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31 juillet 2020

L’album du mois : Fontaines D.C.

par Tsugi

Chronique de A Hero’s Death de Fontaines D.C. par Antoine Gailhanou, publiée dans le Tsugi 132 (juillet 2020)

 

Artwork

Ce n’est plus un secret : le punk britannique est en plein renouveau. Des groupes comme Slaves ou Idles sont désormais bien installés dans le paysage, et chaque année voit éclore de nouveaux groupes formidables, qu’on parle de Shame ou des Irlandais The Murder Capital. Mais ce sont bien d’autres Irlandais qui ont raflé la mise en 2019 : Fontaines D.C., avec leur premier album Dogrel. Malgré des compositions parfois un peu simplistes, il séduisait grâce à sa production brute au service de paroles parfaitement ciselées. Reste que la formule ne pouvait pas soutenir un second album : il fallait se renouveler. Et plutôt que de monter en intensité, le groupe, sûr de ses forces, a choisi de calmer le rythme, pour nous donner l’essentiel de son style. Tout élément superflu est abandonné, aboutissant à une production épurée, et à des tempos plus réduits. Rien n’est vraiment nouveau : ni ces rythmes lancinants étirés jusqu’à la folie, ni cette tension sourde, ni ces paroles répétées comme des mantras. Mais plus rien ne tombe dans le rouge des décibels, tandis que les sons gagnent en profondeur. Ce minimalisme fait de chaque morceau un flux sonore, où la tension est à la fois contenue et entretenue patiemment. Maintenue à chaque instant au point de rupture, sans jamais vraiment exploser, elle évolue sans cesse.

Pour autant, cette aridité apparente des compositions n’a rien de stérile. En abandonnant tout élément démonstratif, le groupe se montre d’un pragmatisme froid vis-à-vis du monde qui nous entoure. Mais il se recentre aussi sur la lumière qui peut en émerger. Pour cela, Fontaines D.C. convoque également une certaine pop désuète, celle d’un Phil Spector par exemple, mêlant à ses guitares froides des chœurs pleins de candeur, en particulier sur le single homonyme. Malmenés, salis, ces sons naïfs prennent une tournure ironique, ambiguë, mais jamais cynique. Ils incarnent plutôt les oppositions entre ombre et lumière qui parcourent notre monde. Cela donne des titres de punk sous pression, mais aussi l’autre face de la médaille : une succession de fantastiques ballades.

Dans la lignée de “ Dublin City Sky ”, qui concluait Dogrel, on a ici pas moins de quatre titres mélancoliques, dont “ Sunny ” qui va jusqu’à sortir les chœurs féminins et les cordes. L’économie de moyens fait alors jaillir l’émotion dans toute sa pureté et sa complexité : mélancolie, rage, bienveillance, désillusion, nostalgie, tout se télescope. Cette simplicité permet aussi de mettre en avant le talent d’interprète du chanteur, Grian Chatten et son merveilleux accent irlandais, aussi à l’aise dans un registre crooner crépusculaire que punk tourmenté à la Alan Vega. Avec ses atouts, le groupe aurait pu devenir le héros de la scène punk, avec des morceaux exaltants et fédérateurs. Mais il choisit de prendre du recul, de se recentrer sur ses forces, et de frapper de manière détournée. Plutôt que d’être les Beatles de ce revival, ils choisissent délibérément d’en être les Kinks : à part, certes, mais profondément sincères dans leur point de vue. Se détachant du bruit ambiant, le groupe nous rappelle que le monde est âpre, froid, cynique, mais aussi profondément ambigu et traversé de moments lumineux. Sans oripeaux, sans artifices.

Artiste : Fontaines D.C.
Album : A Hero’s Death
Label : Partisan Records
Date de sortie : 31/07/2020
Bandcamp

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