« Hyperion », le nouvel album de Gesaffelstein : alors, on en pense quoi ?
« Alors tu l’as écouté le nouveau Gesaffelstein ? » « Il est comment ? » Dès l’annonce du retour du Prince noir, par grandes affiches placardées à la Daft Punk au milieu des mégalopoles de la planète, on a été assailli de questions. Auxquelles nous avons invariablement répondu : « On n’en sait rien ». Black-out total, y compris au sein de sa propre maison de disques sur un album dont on a évidemment deviné les contours au fil des trois morceaux lâchés dans la nature.
Il y a eu successivement « Reset » façon instrumental electro-hip hop qui nous a laissé sur notre faim, et surtout « Lost In The Fire » avec The Weeknd et « Blast Off » avec l’inévitable Pharrell Williams. Deux tracks franchement mainstream, qui ont soulevé des hauts le cœur chez celles et ceux qui ne se sont jamais remis de la sourde noirceur intransigeante d’Aleph (2013) et qui entendent stupéfaits Mike Levy marcher sur les traces molles de (là encore) Daft Punk. Nous, qui modestement, avec plusieurs couvertures de Tsugi, avons contribué à rendre « bankable » le producteur, sans hurler avec les haters, nous nous sommes quand même interrogés sur ce virage de la part d’un Gesa qui passe en six ans d’un noir Soulages à un noir Leroy Merlin. Du petit atelier passionnant d’un audacieux explorateur hors normes, à la grande surface ennuyeuse d’un soldat discipliné de la mondialisation, du concept de l’art total « Gesamtkunstwerk » à de lourdes manœuvres marketing 3.0.
Aujourd’hui, on aimerait bien savoir ce qui a nourri ce cheminement (l’échec commercial du premier album ?), lui qui depuis le début de sa carrière s’était toujours efforcé d’afficher sa différence : « Je ne suis pas banquier, je ne suis pas boulanger. Je fais quelque chose qui s’appelle de l’art et qui est quelque chose d’un peu fantasmagorique », nous avait-il déclaré. Mais faute d’avoir des réponses à nos questions, puisqu’il ne donnera (pour le moment) aucune interview, comme tout le monde, aujourd’hui sur le coup de minuit une, on a été écouter cet Hyperion du nom d’un fameux roman de science-fiction de Dan Simmons.
Un album court, quarante minutes, dix morceaux, dont un dernier, une interminable conclusion (« Humanity Gone »), qui s’étire sur plus de dix minutes lancinantes. Comme le sentiment d’entendre l’étrange bande-son de la veillée funèbre de l’ancien Gesaffelstein, celui des déflagrations « Pursuit » ou « Duel ». Au milieu des featurings à tire-larigot (passons sur le plaintif « So Bad » avec HAIM), c’est « Forever » avec son compagnon de toujours The Hacker et Electric Youth, qui tire son épingle du jeu dans une belle noirceur pop addictive, mais c’est une ballade hein ! Seul le très court « Vortex » rappelle la furieuse tension des débuts. « Memora » marche lui sur les traces de l’électronique mélodique et nostalgique d’un Jean-Michel Jarre. Pas vraiment la chronique d’un désastre annoncé par les adeptes du « c’était mieux avant », Hyperion et sa gênante vacuité, est avant tout taillé pour le marché américain (« Lost In The Fire » affiche déjà plus de 42 millions de vues youtube). C’est aussi la confirmation que Gesaffelstein a quitté « notre » planète. En s’éloignant ainsi très loin des étoiles de sa jeunesse Nitzer Ebb, Green Velvet ou Dopplereffekt. C’est son choix (enfin on l’espère). Respectons-le.
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