bass music et « hip-hop hypermoderne » (selon eux-mêmes). Mais qui mieux que Simo Cell et Abdullah Miniawy pour parler de cet album ? Tsugi est allé leur poser des questions.

Abdullah Miniawy et Simo Cell / ©DR

Comment se sont croisés vos chemins ?  

Simo Cell : Par un doux soir d’hiver 2018, j’ai reçu un mail d’Abdullah Miniawy. Il me remerciait d’avoir jouer un de ses morceaux sur l’antenne de NTS, et me proposait d’aller boire un verre dans un troquet parisien. Quelques jours plus tard, nous nous retrouvions à discuter autour d’une bière et de petites pommes de terre sur la terrasse des Trois Marmites à Ménilmontant. Quatre heures passèrent, la mayonnaise prenait ! Partis sur cette belle lancée, nous décidions d’aller faire un peu de son dans mon studio à Pantin. Armé de son micro et de sa trompette, je l’accompagnais avec une 808 et quelques synthés pendant qu’il chantait. J’avoue que je n’étais pas hyper serein lorsque je l’ai vu arriver avec sa trompette, je me demandais vraiment comment on allait pouvoir mélanger ses sonorités organiques (et nouvelles pour moi dans mon travail) avec mon univers. Et pourtant, ce fut une évidence ! Les morceaux « Caged in Aly’s Body » et « Weed In the Freezer » (tous deux tirés de l’album) sont nés lors de cette première jam d’hiver 2018.

 

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Abdullah Miniawy : Je venais tout juste de m’installer à Paris, et mon premier spectacle avec mon trio de jazz Le Cri du Caire, déjà rejoint par Erik Truffaz, commençait à tourner partout en France, spécialement sur les scènes nationales et les grands festivals comme Avignon. À l’époque, j’avais 23 ou 24 ans et je me questionnais beaucoup. Sur la manière de me connecter à un public plus jeune, je voulais raconter une nouvelle histoire qui flirte avec les sons plus actuels. J’étais très heureux de jouer dans ces salles mais j’utilisais aussi mon temps libre pour produire chez moi, je faisais des jams en criant pour libérer toute mon énergie, je naviguais quotidiennement d’un genre à l’autre. J’ai du produire plus de 600 projets et idées en deux ans. J’essayais aussi d’oublier le Printemps arabe, d’accepter que nous ne sommes pas des héros mais juste des humains. J’ai laissé là-bas un public qui était en colère contre moi, qui me reprochait de m’être échappé, d’avoir oublié mes amis en prison, d’être égoïste… Rencontrer Simon à ce moment là a été le symbole d’une grande transition pour moi. Car dans cette ville qu’est Paris, je n’ai pas beaucoup de vrais amis, tout le monde est toujours occupé… Avec Simon, il y a eu une connexion. Nous avons commencé à construire quelque chose ensemble, en enregistrant et en expérimentant, en traçant des ponts à travers les genres du hip hop aux jams sessions de jazz jusqu’à la musique ambiant. Pour enfin obtenir ce résultat qu’est Kill Me Or Negotiate !

« Avec Simon, il y a eu une connexion. Nous avons commencé à construire quelque chose ensemble, en enregistrant et en expérimentant, en traçant des ponts à travers les genres »

Artwork de Kill Me Or Negociate

Comment s’est passé le processus créatif de l’album ? Que vouliez vous faire ? 

SC : La nouveauté dans ce projet résidait dans le fait de travailler avec un vocaliste ! L’écriture de ce disque a été très challengeante, très longue. L’approche jam d’Abdullah (qui vient de son background jazz) était complètement nouvelle pour moi. Abdullah venait souvent au studio, et on enregistrait ensemble des sessions de 30 ou 40 minutes que je retravaillais ensuite, c’était de l’improvisation complète. D’autres fois, je travaillais quelques loops en amont que je lui proposais. Une fois, il est arrivé au studio, a choisi un de mes beats qui lui plaisait, puis a directement posé sa voix dessus. En dix minutes, il avait trouvé le thème principal du morceau (« Music Gene »), c’était bluffant. Il y avait comme une connexion magique en studio entre nous.
Au total, nous avons mis près de deux ans à terminer ces morceaux. J’ai passé énormément de temps sur l’arrangement. La plupart du temps, il fallait les travailler comme un puzzle : reconstruire les morceaux, patcher des bouts de voix extraits de longues sessions d’impro enregistrées. Le travail de mixage de l’album m’a également poussé dans mes retranchements. Je voulais un son différent de mes disques précédents, très compressé avec une esthétique plus pop comme dans le rap moderne. L’idée était de laisser beaucoup de place à la voix, et d’obtenir un son un peu crunchy et saturé mais très précis et contrôlé : du crade propre en somme ! Je crois que la dessus j’ai réussi à atteindre le son que je voulais. Au final, je suis vraiment sorti de ma zone de confort et j’en suis très heureux. Le travail effectué sur ce disque m’a ouvert de nombreuses portes créatives que je continue d’explorer dans mes projets solos.

« L’idée était de laisser beaucoup de place à la voix, et d’obtenir un son un peu crunchy et saturé mais très précis et contrôlé : du crade propre en somme ! »

AM : Je suis toujours en quête de rareté ! Et je prends soin de bien étudier les possibilités de collaboration. J’ai décidé de relever ce challenge avec Simon pour trouver un nouveau son inspiré d’aujourd’hui. Je ne me positionne pas comme un vrai poète sur ce disque. Je suis juste un musicien qui mêle plusieurs histoires ensembles et cela m’apporte déjà beaucoup de joie !
Techniquement, Simon me dessinait une ou plusieurs rythmiques de base que nous bouclions. J’apportais plusieurs variations à cela pour qu’il construise à sa manière et organise le voyage de chaque chanson. Parfois, je travaillais avec un beat, d’autres fois j’enregistrais mes lignes avec des plugins de tracking et Simon complétait brillamment le travail. C’était très facile car nous étions tous les deux raccords pour entremêler nos deux philosophies. C’est différent du reste de mes œuvres car je considère notre musique comme un pas en avant. Quelque chose qui ne me paraît pas facile à classer. Ce n’est pas une voix sur un beat techno, c’est autre chose.

« Une fois, Abdullah est arrivé au studio, a choisi un de mes beats puis a directement posé sa voix dessus. En dix minutes, il avait trouvé le thème principal du morceau. C’était bluffant. »

Si vous deviez décrire l’album en quelques mots à vos parents ? 

SC : Mes parents sont très ouverts alors je leur dirais que c’est un disque de PROTO TRAP HYBRID ORGANIQUE composé avec un poète, chanteur et trompettiste égyptien.

AM : Papa et Mama, c’est un mix entre Sheikh Taha Al-Fashni et Sheikh laptop.

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