Ososphère 2019 : la techno est dans la rue
Que du béton armé. C’est le mot d’ordre de la vingtième édition du festival Ososphère à Strasbourg. Après des années de pérégrinations dans la ville, de la Coop en 2012 au Jardin d’Hiver sur le campus de l’Esplanade en 2015, les organisateurs ont décidé de revenir dans le quartier mythique qui a vu naître le festival : la Laiterie. Pour les non-initiés, située dans le sud-ouest de Strasbourg, la Laiterie est une friche dont la renaissance débute en 1994. 2019 : 25 ans du projet, 20 ans du festival – ça fait des bougies à souffler, et du monde à épater. Pour marquer le coup, il ne s’agit pas tellement d’innover, mais plutôt de revenir dans ce quartier incarnant le point d’ancrage du festival, pour y créer une ville dans la ville.
Et les festivaliers sont avertis dès leur entrée sur les lieux, vendredi soir à 22:30 : ils sont bien sur un chantier, comme le prouve une bétonnière à facettes (si, si) imaginée par l’artiste Benedetto Bufalino, et rythmée par une playlist disco-ringarde (notre plus gros guilty-pleasure). Au-delà de l’envie de construire une scénographie, le festival s’est employé à créer de l’espace public. Ainsi, « l’ultra-rue » de l’Ososphère accueille également de gigantesques projections de vidéos de caméras surveillance des alentours, mises au point par Thomas Lasbouygues. De quoi brouiller les pistes entre privé et public.
Pour investir ce lieu atypique, ce sont 4 salles qui s’ouvrent aux festivaliers. La Delta investit la bien célèbre salle de concert de la Laiterie, dont la programmation fait la fierté de la ville, le Molodoï devient l’Abysse, l’Espace K devient la Crique, avec à ses côtés, la salle de la Rocaille au théâtre de Strasbourg. Et pour inaugurer ce festival ultra-urbain, il semblait évident de faire vibrer les murs avec une techno industrielle et presque 100% allemande. Impossible de le louper ; le mythique label Kompact est omniprésent. C’est d’ailleurs Kölsch, remplaçant de dernière minute de Len Faki (hospitalisé peu avant le début du festival) qui ouvre le bal avec un live hypnotique et entêtant. Sascha Funke, autre figure de proue du label, prend doucement ses marques devant une salle peu remplie et signe un set pleinement inspiré d’une techno old-school nous ramenant au début des années 2000. Enfin, Barnt profite lui de la longueur de sa performance (4 heures) pour expérimenter plusieurs genres et s’aventurer dans tous les sens, pour le meilleur – comme pour le pire…
Dans les têtes d’affiche, la part belle est faite aux anciens, ces noms qui font figure de proue de la techno d’outre-Rhin depuis au moins deux décennies. En deuxième partie de soirée, Paula Temple et Ellen Allien se partagent ainsi les deux salles les plus remplies du festival pour des sets électriques. Tandis que la brune persiste et signe avec son éternel brutalisme rythmique, Ellen Allien offre un mix survolté, 100% punk et 100% acid qui donne chaud – très chaud – à ses spectateurs. Tommy Four Seven, programmé avant ces dames, n’est pas en reste : c’est avec une techno distordue au rythme complètement déconstruit qu’il fait transpirer son public dès le début de la soirée.
Techno industrielle, ultra-urbanité… Faut-il retenir de cette vingtième édition d’Ososphère une impression froide et brutale ? Pas si vite… Rappelons l’intention du festival, celle d’incarner un territoire urbain, et donc, de le partager avec ses habitants. Un air de convivialité plane sur le quartier de la Laiterie. Entre deux concerts, il est ainsi possible aux festivaliers d’envoyer des cartes aux résidents, à l’aide d’une boîte postale spécialement installée pour l’occasion. Peut-être pour les remercier d’avoir prêté leurs jardins, transformés pour le festival en un espace de chill-out sous les arbres. Enfin, toute dernière nouveauté de l’Ososphère : la salle des Arcades, où l’on se retrouve plongé dans un voyage nostalgique, entre Mario Kart et Pac Man. Une ultime surprise pour chouchouter leurs festivaliers, et préparer le prochain district du festival. En effet, en janvier prochain, l’Ososphère reviendra investir la Laiterie avec une exposition tournée vers le numérique, comme signature de notre époque et clef de perception d’un monde sur-informé. Tout un programme.
Pire moment : Mais que fait Sascha Funke ?
Meilleur moment : Le fan club de Paula Temple survolté au premier rang.