MaMA Festival : 5 minutes de marche, 10 minutes de file, 15 minutes de concert
Chaque année, le MaMA Festival représente un événement majeur du monde de la musique, réunissant professionnels, médias, artistes et public dans le XVIIIème arrondissement de la capitale. Cette neuvième édition n’a pas dérogé à la règle avec près de 6 000 professionnels accrédités et presque autant de festivaliers. Ça en fait du monde. En y réfléchissant, il était donc logique de voir des immenses files d’attente devant les salles de concert – de 50 à 900 places de capacité – à toute heure de la soirée. On retiendra notamment la petite centaine de personnes inaptes à entrer dans le Carmen pour le concert de Holy Two le premier soir ou bien dans la Cigale pour Oxmo Puccino le dernier soir. « Au pire, on va ailleurs » est sûrement la phrase qu’on a le plus entendue pendant ce week-end en pleine semaine. Face à cette affluence, pour être sûr d’entrer, l’idéal était donc d’arriver quelques minutes avant chaque concert. Facile à dire, plus compliqué à réaliser quand une quarantaine d’artistes se produit dans dix salles différentes chaque soir.
C’est ainsi que le festival s’est très vite transformé en course aux concerts. On reste une poignée de chansons puis on repart. Une, précisément pour la jeune et innocente Naya : pas le temps, Léonie Pernet nous attend au O’Sullivans Backstage By The Mill. Pleine d’humour, la chanteuse mélange audacieusement les genres en jouant autant avec sa voix qu’avec ses instruments, dans les meilleures conditions possibles. Quoique. Même si la plupart des salles parisiennes en auraient grandement besoin – coucou le Pop-Up du Label -, la climatisation de celle-ci en rendrait plus d’un malade. Pas de quoi nous empêcher de revenir pour assister au retour du groupe pop Camp Claude, venu présenter son deuxième album, et les pogos mignons de Blu Samu. Mais, le pas rapide, en ne croisant presque que des gens munis du fameux badge « Pro » ou « Media » sur le boulevard Rochechouart – comme si la vie s’était arrêtée autour et qu’il n’y avait plus que le MaMA -, on navigue à une vitesse folle entre les salles – à l’exception du FGO-Barbara, remplaçant de dernière minute de Folie’s Pigalle, bien trop éloigné. Avec un mercredi placé sous le signe du pop-rock, les chemises bariolées du club des cinq Born Idiot nous mènent à une Boule Noire remplie à craquer pour Concrete Knives, des instants plus pop avec Warhola et d’autres plus rock avec MNNQNS, malheureusement aussi commun en live que Blossoms, The Amazons et compagnie. On préférera nettement l’énergie rock du duo The G, se répondant vocalement et musicalement à la perfection. Bien plus intéressant que les essais en solo de Nili Hadida, chanteuse de Lilly Wood & The Prick, de l’autre côté du mur.
Impossible de compter les fois où on a remonté la rue Pierre Fontaine en sortant du Bus Palladium ou du Carmen pour rejoindre la Machine du Moulin Rouge. La plus intense fut sûrement celle entre Adam Naas et Mokado, délaissant la pop sexy mais assoupissante du chanteur pour aller faire un tour dans l’univers du producteur français, en adéquation totale avec la Chaufferie intimiste en sous-sol. En quarante minutes de live, on regrettera quelques passages brouillons au milieu d’autres personnages pourtant si sensoriels et poignants (« Sahar », « Hatsu », « Hemal »). Même constat pour la techno mystique d’Irène Drésel quelques minutes plus tard au même endroit. Sympathique, mais il manque « le » truc qui décolle. Et le décor floral ne comblera pas cette absence. Pourtant, s’il y a bien un endroit où il fallait rester jeudi soir, c’est à la Machine du Moulin Rouge pour la soirée spéciale The French Beat Sacem avec I Love Techno et BPM Contest. Juste au dessus, entre deux effusions de poppers, c’est l’énorme Arnaud Rebotini qui est venu insuffler sa techno lourde et ravageuse, d’une classe sans nom. De quoi rattraper le set de la Japonaise Yuki : avec à peine 80 décibels affichés au compteur sur la gauche de la scène, on rigolera face aux « Plus fort ! » d’une partie de la foule, beaucoup moins face aux insultes racistes quelques minutes plus tard.
« Au pire, on va ailleurs ». Au pire, mais aussi au mieux. Ces files d’attente interminables permettent de jolies découvertes imprévues, de l’électro rêveuse de Form à l’émotion folk tantôt australienne, tantôt américaine des respectifs Hein Cooper et Rayland Baxter en passant par l’énorme collectif inutile à décrire House Gospel Choir. Quoiqu’on en dise, ces plusieurs minutes d’attente seront toujours moins épuisantes que celles des Olympias ou des Zéniths, où certains iront sûrement jouer d’ici quelques années.
Meilleur moment : Le show de lumières d’Arnaud Rebotini, presque aussi grandiose que le Monsieur. Une formidable réalisation signée des excellents Minuit Une.
Pire moment : Mercredi, 19h30 : trafic interrompu sur la ligne 2 à cause d’un mec nu sur les voies. Fâcheux quand le retrait des accréditations fermait à 20 heures pile.