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Izïa avant l'annulation / ©Joffrey Wingrove
10 avril 2020

Grand Bonheur : Marseille met la francophonie musicale à l’honneur

par Tsugi

Depuis 2013, la coopérative de musique Grand Bonheur s’attache à faire rayonner la francophonie à Marseille, mais également à l’international. Sans frontières de genres. Embarquement pour le Sud. 

Par Manon Michel

Le soleil marseillais n’aura pas suffi à sauver le festival Avec Le Temps, consacré à la scène francophone. Initialement prévu du 5 au 28 mars, à travers plusieurs lieux emblématiques de la ville, la pandémie de coronavirus aura eu raison en partie des festivités. Une mauvaise nouvelle pour cet événement lancé il y a vingt-deux ans déjà, et partie intégrante de la structure Grand Bonheur.

L’affiche aurait dû accueillir Vladimir Cauchemar, L’Impératrice, Aloïse Sauvage, Mauvais Œil, Suzane, Jok’Air et bien d’autres. Mais le festival entend bien se rattraper l’année prochaine. Il faut dire que c’est une belle histoire. Tout commence il y a 22 ans par l’intermédiaire du Crac, un collectif marseillais autour de la chanson française. Mais il y a cinq ans, après avoir connu des hauts et des bas, les organisateurs se tournent alors vers Grand Bonheur: « Ils nous ont contactés, car on avait toute une partie de notre catalogue artistique qui relevait de la scène francophone. On s’est associés, puis on a rapidement repris le festival », explique Olivier Jacquet, cofondateur de la coopérative. Au départ présenté comme un festival de chansons françaises, Avec Le Temps s’est imposé comme un évènement dédié à l’ensemble des scènes francophones musicales.

Entre ironie et utopie

Comprendre le fonctionnement de Grand Bonheur n’est pas chose aisée à la première lecture, Olivier le reconnaît. De nombreuses activités sont gérées par cette coopérative créée en 2013 : producteur, tourneur, direction artistique, label… Le codirecteur résume ainsi le projet : « Grand Bonheur, c’est une dynamique à quasi 360 sur les métiers de la musique. Et c’est aussi une manière de retourner la table sur les liens entre artiste et producteur. » En effet, loin des rapports de force parfois tendus dans l’industrie musicale, où des artistes reçoivent une part mineure des bénéfices, ils se retrouvent ici employeurs. Tout est dit dans la définition du mot coopérative : « Entreprise où les droits de chaque associé à la gestion sont égaux et où le profit est réparti entre eux. » Olivier explique : « Quand au sein du conseil d’administration de la structure, il y a une part non négligeable d’artistes, de techniciens, etc.… Cela change la donne. Finalement, on essaye de trouver le juste milieu entre le professionnalisme et l’artisanat. »

“On avait envie de montrer que pour s’engager dans une initiative comme ça, il faut une grande dose d’optimisme, voire d’utopie.”

Quand Olivier revient sur le choix de du nom particulier de la coopérative, il laisse échapper un rire : « Il vient de conversations à n’en plus finir. On avait envie de montrer que pour s’engager dans une initiative comme ça, il faut une grande dose d’optimisme, voire d’utopie. Il y a une forme d’ironie dans Grand Bonheur qui nous allait bien. » Si le nom est teinté d’ironie, les actions sont concrètes. Et la structure s’attache à un niveau local, au sein de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur comme à l’international : « Être organisés en coopérative n’a été aucunement un frein pour bosser avec des groupes du monde entier. Par contre, quand les artistes viennent de Kinshasa, des États-Unis ou d’Australie, on ne leur demande pas tous d’être coopérateurs. Le fait de s’impliquer est un choix, il n’y a aucune obligation. »

Therapie Taxi en 2019 / ©Lea Esposito

L’amour de la langue de Molière

Si son activité n’a pas de frontière, la scène régionale est au cœur des préoccupations de la structure sudiste. Et non, Jul et Soprano ne sont pas les seuls à faire vibrer les enceintes de Marseille. Olivier décrypte : « Ici, il y a une scène à dimension humaine. Les artistes se côtoient, échangent et créent ensemble, mais il n’y a pas véritablement une esthétique commune. » Mais la langue française tient un rôle primordial dans l’aventure : « Les jeunes artistes s’emparent avec toujours autant d’avidité positive du français. On a eu la chance de constater, quand on a repris le festival, qu’il y avait beaucoup d’esthétiques différentes qui commençait à s’emparer du français. Je craignais que ce phénomène soit un feu de paille, mais ce n’est pas le cas. »

Que les projets soient locaux ou internationaux, Olivier est catégorique : le rôle de la musique dépasse ce que l’on croit : « Il y a un aspect sociétal, qui se voit ici dans la manière dont on communique avec nos publics, jusqu’à notre mode de gouvernance. On s’implique dans énormément d’actions éducatives, bien souvent sur nos fonds propres. Et on essaye d’intégrer au maximum les questions écologiques dans notre travail, au niveau des supports, des transports, de la pollution numérique… » Une importance sociétale de la musique encore plus visible durant cette période de confinement si particulière, où chaque note devient une potentielle échappatoire. Une chose est sûre : nous profiterons du festival Avec Le Temps en 2021, et plutôt deux fois qu’une.

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