Tsugi 126, avec Underworld en couverture, disponible en kiosque à partir du 4 octobre !
C’est un fait inéluctable. Le temps déroule son compte à rebours impitoyable et nos idoles de jeunesse vieillissent. On se foutait de la gueule de ces dinosaures du rock encore sur les routes à un âge incertain, et on s’aperçoit un peu effaré que la musique électronique affiche déjà plusieurs décennies au compteur et que les héros des débuts sont à leur tour gagnés par les rides et les cheveux blancs. Mais qu’importe le poids des ans, tant que la pertinence musicale est toujours là. On l’avait déjà démontré le mois dernier avec New Order, et on le vérifie une nouvelle fois ce coup-ci avec Underworld et son projet complètement fou Drift Series 1, qui a vu le duo sortir de nouveaux morceaux et vidéos chaque semaine depuis un an. Est-ce que les Britanniques auraient été capables de réaliser la même prouesse dans leur vingtaine ? Ils répondent eux-mêmes par la négative. Ce tour de force n’a été possible que par leur volonté farouche de se remettre en question et de briser ainsi l’inéluctable routine : album/tournée/album/ tournée. Difficile d’éprouver le même sentiment quand on est seulement aux prémices de sa carrière. Mais vieillir n’a pas que des avantages, loin de là. On vient de le constater avec la disparition brutale de Philippe Pascal, chanteur héroïque et possédé de Marquis de Sade puis de Marc Seberg. Nos idoles de jeunesse meurent aussi. Hélas.
Vous retrouvez également dans ce numéro des rencontres avec Frustration, Acid Arab, Anetha, Jas Shaw (de Simian Mobile Disco), Lysistrata, on partira à New-York à la belle époque de Danny Tenaglia, on retrouvera l’équipe de militantes de Barbi(e)turix en plein blind-test, Claptone nous parlera de ses inspirations ciné, littérature et musique, on se demandera ce qu’est devenu Brodinski ou à quoi sert le mastering… Un numéro qui comportera évidemment votre lot de chroniques, tests de casques et autres bons plans sortie, ainsi qu’une petite leçon de boxe thaï par Pablo Alfaya – l’autre passion du musicien. Rendez-vous en kiosque ou sur notre boutique en ligne à partir du vendredi 4 octobre ! Mais comme on est trop sympas, on vous offre déjà le début de l’interview d’Underworld par Patrice Bardot :
En se lançant dans le projet tentaculaire Drift Series 1, le duo sexagénaire Rick Smith et Karl Hyde renoue avec la folie de sa jeunesse. Loin d’être un dinosaure en voie d’extinction, Underworld, plus de 30 ans après ses premiers pas, marche encore sur la Lune. Rencontre quelque part dans l’Essex avec deux charming men.
Motus et bouche cousue. Comme nous avons signé une clause de confidentialité, nous n’allons pas vous révéler où se situe l’antre de Underworld. Gigantesque capharnaüm, courant sur plusieurs bâtiments, à la fois studio d’enregistrement, bureau et lieu de stockage d’éléments du live, qui donne à l’endroit, perdu dans la campagne, une allure hésitante entre scintillante caverne d’Ali Baba et brocante vintage un peu poussiéreuse. En cette journée de septembre un soleil radieux règne sur l’Essex, ce qui permet à Karl Hyde, 62 ans, vocaliste et principalement guitariste d’Underworld, de nous accueillir avec une de ces blagues sur la météo dont nos amis anglais ont le secret: “Vous avez vu ce temps ? Vous savez qu’il y a vraiment un microclimat uniquement au-dessus de cet endroit ? Eh bien, c’est parce qu’on paye tous nos impôts ici.” Funny, isn’t it ? Avec son complice Rick Smith, 60 ans, l’homme-machine du groupe, il forme une paire qui règne sur la musique électronique depuis 1994 et la sortie de leur premier album, le fameux Dubnobasswithmyheadman. Un classique où la voix de Hyde, entre rap et chant, ensorcelle les savants beats techno, gonflés de basses, produits par Smith. Un disque qui pose vraiment les jalons d’une carrière qui n’en était pourtant pas à son coup d’essai, les deux hommes ayant déjà sévi dans les eighties sous pseudo Freur, responsable même d’un tube (“Doot Doot”). Mais loin de cette synth-pop un peu niaise, Underworld va au fil des albums enfoncer le clou d’une musique électronique à l’énergie brute, à la tension mélancolique certaine, mais aussi habitée d’un indéniable sens mélodique. La preuve avec le hit “Born Slippy .NUXX” (1996) dont la présence sur la bande originale du film de Danny Boyle Trainspotting allait pousser des générations entières à gueuler, comme Karl Hyde, le fameux “Lager, lager, lager, lager shouting, lager, lager, lager, lager shouting”.
Certains groupes auraient tout arrêté là, incapables d’enchaîner après un tel succès. Cela n’a pas été le cas du duo, dont la verve inspirationnelle ne s’est jamais vraiment tarie, même si, on doit bien avouer qu’au fil des années, on avait un peu perdu de vue sa discographie longue comme le bras entre albums studios et live, bandes originales de films, musiques pour pièce de théâtre, ou expérimentations diverses avec Iggy Pop ou Brian Eno. Jusqu’à ce que l’on soit intrigué, il y a un an, pour le drôle de défi que ces récents sexagénaires se sont lancé: sortir pendant un an, chaque semaine, des titres inédits accompagnés de vidéos. Tour de force un peu dément, les passionnantes pièces de ce Drift Series 1 sont rassemblées aujourd’hui dans un copieux coffret, dont est extrait un album sampler qui démontre magnifiquement, entre dancefloor poisseux et expérimentations solaires, que la capacité créative toute personnelle de Smith & Hyde n’a rien perdu de sa puissance. Le travail, c’est donc bien la santé? En discutant avec ces deux géniaux workaholics, on aurait tendance à le penser. “Tendance”, on a dit.
Quand on produit de la musique depuis plusieurs dizaines d’années, est-ce nécessaire de s’embarquer dans un projet fou comme Drift Series 1 pour échapper à une certaine routine?
Karl: (il applaudit) Fantastique! Merci de nous dire que c’est un projet fou. Tu es le premier journaliste à le faire.
Rick: C’est tout à fait vrai. Plus on avance dans la vie, plus on perd la fraîcheur au profit de l’expérience. Mais pourquoi cela devrait être obligatoirement le cas ? Non, il faut au contraire agir pour empêcher cela.
Pendant un an vous avez sorti chaque semaine des nouvelles chansons et des nouvelles vidéos, plus que dans toute votre carrière. Quel a été le point de départ de cette frénétique créativité?
Karl: Je crois que nous avions envie de nous lancer dans un projet différent. Et on s’est aussi rendu compte qu’il y avait beaucoup de talents et de compétences autour de nous que nous pouvions utiliser, nous compris, et Drift Series 1 était un bel outil pour mobiliser tout ça.
…La suite à retrouver en kiosque le vendredi 4 octobre ou sur notre boutique en ligne !