En direct de Nuits sonores
Ticket de métro « spécial NS », « formule sandwich NS » au kebab du coin et gros ronflements dans le train du retour : pas de doute, Lyon vivait au rythme du festival Nuits sonores la semaine dernière. On n’a pas pu s’empêcher d’aller y faire un tour, entre l’inauguration mercredi et les deux journées et nuits bien remplies de vendredi et samedi – autant être honnête, pour des questions de calendrier on a séché le off du jeudi, pourtant un des meilleurs rendez-vous de la semaine puisque des concerts et DJ sets s’improvisent dans toute la ville. Mais entre Paula Temple dès le premier soir, la belle surprise Weval vendredi ou encore Max Cooper samedi, il y avait de quoi faire. On vous raconte.
Ça démarre parfaitement. Ciel et soleil radieux le mercredi à La Sucrière pour lancer l’inauguration de cette 14eme édition de Nuits sonores. Tiens à propos, on dit Nuits sonores tout court et pas “les” Nuits Sonores. La question sémantique étant réglée, passons à l’essentiel : le son. Qu’avons nous retenu de cette nuit inaugurale ? Au Sucre, l’étourdissement visuel provoqué une nouvelle fois par OX la machine créée par The Absolut Company Creation. Un peu plus bas, à La Sucrière, ce sont surtout les lives qui nous ont marqué. Celui de Paula Temple par exemple, honorant une techno fouineuse parfois limite indus, mais non sans dégager toujours un certain lyrisme. Belle performance également de la dream team, Unforseen Alliance. Penché sur ses machines, le quatuor Antigone, Voiski, Birth of Frequency et Zadig évoque une techno originelle de Detroit qui croiserait le fer avec Ministry. Efficace et savant. Déception de la soirée du côté de Dixon dont on a déploré un manque de relief dans une house qui semblait bien routinière. On n’est pas resté jusqu’à la fin, c’est dire. On a préféré se finir sur les beats virulents de l’indestructible Rødhåd. Dur, dur.
Le lendemain, après un brin de toilette à l’hôtel, on décide de chausser notre plus belle paire de lunettes de soleil, direction la Sucrière, pour la Carte Blanche de Laurent Garnier. Arrivées à destination, on découvre avec bonheur un coin chill qui court tout le long de l’immense hangar, agrémenté de transats, de verdure et d’une petite scène qui diffuse des tracks qui égayent le coeur; une ambiance à la berlinoise sur les bords de la Saône en somme. A l’intérieur, Garnier a commencé depuis un petit moment et après des B2B de l’enfer avec Jay Robinson, Copy Paste Soul et Jackmaster – agrémenté du tube « I Wanna Be Your Lover » en hommage à Prince – le maître reprend les platines en solitaire et souffle le chaud et le froid, passant de la house à la techno comme si de rien n’était, montrant une fois encore qu’il est bien le patron. Après son hit « Crispy Bacon » qui électrise la foule – et un second hommage à his purple Majesty avec un remix de « Controversy », papa Garnier, qui semble ravi d’être là, finit de mettre le feu avec « Tell You No Lie » à retrouver sur le prochain album de Floorplan. Les trois guests le rejoignent alors sur scène pour un final à huit mains. Grandiose.
Pas besoin de faire des kilomètres pour profiter de la programmation nocturne, très live : cette année encore, et pour la dernière fois jusqu’à nouvel ordre, tout le festival se concentre dans le quartier de la Confluence – un spot bien agréable quand il s’agit de se prélasser vers la place nautique. Rendez-vous donc à l’Ancien Marché de Gros pour la soirée. Petit rappel pour ceux qui n’ont jamais eu la chance d’y mettre les pieds : trois halles industrielles, grand coin chill, food-trucks de qualité (le burger aux pepperoni grillés, miam!)… On y est plutôt bien, surtout quand James Holden s’associe au percussionniste anglais Camilo Tirado pour présenter leur live « Outdoor Museum Of Fractals », une heure d’expérimentations envoûtantes et psychédéliques – difficile de résister au potentiel hypnotisant des lights utilisées dans la halle 2, couvrant toute la largeur du lieu si bien qu’on en oublie où est la scène. Et dire qu’en même temps Low Jack tabassait à la berlinoise dans la halle 1…
Mais c’est Weval qui nous fera revenir dans la plus grande salle du festival, le duo néerlandais offrant l’un des meilleurs lives de la soirée : s’ils ont évidemment joué leur tube « Detian » (vous savez, la musique de la pub Schweppes avec Penélope Cruz allant choper une jeune fille.. Ah mais non, elle voulait du soda), Harm Coolen et Merijn Scholte développent une musique bien moins facile que sur album, oscillant avec habileté entre moments de douceur et envolées techno. Good vibes et concert construit : que demande le peuple ? Eh bien, il semblerait que le peuple veuille surtout Moderat : la halle 1 est prise d’assaut dès les premières notes du concert du trio, composé majoritairement de titres de leur dernier et excellent album III – mais Gernot, Sebastian et Sascha n’ont pas pour autant oublié leurs fans de la première heure en jouant, dès le début du live, « A New Error », morceau de 2009 immortalisé par Xavier Dolan dans Lawrence Anyways. Difficile d’apercevoir le VJing sans mesurer 2m12, mais les plus souples ont pu voir en fond de scène des visuels dérivés de la pochette de III, la fameuse gamine au regard dur – un show visuel si travaillé qu’il était demandé aux festivaliers de garder leur flash dans leur poche.
Pendant ce temps-là, les deux autres concerts sont donnés devant une foule forcément clairsemée, mais mettant l’ambiance pour douze, avec au choix les rythmes sud-américains de Niños du Brasil feat Mémoires d’Avenir ou l’ambiance foutraque et africaine de Konono n°1… Chaleur ! Un passage par Powell (grosse déception de la soirée avec un live beaucoup trop bordélique et rythmiquement instable, et pourtant on aime beaucoup le garçon) et il est temps de finir la nuit avec Bambounou et un DJ set techno, classique mais bougrement efficace.
Une bonne nuit et une quenelle de brochet plus tard (spécialité locale oblige!), et retour à la Sucrière, ses transats et son soleil, pour une journée spéciale Seth Troxler en B2B avec The Martinez Brothers (enfin, Seth Troxler et un des Brothers, ou les deux Brothers sans Seth Troxler… Bref, ça se relaye). Au programme : house certes un peu répétitive mais parfaitement adaptée à une aprem’ au soleil, citronnade et L’Esplanade, scène extérieure tenue par Fort Romeau et Honey Soundsystem, entre funk, sons exotiques et le toujours aussi efficace « Fuckin Track » par Da Fresh. Ça valait son insolation.
Disposant d’un petit instant entre la fin du Day et le début de la Night, on décide de faire un passage par le Bateau Bellona afin de ne pas laisser nos oreilles et nos pieds refroidir. Le DJ Patrick Vidal y passe de la house et de la disco face à un ciel rosi par le soleil couchant et les danseurs se laissent aller à des chorégraphies toutes droits sorties des seventies. Retour ensuite à l’Ancien Marché de Gros dans lequel on pénètre pour la toute dernière fois. Le Lyonnais Juliano nous accueille dans la halle 2 avec sa techno mélodieuse qu’il étire jusqu’à épuisement avant de balancer quelques tracks house bien sentis afin de préparer le terrain à Lil Louis. L’auteur de « French Kiss » est en grande forme et bien que son set nous enchante, on décide de passer dans la halle 1. On y retrouve Max Cooper, venu présenter son projet audio-visuel Emergence. Des visuels de constellations projetés derrière le britannique illustrent ce live bien trop court mais d’une douceur et d’une sensualité sans pareil, et nous envoient dans une autre galaxie. Le petit génie cède par la suite les platines à Maceo Plex pour un DJ set techno endiablé, égayé par ses hits « Solitary Daze » et « Solar Detroit ». L’américain maitrise son sujet sur le bout des doigts et clôt ainsi cette quatrième soirée des Nuits Sonores. Vivement l’année prochaine.
Meilleur moment : Croiser un fan de la première heure de Tsugi, au Sucre, avec notre tout dernier tee-shirt. Gros love.
Pire moment : Powell et Dixon en petite forme.
Patrice Bardot, Manon Chollot et Clémence Meunier.