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17 mai 2019

Génial, écorché vif et touchant : on écoute Igor, le nouvel album de Tyler, the Creator

par Elie Chanteclair

Tyler, the Creator est devenu adulte. Cette image d’éternel enfant enfermé dans un corps trop grand, trop long, trop fin qu’endossait le rappeur californien est quelque peu craquelée par la sortie de son nouvel album, Igor. Une œuvre chorale où les grands noms se bousculent, se mélangent et s’effacent au service de la construction d’une histoire remarquable  par sa cohérence, son exécution et même son impudeur.

De l’autre côté de l’Atlantique, il n’est désormais plus rare de voir apparaître des albums où la tracklist est amputée de ses featurings : Igor en fait partie. Charlie Wilson, Playboi Carti et Blood Orange sur « Erfquake », le mentor Pharrell Williams sur la conclusion « Are We Still Friends ? », les apparitions énigmatiques d’Al Green et de King Krule, la voix de Kanye West se cachant dans les abîmes instrumentaux de « Puppet », le casting orchestré par Tyler est – comme d’habitude – très impressionnant, mais dissimulé derrière des titres en majuscule. Ces invités anonymisés viennent sublimer, à la manière d’un instrument dans une production ou d’un personnage secondaire dans un film, la créativité folle du rappeur retraçant sa vie amoureuse, sujet de tant de controverses ces dernières années.

Si l’album s’inscrit dans l’esthétique jazz, complexe et déjantée des précédents opus, Igor nous présente un Tyler autant magnifique qu’abimé : ses productions sont flamboyantes d’inventivité et ne s’apparentent en aucun cas à des chutes de Flower Boy, lorsqu’on se penche sur les synthés granuleux et saturés de « Igor’s Theme « , suivis d’une trap métissé à la G-Funk dans « Erfquake », des mélodies mélancoliques appuyées par des percussions chiadées dans « I Think », la violence crue de « What’s Good » rappelant l’excellent « Who Dat Boy »… Mais le récit qu’il nous conte, de par son développement et ses détails percutants, nous montre un homme à fleur de peau. Il suffit de comparer le mixage de sa voix par rapport à celui des précédents projets : celle-ci perd beaucoup de graves, la rendant écorchée, touchante et parfois même quasi-méconnaissable. Les arrangements, savamment maladroits, distordus ou même parfois dissonants, servent de support pour mettre en scène une jolie histoire d’amour oscillant entre excitation, tristesse et questionnements intérieurs. Et c’est beau, très beau même.

Igor, en écoute sur Deezer

Ou si vous êtes plutôt Spotify : 

 

 

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