« Thunderdome never dies », le docu sur la grand-messe hardcore hollandaise
En novembre dernier, le documentaire Thunderdome Never Dies sur le célèbre festival de hardcore néerlandais éponyme a rempli les salles de cinéma aux Pays-Bas, proposant une heure et demi de voyage dans l’esthétique gabber, entre pionniers des années 90 et nouvelles figures de la scène. En complément de notre article dans le Tsugi #131 qui retrace toute l’histoire de cette grand-messe hardcore, le co-réalisateur Ted Alkemade nous a expliqué pourquoi Thunderdome est immortel.
Salut Ted, peux-tu nous en dire plus sur la genèse de ce documentaire et sur ce que Thunderdome représente pour toi ?
Dans ce cas, nous devons replonger dans mon enfance. J’étais trop jeune [né en 1990, ndr] pour vivre les beaux jours de la culture gabber. Les garçons plus âgés de mon quartier étaient à l’image du mouvement. Je voyais des autocollants « Thunderdome » sur les terrains de jeux, les lampadaires. À la porte d’entrée, des CD de classiques house copiés illégalement ont été vendus à ma mère avec les compilations Thunderdome aux sonorités plus dures. J’en garde toujours un souvenir très clair. Quand j’ai eu 16 ans, la musique gabber était devenue le hardcore du millénaire. On l’entendait partout, dans les fêtes locales et même les fêtes scolaires.
« Quand j’ai eu 16 ans, la musique gabber était devenue le hardcore du millénaire. »
Lorsque j’ai découvert la scène club à 19, 20 ans (principalement house et techno), j’ai soudainement compris ce que signifiait d’être avec ses meilleurs amis, de délirer et de faire la fête jusqu’au lendemain matin. Cela m’a rappelé ces gars de mon enfance qui vendaient des CD, qui me donnaient l’impression de vivre complètement pour ce style de vie. Tout le monde a adopté ce lifestyle comme un signe de jeunesse éternelle. Il semble qu’aujourd’hui il y ait beaucoup plus de sous-genres dans la musique parmi lesquels choisir, ce qui divise le public. Lorsque j’ai rencontré François Maas [responsable de la marque Thunderdome, ndr] en 2017, lui et son équipe voulaient relancer Thunderdome. Vera Holland, la co-réalisatrice, et moi, avons tout de suite vu une opportunité de faire un documentaire à ce sujet car c’était très lié à notre jeunesse et notre histoire. Aux Pays-Bas, de nombreux médias parle de gabber en général. Mais à mon avis, Thunderdome y était souvent ignoré, alors que son influence est énorme, notamment sur l’ensemble de l’industrie des festivals néerlandais.
Qu’est-ce qui explique ce succès, selon toi ?
Thunderdome est né de quelques rebelles qui voulaient simplement faire la fête, et je pense que c’est toujours le cas. Pendant l’événement, une énergie débordante jaillit de tous les danseurs. Précisément parce que la musique est si extrême, elle unifie le public. Thunderdome n’est jamais venu avec un thème de conte de fées farfelu pour vendre ses soirées. Ils ont toujours gardé les choses très simples. Et donc, en tant que visiteur, vous savez à quoi vous attendre, et si vous êtes pris dans la vibe, vous y reviendrez probablement pour toujours.
« Précisément parce que la musique est si extrême, elle unifie le public. »
Ton meilleur souvenir à Thunderdome ?
Pouvoir compter certaines des plus belles figures du milieu parmi mes amis est l’une des plus belles choses. Nous sommes rentrés chez des DJs et des membres de l’organisation du festival comme si nous les connaissions depuis des années. En peu de temps, nous avons été accueillis dans cette famille. Le plus beau souvenir physique est le « prix du film de cristal 2019 » que le documentaire a reçu aux Pays-Bas. C’est le documentaire néerlandais le plus regardé au cinéma cette année.
Combien de temps a-t-il fallu pour réaliser le documentaire ? Comment t’y es-tu pris ?
Deux ans et demi. Lorsque nous sommes venus présenter notre projet en salle de conférence d’ID&T [maison-mère de Thunderdome aujourd’hui, ndr], ils ont immédiatement été intéressés. Nous sommes arrivés au bon endroit, au bon moment. Ils ont reconnu qu’une histoire sur un réveil de Thunderdome serait digne d’intérêt. Ils ont également estimé que la musique et les vêtements hardcore étaient redevenus populaires aux Pays-Bas. Nous avons donc eu un accès complet à leurs archives VHS et à leurs contacts. Lorsque nous avons obtenu l’approbation d’ID&T pour rendre ce film indépendant, nous avons immédiatement commencé à suivre François Maas. Nous sommes entrés dans le processus de réalisation assez tard et Thunderdome était déjà bien avancé pour faire son grand retour, nous avons donc dû nous mettre au travail rapidement. Nous avons choisi de réaliser le projet sans le soutien financier de l’organisation du festival. De cette façon, nous avons pu réaliser librement tout en restant critique sur le sujet.
Vous avez choisi d’inclure plusieurs artistes dans le documentaire, comme Gabber Eleganza. Pourquoi et comment les avez-vous choisis ?
Nous voulions couvrir l’ensemble du spectre des générations. De la légendaire « Dreamteam » au nouveau DJ Sefa. Aussi, comme beaucoup d’influences gabber reviennent dans les rues d’Amsterdam, nous voulions également jeter un regard plus élargi sur l’écosystème et faire un petit tour du côté d’artistes et d’influenceurs contemporains qui s’inspirent du hardcore de leur jeunesse. Tout comme Vera et moi l’avons été. Gabber Eleganza en est un parfait exemple ; son influence gabber rayonne vers un public totalement nouveau et alternatif. Cela nous a permis d’étendre un peu plus l’audience de Thunderdome.
Le festival a rencontré de nombreuses difficultés et cessé son activité de production d’événements et de compilations en 2012. Comment expliquer la résurgence de l’esthétique gabber dans le monde aujourd’hui ? Penses-tu que ce phénomène marque le début d’une nouvelle ère pour le festival ?
Thunderdome en tant que concept a fait un retour sans précédent, personne ne l’avait vu venir, même les fondateurs originaux restent étonnés. L’explication peut être envisagée de manière large en disant que la jeunesse a besoin de plus d’authenticité et de brutalité à une époque où tout semble artificiel. La musique gabber est pure et visiblement c’est ce que cette nouvelle génération veut à nouveau. Je pense que ce revival a aussi un rapport avec le fait que les artistes, les spécialistes des médias et les organisateurs, maintenant dans la fin de leur vingtaine, nostalgiques, veulent faire revivre cette époque et transmettre l’ADN. Je pense que Thunderdome est définitivement au début d’une nouvelle ère intéressante.
« La jeunesse a besoin de plus d’authenticité et de brutalité à une époque où tout semble artificiel. »
Quel est le message derrière le titre du documentaire Thunderdome never dies ?
Tout au long de l’histoire, la fête a toujours été critiquée par les informations diffusées à la télévision ou dans les médias en général. Principalement décriée parce que les gens ne comprenaient pas la scène et s’y opposaient donc automatiquement. À bien des égards, des tentatives ont été menées pour réduire notre scène voire l’arrêter. Le titre du film est une déclaration au grand public disant « nous resterons ici pour toujours ». En même temps, c’est un titre fort car symboliquement Thunderdome existera toujours dans le cœur de nombreux fêtards. Que le festival s’arrête ou non. Ce titre rend ainsi le phénomène quasi mythique. Une histoire sur « cet esprit thunderdome » que nous raconterons à travers les générations.
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