Electro Alternativ 2019 : mille et une nuits
Il était une fois, à l’aube des années 2000, une bande de fêtards un peu rebelles. Fatigués des stigmatisations subites par les musiques électroniques, ils décident d’agir. Sous la protection de deux chapiteaux, sur les berges du lac de Sesquière, à Toulouse, ils fondent l’Electro Alternativ, un festival comme un cheval de bataille. 15 ans plus tard — soit environ cinq mille nuits — le festival a mûri, évolué, et surtout, s’est confortablement installé dans le paysage culturel et institutionnel de la ville. De quoi donner l’envie de se poser une question simple : le combat a-t-il encore du sens ? Pour les organisateurs du festival, le débat reste ouvert, et permet de relever de nouveaux défis. Repousser les genres, abattre les frontières et taper du pied en font partie. Tout au long du mois de septembre, l’Electro Alternativ a donc envoûté les nuits toulousaines en dénichant lieux atypiques et DJs de tous les horizons. Vaste programme.
Toulouse : mythes et légendes
L’aventure débute un samedi soir dans un lieu culte de la ville rose. Le Bikini est mobilisé pour animer la dernière nuit club de l’édition. Et c’est un panel 100% français qui est chargé d’électriser la salle. Rencontre dans le noir avec la jeune Élise, qui a fait son éducation musicale entre Paris et la scène underground chinoise. Beau pari. La DJ débute avec de puissantes lignes de basse qui motivent les foules, avant de passer par des passages plus vaporeux. C’est sur une house enjouée qu’elle choisit de terminer son set, que reprend Bambounou, acclamé par son public. Cigarette coincée entre les lèvres, groove endiablé : le roi du cool continue de déclencher les passions, jusqu’à l’arrivée de Luxor, le duo formé par Antigone et Schlømo. La paire anime les derniers survivants en flirtant avec la trance.
Le festival choisit de chouchouter ses clubbers invétérés. À peine quelques heures de repos, avant de se donner rendez-vous dans un nouveau lieu. Cette fois-ci, il faut déambuler dans les petites rues piétonnes de la ville. Le soleil s’est levé sur l’Église du Gésu, lieu de culte un peu caché dans les dédales de pavés. Un seul pas sous son toit, et la magie opère. Une composition d’ambient jouée à l’orgue plonge tous les visiteurs dans un état second, peu importe leur âge, genre ou état de fatigue. Les fêtards se sont emparés des tapis et des coussins qui bercent la suite de leur nuit ; des reines de la méditation semblent plongées dans une grande introspection. Même les enfants se taisent sous la nef. Amen.
Lorsque la musique s’arrête (et que les yeux s’ouvrent), le compositeur Maxime Denuc et Cindy Castillo à l’orgue sont accueillis par une salve d’applaudissements. On ne sait plus trop si on se trouve dans 2001, l’Odyssée de l’espace ou bien à la messe, mais on ressort de notre torpeur avec un sourire aux lèvres sous un ciel pluvieux.
Shéhérazade, princesse nocturne
Mais cette douce parenthèse n’est que de courte durée. Elle annonce, à la manière d’une prophétie, l’ultime nuit de ce marathon infini. Direction la Halle de la Machine, un énième lieu emblématique de Toulouse, où un minotaure accueille les visiteurs et des araignées géantes grimpent sur la scène. Après une ouverture en crescendo orchestrée par Ioritz, le public semble prêt à mourir d’impatience pour son messie. Lunettes noires, moustache et keffieh : Omar Souleyman et sa bonne vieille recette de synthés criards et vas-y-que-je-tape-dans-mes-mains-le-micro-sous-le-bras apparaît enfin sur scène, et déclenche l’hystérie générale. Preuve en est des nombreux selfies pris devant le showman syrien. Hallucinant. Mais c’est plutôt l’élégance de گليترGlitter٥٥ en seconde partie de soirée qui illumine cette dernière nuit. De Red Axes à Underspreche, la DJ marocaine construit son set sur un ton clair-obscur qui envoûte son public. Un diamant dans le noir.
+ : گليترGlitter٥٥ remixe « Kookoo Papa » de Red Axes, il y a de la place pour danser : menu royal.
– : À quand un code du clubber qui interdit d’enlever son tee-shirt et de crier 15 fois « Omar je t’aime » ?