Avec ce premier album attendu, Sorry représente le futur du rock
Chronique de l’album 925 de Sorry, prévu le 27 mars 2020 sur Domino Recording.
Il y a quelques semaines, alors que les fans des Strokes se régalaient à l’Olympia, quelque chose d’encore plus beau se passait à quelques kilomètres de là, au Supersonic, temple parisien du rock émergent. Après avoir enchaîné les festivals et les premières parties pour des groupes comme Shame et Fat White Family, les deux Londoniens de Sorry – anciennement nommés Fish – étaient là pour donner leur premier vrai concert en France. De quoi donner un aperçu de 925, premier album attendu depuis très longtemps.
Depuis sa signature chez Domino en 2017, le groupe ne cesse de dévoiler des singles au compte-gouttes, et même quelques mixtapes sur Bandcamp. La perspective d’un album paraissait de plus en plus évidente, sans jamais voir le jour pour autant. Trois ans plus tard, le long format est enfin disponible. Bien qu’il contienne quelques vieux morceaux, le disque est loin d’être une simple compilation. On voit bien que le duo a pris le temps de peaufiner la production : les démos Soundcloud ont été troquées contre des versions plus classes et fignolées.
Au vu de leurs premiers singles, on aurait pu s’attendre à du rock lorgnant du côté du punk et garage. On se retrouve au contraire plutôt face à des ballades lancinantes. Avec des guitares résolument punk, “More” reste une chanson pop dans sa forme. Des pointes électroniques et des chœurs enfantins agrémentent le fascinant “Ode To Boy” pendant que des beats hip-hop ont été ajoutés à la nouvelle version de “Lies”. Et c’est tout ça qui fait la force de Sorry : aller là où on ne l’attend pas. En témoigne le saxophone qui ouvre l’album sur le magistral “Right Round The Clock” aux influences jazz. Si la voix et la façon de chanter d’Asha Lorenz nous séduisent doucement au fil des morceaux, celle plus rare et effacée de son partenaire Louis O’Bryen a le mérite d’en faire quasiment autant. Alors quand les deux se rejoignent et se répondent, sur le fameux “Right Round The Clock” ou encore “Heather”, c’est divin.
Difficiles à cerner au milieu de leur esthétique granuleuse à la fois vintage et moderne, les deux jeunes Anglais en deviennent extrêmement intéressants et imprévisibles. Les paroles, quant à elles, reprennent le thème du triptyque cliché “Sex, drugs and rock’n’roll”. Dans son refrain abrasif – “I want more and more and more, I want love, don’t give me too much, too much, too much, just give me enough” avant de continuer sur “I want drugs and drugs and drugs” –, le single “More” résume bien tous les thèmes du disque – parfaitement représentés sur la pochette sombre et sensuelle –, tout en les accompagnant de questionnements rationnels. Pourtant, ces contes d’amour lunatiques, parfois optimistes, parfois pessimistes, paraissent bien réels. Entre besoin, désespoir et regrets, c’est sûrement car ils peuvent parler à tout le monde, interprétés et réappropriés différemment selon les personnes et leurs expériences. Avec toutes ces preuves à l’appui, il ne fait plus de doute que Sorry représente le futur du rock, et bien plus encore. On vous aura prévenus.
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