Interview : Silly Boy Blue, la comète que personne n’arrête
Entre son tee-shirt à l’effigie de Britney Spears ou son collier « Mommy » tiré tout droit du film éponyme de Xavier Dolan, cela ne fait aucun doute : Silly Boy Blue, ou Ana, est bel et bien un enfant des années 90. À l’occasion du Fnac Live Festival, nous avons rencontré dans la cour intérieure de l’Hôtel de Ville celle qui a secoué les Inouïs du Printemps de Bourges. À l’ombre d’un mur végétal, le cadre était idéal pour souffler entre deux concerts. Car Silly Boy Blue n’arrête plus : après un EP de quatre titres sorti en octobre 2018, But You Will, la chanteuse va de festivals en victoires telle une véritable comète. « You’re a gift from the sun / Reincarnation of one better man » chantait David Bowie en 1967 dans un morceau intitulé, tiens tiens, « Silly Boy Blue« . Cinquante ans plus tard, rencontre avec la « reincarnation of one better woman« .
Salut Ana, comment tu vas ?
Je suis très très stressée. Je ne réalise pas trop encore car les gens ne sont pas arrivés. Je passe à 21 heures mais je crois que j’aurais préféré passer à 15 heures, sans aucun public !
Les choses ont l’air de s’accélérer pour toi en ce moment, surtout depuis ta victoire aux Inouïs du Printemps de Bourges. Tu peux nous parler un peu de ce moment ? Et surtout de son « après » !
Les sélections ont commencé en janvier et puis j’ai participé aux Inouïs du Printemps de Bourges en avril. C’était une super expérience d’abord grâce à l’encadrement et aux équipes, mais aussi pour la belle opportunité de jouer là-bas. C’était un chouette festival, on a bien ri… C’est seulement après être rentrée dans mon appart’ que j’ai appris que j’avais remporté le prix. C’était un moment assez spécial car j’étais toute seule chez moi. En outre, j’étais fatiguée donc je n’ai pas vraiment réagi. Ensuite évidemment tout s’est accéléré : de nombreuses dates sont tombées, les relais par la presse se multiplient. C’est très cool car je n’ai jamais eu l’habitude dans ma vie de faire l’unanimité, de gagner des prix… Je ne pensais pas qu’avec ce projet je pourrais faire quelque chose comme ça. Ça m’a donc apporté autant de choses concrètement que psychologiquement. Ça m’a fait réaliser que j’avais peut-être le droit d’être ici, sur scène, et que je n’étais pas la plus grande fraude de l’humanité !
À côté de ta carrière dans la musique, tu es aussi journaliste. C’est quelque chose qui te plaît d’alterner entre deux mondes différents, de ne pas te consacrer à un seul domaine ?
En réalité je finis bientôt le journalisme : mon contrat se termine en août. Il était temps d’ailleurs ! Désormais, tous mes congés sont posés pour mes concerts qui sont très nombreux cet été avec les festivals. D’un autre côté, j’aimerais continuer à faire des piges pour des médias qui me plaisent beaucoup. Je ne sais pas ce qu’il va se passer avec la musique, et ce sont deux domaines que j’aime de manière totalement différente.
D’ailleurs en parlant de concert, Tsugi t’a vu jouer aux 3 éléphants dans le cloître d’une abbaye cistercienne du 12ème siècle (l’abbaye de Clairmont). Ce soir tu joues au Fnac Live, pas très loin de Notre-Dame-de-Paris. Dis donc, tu n’aurais pas une passion pour les lieux atypiques ?
Et pour info : j’ai joué dans deux églises. Une lors du festival Vie Sauvage et l’autre à la Bonne Aventure à Dunkerque. Et j’ai également joué dans la crypte de Notre-Dame. Je commence à être familière avec les donjons en tout genre ! Et j’adore ça : ce sont toujours des concerts particuliers. C’est dingue de pouvoir jouer dans des cadres pareils. J’ai un gros attrait pour les lieux atypiques, et c’est aussi un privilège. Après les 3 Éléphants, je me suis vite rendue compte que je ne jouerai plus avant longtemps dans une abbaye cistercienne du 12ème siècle.
Est-ce que tu as une liste d’endroits où tu aimerais jouer ?
Avec Guillaume, mon tourneur, on commence à cocher quelques lieux. J’ai déjà joué dans les salons de l’Hôtel de Ville à Nancy qui ressemble à celui de Paris. J’aimerais jouer dans une tour. Mais attention : la plus haute salle de la plus haute tour d’un donjon. Ou un manoir ! En fait, pour tous ces lieux, n’hésitez pas à venir vers moi, je ne regarderai même pas les conditions.
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Et du côté de la musique, tu as principalement des influences anglo-saxonnes : Bowie évidemment, et Joy Division aussi, pour le côté cold-wave. D’ailleurs tu ne chantes qu’en anglais. Tu écoutes quand même quelques productions françaises ou pas du tout ?
Oui j’écoute beaucoup de chansons françaises. On me demande souvent pourquoi je chante en anglais et c’est tout simplement parce que j’ai été énormément influencée par la chanson américaine ou anglaise. Mais cela ne m’empêche pas d’avoir également écouté de la chanson française, et de l’écouter encore ! J’aime beaucoup Clara Luciani, Barbara, Françoise Hardy mais aussi Flavien Berger, Aloïse Sauvage… Si pour l’instant je ne chante pas en français c’est plutôt parce que j’aime écrire en anglais. Mais cela ne va en aucun cas à l’encontre de ma passion pour la scène française actuelle
Tu as commencé la musique très tôt au sein d’un groupe, au collège. Tu écoutais la même chose qu’aujourd’hui ? Ou tu as quelques inavouables à nous révéler ?
Certaines choses sont restées, c’est indéniable : Bowie, Joy Division, Elliott Smith… L’évolution des artistes que l’on écoute est constante : quand j’ai eu quatorze ans j’ai découvert Lana Del Rey, que j’adore évidemment. À quinze ans j’ai découvert Lady Gaga et j’ai adoré aussi. Ça évolue en permanence, mais c’est vrai que certaines choses restent. J’ai eu évidemment une grande période Avril Lavigne, Marilyn Manson et Evanescence et ça m’a forgée. Je suis toujours heureuse quand je les réécoute aujourd’hui. Et puis Bowie reste mon exemple typique, je ne sais même plus comment j’ai commencé à l’écouter. Un peu par mes parents, mais surtout via une succession de coïncidences. Il s’est retrouvé dans des séries, dans des films… Ça a été ma toute première reprise avec le tout premier groupe de ma vie, et il était ce que l’on écoutait avec mes parents en allant en vacances…
Une live session de « You’re Cool » est sortie très récemment, où on peut te voir chanter dans une chambre d’adolescente entourée de posters, notamment de The Kills. C’est ta vraie chambre ?
Oui ! J’y collais plein de choses que j’aimais bien dans les magazines. Je suis née dans cette chambre et j’y ai grandi pendant dix-sept ans.
On parle souvent de ta musique en utilisant le terme de « bedroom pop » qui est un peu flou dans l’esprit des gens. Tu es d’accord avec cette appellation ?
Quand je pense à la bedroom pop, je pense beaucoup à Clairo. C’est une pop un peu douce, faite en DIY avec les moyens du bord. Pour certains morceaux je me reconnais complètement dans ce genre, notamment avec « You’re Cool » qui prend beaucoup de sens pour moi en la jouant dans ma chambre d’ado. Ensuite, j’oscille entre la bedroom pop et une pop un peu plus énervée ; ça dépend des morceaux.
Quand tu parles d’une pop plus énervée, on pense à Pégase, le duo dans lequel tu es chanteuse. Tu en es où de ce côté-là ?
Avec Pégase, on a terminé notre dernière tournée en 2017. Suite à cela, Raphaël est parti composer de son côté et j’ai fait la même chose. Lui aussi a ses projets, notamment un avec sa copine qui s’appelle Première Fois. Peut-être que dans un an, six ans, je n’en sais rien, on retournera sur Pégase. Pour l’instant on s’épaule l’un et l’autre dans nos projets en se donnant beaucoup de conseils. Ça s’est fait de manière très naturelle, sans conflit.
Pour continuer avec les influences, j’aimerais parler un peu de cinéma : ta musique et ton univers sont très cinématographiques. D’ailleurs, ton amour pour Xavier Dolan et ses amours imaginaires ne sont pas un secret…
Clairement, Dolan tout court a influencé ma musique. Que ce soit la personne qu’il est — que je ne connais pas d’ailleurs — ou bien celle qu’il représente, et puis ses films. J’ai eu un gros crush pour ses films, pour ce qu’il mettait dedans, pour la manière dont il les mettait en scène, dont il incorporait de la musique à l’intérieur. Cet ensemble m’a beaucoup touché. En fait, si le cinéma influence ma musique ou me fait ressentir des choses, je vais pouvoir réussir à mettre des mots sur ces émotions et à en créer des mélodies et des chansons.
Et tu as récemment chanté devant Monia Chokri « Pass This On » de The Knife, cette musique qui accompagne la scène culte des Amours Imaginaires…
C’était incroyable. À partir du moment où j’ai vu qu’elle était là, j’étais en PLS totale. Justine, qui organisait le Champs-Elysées Film Festival, voulait me la présenter alors que j’étais terrorisée. Finalement je lui ai parlé avant le concert, je lui ai dit que je l’aimais énormément… Et je lui ai aussi dit cette phrase un peu moyenne : « Je suis trop contente de voir que vous êtes humaine » et elle m’a dit « Oui ». C’était vraiment un moment très nul… Mais j’ai également saisi l’occasion pour lui dire que je reprenais « Pass This On » en hommage à ce film, à The Knife aussi. Et je l’ai chanté devant elle qui me regardait chanter, c’était tout simplement incroyable. J’ai l’affiche des Amours Imaginaires dans ma chambre à Paris en 4×3 sur l’énorme mur de ma chambre. Je n’aurais pas pu penser vivre ça un jour.
Mais quand je t’écoute, et quand je vois tes clips, surtout celui de « The Fight », réalisé par Jeanne Lula Chauveau, je pense à David Lynch, Sofia Coppola… Tu te sens proche d’eux ou pas du tout ?
Ce sont deux réalisateurs que j’aime beaucoup oui, mais surtout Sofia Coppola. Virgin Suicides m’a énormément marquée plus jeune, ainsi que Marie-Antoinette. C’est d’ailleurs avec ce film, sorti quand j’étais encore petite, que j’ai découvert New Order car « Ceremony » figure à la bande-originale. Quand le film est sorti au cinéma en 2004, on est allé le voir avec ma mère. J’avais huit ans. Tous ces films me touchent car non seulement les images me scotchent littéralement, mais aussi les bande-originales. C’est encore avec Xavier Dolan que j’ai découvert The Knife, avec Sofia Coppola que j’ai découvert New Order. Ce sont des gros piliers de ma culture cinématographie et musicale.
Et pour finir, qu’est-ce que tu nous réserves pour la suite ?
D’abord beaucoup de festivals cet été, avec Rock en Seine pour finir. Ensuite j’enchaîne avec la tournée des Inouïs à la rentrée. Et quelques nouveaux morceaux que je joue déjà en live, ainsi qu’un nouveau single, et un nouvel EP.
Bon courage ! Un dernier mot pour la route ?
J’ai peur !
Silly Boy Blue sera en concert à Paris lors du MaMA Festival le 17 octobre prochain. Retrouvez plus d’informations sur le site de l’évènement.
Et si vous êtes plutôt Spotify :