Sobre Weather : sans alcool la fête est plus folle
Après deux ans et demi d’absence le Weather Festival marquait son grand retour samedi 27 avril. Dans une version à taille humaine et avec une proposition artistique moins focalisée sur les superstars de l’électro – que l’on voit déjà dans tous les gros rassemblements européens aux programmations monotones et sans risque. Un arrêté municipal de dernière minute a toutefois limité la vente d’alcool au sein de l’événement, faisant fuir ceux pour qui la qualité musicale n’était pas la préoccupation première. Une édition sobre donc, dans tous les sens du terme. Et c’était plutôt chouette.
L’occasion pour nous de découvrir La Seine Musicale, nouvel espace ouvert il y a deux ans du côté de Boulogne Billancourt et qui n’avait jusqu’à présent pas proposé d’événements nocturnes de cette ampleur. Le bâtiment ressemble à un gigantesque paquebot posé sur l’Ile Seguin, un lieu bien connu des habitués du Weather puisque ayant accueilli le closing de l’édition 2014 avec l’incroyable performance de Three Chairs – Moodyman, Theo Parrish et Marcellus Pittman. Il faut dire que le « Manifeste » publié quelques semaines en amont de l’événement nous avait bien alléchés. Quand tant de gros festivals se contentent de booker sempiternellement les 30 mêmes têtes d’affiches – pour qui le Djing semble être devenu une forme de rente à base d’autosync plutôt qu’une affaire de passion – le Weather se propose lui de « défricher » et de « ramener des grands noms vraiment impliqués ». On dit oui, oui et mille fois oui. Ainsi le début de soirée est dédié à l’IDM et aux lives audio-visuels, des performances que l’on ne trouvera jamais dans le genre d’événements précités. Premier à entrer en scène l’allemand Carsten Nicolai aka Alva Noto pour un live autour de son dernier album UNIEQAV. Celui-ci nous conquit rapidement avec son IDM tantôt musclée, tantôt plus mélodique, toujours parfaitement ciselée, tandis que la salle principale de la Seine Musicale se remplit doucement. On est d’ailleurs impressionnés par la topographie des lieux, débarrassés de leurs habituels gradins, avec la sensation de se retrouver au cœur d’un immense vaisseau spatial. On remarque aussi d’emblée que les équipes du Weather ont mis le paquet sur la sonorisation, impeccable et prometteuse pour la suite des événements. Cet aspect science-fiction se poursuit avec le live suivant, celui de Lanark Artefax qui se déroule de l’autre côté de la salle. Caché derrière un monolithe émergeant d’une brume artificielle sur lequel viennent bientôt se projeter des visuels futuristes, le britannique propose une IDM plus contemplative et barrée, ponctuée de déflagrations en mode infrabasses qui vous prennent aux trippes. Décoiffant.
Sans alcool la fête est plus folle
Après ces presque deux heures consacrées à l’électronique expérimentale on cherche à se rafraîchir un peu avant de basculer en mode dancefloor. C’est là que l’on comprend qu’il y a un sérieux problème au niveau des bars. Ceux situés à l’intérieur du bâtiment ont interdiction de vendre de l’alcool – y compris de la bière – et ceux à l’extérieur sont logiquement pris d’assaut. Renseignement pris, cela est dû à un arrêté municipal de dernière minute qui a pris les équipes du Weather de court. Pire, une interdiction totale de vente d’alcool est annoncée entre deux heures et cinq heures du matin. Cette dernière fera fuir une partie des festivaliers – les moins motivés – entre 1500 et 2000 selon Le Parisien, soit entre un quart et un tiers des personnes présentes. On compatit pour les organisateurs pour qui le préjudice financier risque d’être important tout en se disant égoïstement qu’on aura plus de place pour nous. Tandis que des jeunes gens très lookés se déchainent dans la Boiler Room – avec entre autre OKO DJ, Park Hye Jin et Kosh – on profite du set de Deena Abdelwahed qui a décidemment un son très personnel, que ce soit sur son album ou lors de ses DJ sets. Une techno éthérée aux influences bass music, tribales, orientales et dub.
Elle est suivie par le bulgare Kink dont on connait déjà les lives très énergiques et ludiques. Naviguant entre house et techno aux sonorités old-school il se déchaine derrière les machines durant près de 2h30 – quel performer ! On fait aussi des allers-retours vers la salle du bas, qui avec ses piliers et ses baies vitrées donnant sur la Seine ressemble étrangement à Concrete. On y découvre le live des français Pilotwings, très éclectique, abordant la house sous ses angles bass music, dub, breakbeat voir italo-disco. On reste aussi pour le back-to-back entre Octo Octa et Eris Drew pour une house qui retourne le dancefloor mais que l’on trouve un peu trop conventionnelle – très influencée par les scènes anglaise et new-yorkaise. A moins que ce ne soit la fatigue qui se fasse déjà ressentir. Ou le manque de bière. Djrum refermera cet espace avec un breakbeat acid assez énervé, limite jungle. Du son qu’on entend que trop rarement et qui fait du bien. A l’étage supérieur dans la grande salle Daniel Avery déroule une techno futuriste, mentale et efficace qui satellise tout le monde. Avant de laisser la place au duo français Luxor – Antigone et Shlomo – pour un live de techno frontale à 140 BPM.
Il est déjà 7h du mat. L’heure pour nous d’abandonner les derniers danseurs à leur joyeux sort. L’heure aussi de faire le bilan. Un Weather réussit à bien des égards – logistique, artistique – et dont on espère qu’il ne sera pas trop pénalisé par ce triste imbroglio autour de la vente d’alcool. Car des festivals de cette exigence qualitative, il n’y en a pas tous les jours à Paris.