Système Son : le meilleur sound-system de votre dimanche
Se construire le même sound system que les plus grands clubs new-yorkais de l’histoire, c’est possible. Sébastien Deswarte l’a fait.
Il y a quelques mois, les amateurs de musique électronique découvraient admiratifs l’existence de Sébastien Deswarte, un passionné lillois qui s’était patiemment construit depuis 20 ans dans son appartement un système son calqué sur ceux des plus grands clubs new-yorkais des années 70 et 80. Ce dimanche 29 septembre, ce ne sont plus ses seuls amis qui vont profiter de sa sublime installation qui servaient lors de fêtes privées, mais le public de la soirée Système Son, qui verra Seb le Vinyl, son nom de scène, partager l’affiche avec d’autres diggers de premier plan, James Murphy, Vincent Privat et Coleen ‘Cosmo’ Murphy.
Qu’as-tu fait avant que devenir l’homme au sound-system digne des clubs new-yorkais ?
Je suis originaire de Dunkerque. Plus jeune, avec une bande d’amis, nous avons organisé de nombreuses soirées et invité des centaines d’artistes grâce à deux associations que nous avions créé, la Dunk Phenomena et Brothers & Sisters. On parlait peu de Dunkerque, car c’est une petite ville, et lorsque nous invitions certains DJs, certains hésitaient à venir. Pourtant la plupart en ont gardé un bon souvenir, car notre public était éduqué à la musique. Malheureusement notre public s’est dilué avec les années, et il a fallu chercher du travail. Beaucoup sont partis, et il y a aujourd’hui des Dunkerquois sur de nombreux dancefloors, à Paris, Marseille, Lyon, Grenoble… De mon côté, j’ai travaillé un moment pour le magasin de disque 12Inch à Paris puis Nuloop à Roubaix, j’ai ouvert un bar, et à sa fermeture, j’ai travaillé pour Euroguitar à Lille. J’ai toujours eu des jobs en lien avec la musique, mais financièrement c’était devenu difficile. J’ai donc repris des études à 36 ans et j’ai intégré une banque. J’avais abandonné l’idée de gagner ma vie grâce à la musique, organiser des soirées chez moi me suffisait… et puis l’interview sur le site de Red Bull est arrivé.
Faut-il avoir un grain de folie pour vouloir reconstituer les sound-systems de clubs new-yorkais ?
Oui et non. Ce n’était pas forcément le but au départ. Puis ça s’est fait sur 20 ans, au fur et à mesure des bonnes affaires. Il faut surtout avoir une femme compréhensive.
Qu’est ce qui t’a tant plu que tu t’es mis en tête de les reproduire chez toi ?
Je suis passionné de musique, j’achète des disques depuis des années. Dépenser autant d’argent dans les disques et écouter ça sur un mauvais système, c’est malheureux. Et puis je me suis beaucoup documenté sur l’histoire de la dance music. Le point de départ c’est David Mancuso (DJ et créateur des mythiques soirées du Loft à New York, ndr), cet homme était respecté par tant de DJs que j’admire que j’ai commencé à me documenter sur lui… et forcément sur son sound system. Dans les années 90, je sortais beaucoup en Belgique. Le temps passant, les soirées démarraient trop tard pour moi et je m’y retrouvais moins au niveau musical, donc autant les faire chez moi avec mon système. En plus ma femme adore ça.
Comment a débuté cette improbable quête ?
Mes premiers voyages à New York dans les années 90 m’ont ouvert les yeux sur les sound system et l’héritage de Richard Long (créateur du sound system du Paradise Garage, Studio 54…).
Quel fut ton premier achat ?
Un paire de Klipschorn (mythique enceinte créé par Klipsch en 1946 et référence en matière de hi-fi, ndr).
Tu as construit pièce par pièce ton sound-system. Est-ce que ça a été un travail de longue haleine ? Es-tu capable d’en estimer le montant total ?
Ce fut long, cela m’a pris plus ou moins 20 ans. J’ai commencé avec avec deux platines Technics, une paire de Klipschorn et une table de mixage Rodec. Puis lorsque je travaillais à la boutique 12Inch, DJ Deep, qui avait son studio au sous-sol, travaillait avec Jérôme Barbé sur une console DJR 400, j’ai fait le site web de Jérôme, et il m’a fait une DJR à bon prix (je l’ai toujours pour mixer à l’extérieur, c’est le top). Ensuite j’ai eu la possibilité d’acheter une deuxième paire de Klipschorn, et je les branchais sur un ampli McIntosh MA6100. Avec le temps, j’ai fait évoluer mon matériel, j’utilise aujourd’hui une ARS 4100 comme table de mixage, et des amplis de puissance Bryston 4b3. En fait, je déteste acheter du matériel de mauvaise qualité. J’ai vu mes amis changer de table de mixage tous les deux ou trois ans parce qu’elle craquait. Je préfère me priver et acheter du matériel durable. C’est difficile d’estimer le montant total, je crois que je n’ai pas envie que ma femme le sache. (rires)
Estimes-tu avoir fini d’assembler ton sound-system ? Quelle pièce te manque encore ?
Je crois que je n’aurai jamais terminé, le système évolue avec le temps. Ce sont les finances qui me freinent, il faut que je me calme tout de même, j’ai une famille. J’espère que la soirée du festival Red Bull n’est qu’un début et que les soirées me permettront de financer mes achats. Car je me renseigne sur les pré-amplis phono, notamment le Prima Vida de la marque japonaise Aurora Sound.
Pour entretenir tout ce matériel, il faut non seulement avoir une bonne oreille, mais aussi de solides compétences techniques. Tu as été forcé d’apprendre sur le tas ?
Je ne sais pas si j’ai de bonnes oreilles, c’est quand même très relatif. Mon sound-system plaira à certains et pas du tout à d’autres, tout dépend ce que l’on recherche. Pour ma part je trouve que les sound-system en club sont beaucoup trop forts, ils me fatiguent vite en général. Il m’est arrivé d’aller en club, de trouver le son plutôt bon et une heure après d’en avoir plein la tête. Mon sound-system n’est pas puissant, ce n’est pas le but, on peut discuter tout en dansant. Un de mes anciens clients l’a très bien résumé un jour en me disant: « A chaque fois que je viens chez toi j’ai envie de danse. » A un moment, ce n’est plus une question d’oreille mais de ressenti. J’ai appris tout ceci grâce à Internet, sur les forums. Il y a des endroits fantastiques pour apprendre, notamment le site www.wavesmusic.com. On y trouve des passionnés qui ont connu Richard Long, ont fréquenté les club new-yorkais comme le Paradise Garage et partagent leur savoir.
Est-ce que ta femme partage ta passion ?
Oui, bien sûr. Ma femme adore recevoir, nous sommes dunkerquois tous les deux, et les amis sont très importants pour nous. Les Dunkerquois sont des fêtards, il suffit de faire le carnaval pour s’en rendre compte. J’ai toujours reçu mes amis avec plaisir.
Et avec tes voisins, cela se passe bien ? Ça doit envoyer un peu quand tu mixes ?
Ma maison est bien isolée, et mes voisins sont très tolérants. Je ne mixe pas si souvent, j’écoute plus de la musique. J’ai besoin de public pour mixer, c’est pour ça que je n’ai quasiment pas de mixes sur le web, c’est le public qui m’influence.
C’est pour des raisons de volume sonore que tu as dû fermer ton bar ?
Oui, une voisine s’est acharné, j’en ai eu marre et j’ai fini par fermer. J’ai fait le maximum, j’ai investi dans une isolation phonique et j’ai fini par comprendre qu’elle voulait juste m’emmerder. Il n’y avait rien à faire. J’en ai eu assez de voir la police débarquer et de recevoir des amendes du tribunal. En plus à Dunkerque, c’était difficile. Un bar audiophile n’intéressait que peu de gens à l’époque. J’aurais fait ça à Londres, Paris ou Bruxelles, l’histoire aurait été différente.
Si j’ai bien tout compris, Klipsch t’a donné une paire de Klipschorn, que tu t’es empressé de modifier… Il faut forcément les bidouiller pour qu’elles sonnent comme tu veux ?
Klipsch m’a offert une paire qui était utilisée pour les salons audio. C’est un super cadeau, elles sont magnifiques. Elles avaient un problème au niveau du filtre, donc j’ai changé le filtre d’origine par un Voltiaudio. Il ne faut pas forcément les modifier, elles ont déjà un son terrible d’origine, mais j’ai acheté des paires de Klipschorn de 1972, 1982 et 1986, donc certains certains composants doivent être remis à neuf. Toutes mes Klipschorn sont désormais équipées avec des filtres Voltiaudio.
Ce n’est pas tout de recréer l’âge d’or des sound-systems new-yorkais, on reste quand même curieux de savoir ce que tu joues quand tu t’empares de platines…
Je joue principalement du disco, du funk, du jazz funk, mais aussi la veille house, un peu de vieille techno, du reggae, de la musique brésilienne… En gros, je joue ce qui me plait, ce qui fait remuer les fesses. Faire des sets de deux heures n’est pas mon fort, je préfère jouer des longs sets. Ça me permet de jouer beaucoup de choses différentes à des tempos et des ambiances variés. Quand j’ai commencé à mixer, il fallait limite choisir ce qu’on voulait jouer, techno, house ou disco. On se mettait des barrières pour rien. Aujourd’hui je n’ai plus aucune barrière, je joue ce que j’aime.
Tu n’est pas un peu frustré que tout ce matériel ne serve que dans ton loft pour des fêtes privées ?
Un peu, j’ai longtemps eu en tête de créer un club. Mais c’est compliqué, je ne suis pas fait pour les finances et je ne suis pas prêt à faire des concessions musicales pour que mon club tourne. Chez moi, je suis libre de faire ce que je veux et de jouer ce je veux, j’ai une totale liberté car il n’y a aucun enjeu financier. Et maintenant que j’ai une famille, je ne pourrais plus passer tous mes vendredi et samedi soir dans une discothèque. Mais depuis l’interview Red Bull, j’ai reçu des propositions, certaines aboutiront peut-être, il faut que je croise les bonnes personnes. Il y a quelques mois, j’ai recroisé Dirk, le boss du Culture Club en Belgique. J’ai joué pour lui dans de nombreuses soirée magiques, c’est lui qui m’avait invité à jouer avec David Mancuso et DJ Cosmos. Il est sérieux, professionnel et passionné, j’ai beaucoup de respect pour lui, et il y a un projet qui j’espère aboutira. J’ai besoin de travailler avec des gens de confiance et j’ai une totale confiance en lui.
Ressens-tu une fierté particulière de jouer à la soirée Red Bull dans les murs du 104, et surtout de voir jouer quelqu’un comme James Murphy sur TON soundsystem ?
Bien sûr, ça fait plaisir d’avoir de la reconnaissance. Je mixe depuis 25 ans et je n’ai jamais eu de réelle reconnaissance. Pour le moment, pour être honnête, c’est surtout stressant de bouger tout mon sound-system, de l’installer dans une salle que je ne connais pas. James Murphy connait les sound-system, son sound-system Despacio est impressionnant, nous ne jouons pas dans la même catégorie, mais j’espère qu’il appréciera.
Tu as une véritable admiration pour David Mancuso, au point de vouloir recréer une sorte de Loft dans une ferme de la campagne lilloise. Le projet est toujours d’actualité ?
Je ne dirais pas que j’admire David Mancuso, mais je respecte sa vision et ce qu’il a créé. Il aurait pu faire un business à une époque et il ne l’a jamais fait, c’était un passionné. Mon projet est toujours d’actualité, nous pensions en avoir trouvé le corps de ferme idéal, du coup nous avons vendu notre loft, qui est est parti en 20 minutes. Malheureusement nous n’avons pas fait de proposition pour la ferme car il y avait trop de travaux et nous devons quitter notre loft pour le mois de mars. C’est assez stressant pour le moment, parce que nous devons absolument trouver quelque chose au plus vite, sinon je vais me retrouver à la rue avec ma femme, mes gosses, 8 Klipschorn, un gros paquet de disques, nos meubles, plus mon garage rempli d’enceintes. Bref ça pue.
Système Son, dimanche 29 septembre au 104 (Paris)