Future bass et machines à laver : il faut s’intéresser au label Electroménager
Electroménager ? Non, il ne s’agit pas du dernier son que Salut C’est Cool aurait voulu intégrer dans leur album Maison, mais bien du nom de ce jeune label porté par Jacques Torrance. Pourtant, l’idée semble tout autant farfelue : installation de machines à laver lors de leurs événements ou création d’un magazine graphique ayant pour structure un manuel d’utilisation d’appareil électroménager. Aussi, cette idée ferait-elle écho aux vrombissements saccadés de l’appareil portés dans leur projet musical ? Pas vraiment. Le leitmotiv défendu dépasse l’essence même de la musique. En réalité, il tient son nom d’une volonté de faire la part belle à l’aspect graphique du label. Jacques Torrance nous éclaire sur l’ovni Electroménager, à l’occasion de la sortie de la mixtape Delicate Cycle.
« Electroménager »… Drôle de nom, non ?
L’idée est venue d’un vieux délire qu’on avait avec un pote une fois, on s’était dit que ça pourrait être drôle comme nom pour un label, simplement dû au fait que le mot « electro » y apparaissait. Du coup, quand j’ai vraiment voulu monter mon label, ce nom m’est revenu à l’esprit. Ça m’a particulièrement plu, non seulement parce qu’il y a un côté assez drôle, puis ça reprend un mot très banal et absurde dans ce contexte, qui n’a en effet rien à voir avec la musique. Il y a aussi le fait que ça ouvrait la possibilité de faire quelque chose de très conceptuel. L’électroménager n’est pas juste le nom, mais le thème global du label. Donc, que ce soit dans l’artwork, a travers des installations de machines à laver lors de nos événements ou encore un magazine graphique dont le format ressemble à un manuel d’utilisation, j’essaye de faire des références à ce thème quand je le peux. Ça me permet de développer le label dans une dimension qui n’est pas seulement musical.
Tu fais donc toute la direction artistique du label. C’est vrai que les visuels ont l’air tout aussi travaillés que la musique…
Oui, exact. On a accès à une abondance de musique, alors que lorsqu’on veut choisir ce que l’on va écouter, il faut souvent trouver une manière de filtrer, si ce n’est pas un label ou un artiste que l’on connaît déjà. L’artwork, c’est la première chose que l’on voit donc c’est ce qui va attirer l’œil, que ce soit dans un magasin de disques ou sur Internet. Alors forcément, j’aurais tendance à cliquer sur une musique ou prendre un vinyle avec une belle pochette. Parfois, si la pochette me plaît beaucoup, ça va finir de me convaincre lorsque j’hésite lors de la première écoute. Et la réciproque est valable.
« Le plus important pour moi, c’est de créer quelque chose d’original qui a une sorte de cohérence du début à la fin, quelque chose de rond, que ce soit tant dans l’esthétique visuelle que dans la musique ou lors de nos événements. »
Quelle idée défends-tu avec ce label ?
Le plus important pour moi, c’est de créer quelque chose d’original qui a une sorte de cohérence du début à la fin, quelque chose de rond, que ce soit tant dans l’esthétique visuelle que dans la musique ou lors de nos événements. Ça me permet de travailler avec d’autres artistes qui ont une perception similaire. Ils me confient leur musique et je fais mon maximum pour la présenter au public. Je ne veux pas qu’Electroménager soit juste un lien SoundCloud ou Bandcamp avec des tracks mp3, mais quelque chose de plus concret. C’est dans ce but que je crée des produits pour donner un aspect physique au label, en vue de rencontrer les artistes concernés et entretenir des relations au-delà du contexte de la musique. J’apprends énormément de choses.
Quel type d’artistes rassemble-t-il ?
Le label rassemble un mélange d’amis et d’artistes de la scène électronique qui viennent un peu de partout. Il y en a que j’ai tout simplement découvert via SoundCloud, tels que Thoden (UK), Porter Brook (UK), Vina Konda, Ben Bondy (USA), Perko (DNK). D’autres à travers des amis que nous avons en commun, comme De Grandi (FR) ou encore Christian Coiffure (FR) et Realitycheck (FR). Je les ai rencontrés à Paris alors que j’y étais pour des gigs. Ceci-dit, le label rassemble également des artistes non-musicaux. Par exemple, je travaille très régulièrement avec un bon ami à moi et photographe, Olly Geary, basé à Glasgow en Écosse. C’est lui qui s’occupe de la partie photographique du label, comme pour certaines releases ou les visuels pour nos émissions sur Rinse France. J’en profite pour lui dire un grand merci, il fait vraiment un super travail ! J’ai également collaboré avec des amis artistes basés ici, en Allemagne, comme Felix Koestinger et Julian Eichelberger, qui ont monté une installation artistique lors de la release party de la première sortie, dans le sous-sol d’une galerie d’art [Galerie Kernweine à Stuttgart, ndlr].
Dans cette compilation, on va de l’ambient à l’acid par un chemin très logique, comme un DJ set presque…
En sélectionnant les tracks pour cette compilation, je voulais la traiter comme si c’était un album ou un EP. C’était important qu’elle soit homogène dans son esthétique sonore. Je ne voulais pas qu’il y ait la même rythmique non plus. Souvent, avec les compilations, on achète juste un ou deux morceaux, au lieu du disque intégral. Cependant, en mêlant des tracks très lents avec des tracks plus rapides, ou même plus ambient, il y en a pour toutes les situations, surtout dans le contexte des DJ sets.
« J’ai toujours eu tendance à écouter et à jouer beaucoup de musique qui venait du Royaume-Uni comme le breakbeat, la jungle, la dub, la UK bass ou la drum and bass. »
Ta sortie fait écho à toute la scène future bass. Comment la considères-tu ?
C’est une scène qui me plaît beaucoup. Cela est dû au fait qu’elle a tendance à se porter énormément sur la rythmique et les percussions, tout cela se juxtaposant avec du sound design très travaillé. Beaucoup de mes labels français préférés poussent cette scène, tels que Paradoxe Club, Comic Sans Records, Man Band, BFDM, etc… Et forcément, Ils m’inspirent beaucoup. J’ai toujours eu tendance à écouter et à jouer beaucoup de musique qui venait du Royaume-Uni comme le breakbeat, la jungle, la dub, la UK bass ou la drum and bass. C’est très intéressant de voir comment les Français sont actuellement en train de réinterpréter ces sonorités et de les développer à leur manière, souvent avec plus d’intensité.
Quels sont tes projets pour la suite du label ?
Je préfère ne pas trop en dire, parce que la plupart du temps mes plans changent en raison d’imprévus. Mais ce qui est certain, c’est qu’il y aura plus de sons, plus d’émissions radio, plus d’événements, plus de machines à laver, plus de vidéos, plus de photos, plus de collaborations, donc plus d’Électroménager (rires). Nous ne sommes qu’au début du projet.