Japan Connection : un festival pour remettre le Japon au coeur de la scène électronique
Detroit, Chicago, Manchester, Berlin… L’histoire des musiques électroniques, telle qu’on la raconte en France, dessine une cartographie américano-européenne qui occulte généralement le Japon, pays qui fut pourtant loin d’être à la traîne dans le domaine, mais dont la scène électronique demeure obscure pour la plupart des occidentaux. Une méconnaissance qui a motivé il y a deux ans l’agence évènementielle parisienne Make It Deep à mettre sur pied un événement dédié aux musiques électroniques japonaises. Après deux éditions au New Morning puis au Trabendo, concentrées sur une soirée, la Japan Connection prenait cette année ses quartiers à la Gaîté Lyrique et un peu plus d’ampleur, devenant un festival s’étalant sur trois soirs. Une réussite à tout point de vue, de la programmation au choix du lieu, en passant par l’ambiance, le stand de vente de disques, la nourriture proposée et les cocktails.
Musicalement, on retiendra en premier lieu la performance, le dernier soir, d’un trio de légendes : Kuniyuki Takahashi, Fumio Itabashi et Joe Claussell, figure de la house américaine, mais dont les liens avec le Japon sont lointains et profonds. « Nous ne savions pas où cela allait nous mener », avouera Takahashi en fin de concert. On ne remettra pas en doute sa sincérité. C’était la première fois que les trois jouaient ensemble — Itabashi au piano, Takahashi dévoué aux nappes et aux textures, utilisant parfois quelques instruments traditionnels, et Claussell en charge des beats et des percussions — et cela s’est ressenti ; leur live, entre ambient, jazz et house, ressemblant à une totale improvisation, dans le bon sens du terme. Un peu décousu parfois, mais c’était le prix de la spontanéité et de quelques instants de grâce.
Le premier soir, Kuniyaki Takahashi, cette fois aux côtés de Soichi Terada et Sauce81, avait déjà proposé un live de haute volée, dans un registre plus électronique et dansant, superposant envolées soulful et beats puissants. Le lendemain, on découvrait l’électro-pop onirique de Dip In The Pool, duo apparu au milieu des années 80, mais qui n’avait jamais joué en France, avant que Satoshi Tomiie ne clôture la soirée avec une house robuste et hypnotique. Soulignons aussi la qualité des visuels qui ont accompagné tous les live et DJ sets durant le festival, peintures abstraites réalisées en direct et diffusées sur écran géant par l’artiste tokyoïte Akiko Nakayama, amenant une vraie valeur ajoutée aux performances musicales.
Meilleur moment : Sans doute lorsque le trio Takahashi-Itabashi-Claussell réinterpréta le « Agora E Seu Tempo » de ce dernier, amenant un moment d’euphorie collective, à la fois spirituel et dansant. Très Body & Soul.
Pire moment : Lorsqu’un type se mit à beugler « I wanna dance! » alors que Fumio Itabashi était en train d’effectuer un solo de piano intimiste dans un silence de cathédrale. C’était visiblement son pire moment, et cela devint le pire moment de la soirée pour les autres spectateurs qui le fusillèrent du regard.