On y était… Weather Winter 2015
Pour la première fois, le Weather Festival hivernal du Paris Event Center se déroulait sur deux nuits. Si le plus gros du line-up avait été concentré sur le samedi – on y reviendra plus tard – la soirée du vendredi était dédiée à un seul artiste : le légendaire Jeff Mills. Le félin de Détroit s’est emparé des platines et de ses boîtes à rythmes un peu après minuit, juste après un warm-up signé par le français Antigone. Jeff Mills que l’on a déjà vu un nombre incalculable de fois, sous différentes configurations, et qui ne nous a pour ainsi dire, que très rarement déçu. L’intérêt de sa performance au Weather Winter résidait cette fois dans sa durée, avec un set de près de 7 heures, sous forme d’une rétrospective de son label Axis. Alors oui, on y a entendu “The Bells”, “Alarms” et un paquet d’autres classiques, mais pas que. Le bonhomme ne s’est fort heureusement pas limité qu’à ses propres productions, déroulant un “tunnel” techno sans temps mort, propice à la perte de tous nos repères temporels. Une impression renforcée par des projections immersives diffusées sur un écran géant derrière l’artiste. On a kiffé, oui, et ce n’était que le début. (Nicolas Bresson)
Samedi soir. Une fois sortis du métro Porte de La Villette, nous nous agglutinons dans une queue courant sur des dizaines de mètres et après avoir gentiment refusé les propositions chimiques des vendeurs à la sauvette, nous arrivons sur place. Pas d’aquaplaning cette fois-ci, et c’est un bon point. On se rappelle en effet de l’édition estivale au cours de laquelle les danseurs barbotaient à l’extérieur dans cinq centimètres d’eau. Hall B, Marcel Dettmann est déjà derrière les platines depuis un bon moment et en patron, balance du lourd. Tête d’affiche de la soirée, le résident du Berghain met tout le monde d’accord – et tout le monde à ses pieds, par la même occasion. Pourtant, on regrette que le chevelu ait été programmé si tôt puisqu’il quitte la scène à seulement 1 heure du matin – sous les acclamations des fêtards qui en veulent toujours plus. Mais pas le temps de chômer, voici que Voices from the Lake s’avance derrière le dj booth, pour ce qui s’annonce être un show dantesque. Les deux italiens sont dans une forme olympique et, magie du live, se permettent des divagations dans les méandres d’une techno froide et brute. La foule est en transe, leur techno est profonde et hypnotise quiconque passerait à moins de vingt mètres de leur set. Du grand art, captivant, qui semble émaner des entrailles d’un lac obscur.
La tête lourde et les oreilles qui bourdonnent déjà, on passe faire ce que l’on pense n’être qu’un crochet par le hall A, soit la partie orientée house du festival. Grande nouveauté pour cette édition : plus besoin de prévoir de parapluie ou de K-Way pour cette salle, il semblerait que les problèmes de condensation aient été résolus. C’est bien dommage, cela nous faisait gentiment sourire de voir les danseurs qui, dans le feu de l’action lors du Weather Summer dernier, levaient la tête et ouvraient la bouche en pensant que ce qui tombait du plafond étaient des gouttes de pluie. Au tour de l’italien Mr Ties de montrer ce qu’il a derrière la cravate. Ce que l’on retiendra surtout de son set sera ce remix, portant fièrement les couleurs de son pays d’origine, de « L’Homme a l’Harmonica » d’Ennio Morricone version club, étonnant et touchant. La rencontre au sommet entre cinéma et musique sous une boule à facettes géante, que demander de plus. Dans la foule compacte, certains préparent déjà leurs posts « Track ID » du lendemain en filmant quelques instants de grandeur avec leur téléphone, d’autres se câlinent sur le dancefloor, sur cette musique propice aux rapprochements. Des formes géométriques et des tourbillons de couleurs se baladent sur les écrans géants et dans nos esprits.
Sur Kenny Dope, les danseurs s’électrisent un peu plus et redoublent d’inventivité dans leurs chorégraphies. On se surprend à se trémousser sur « Get Get Down » de Paul Johnson. Pris dans le mouvement, on en oublie même de passer voir le set de Shifted, qui ne mixe qu’une petite heure. C’est bien dommage, puisque l’on n’en a que des bons retours, dans la queue des toilettes. Des lightshows rouges et orangés nous transportent dans un univers parallèle, celui de Lil Louis oui; celui de Kubrick également, et ses expérimentations visuelles dans « 2001 ». On se sent happés par sa house décadente, bien que le DJ ne semble pas au meilleur de sa forme : le set commence plutôt tranquillement; continue d’une manière assez facile, au point que l’on en vienne à se demander s’il s’est totalement remis de son problème à l’oreille. Mais les quelques décalages et les transitions parfois loupées n’auront pas suffi à nous épuiser de lui, fort heureusement. Oscar Mulero, meilleure voiture balai au monde, termine d’envoyer les danseurs rescapés dans un autre monde, dans le hall B, et leur assène une techno décapante et larsen-ique. Paroxysme de la soirée. Les stroboscopes sont des plus en plus aveuglants – ou alors est-ce une impression ? Nos corps vibrent d’un bout à l’autre, la cage thoracique prête à exploser, les basses nous pénètrent par tous les pores de la peau.
Mais il est déjà l’heure de se quitter. Les plus courageux partent en petite formation vers Concrete où se déroule l’after avec Lil Louis, Mr Ties, Voices From the Lake et Oscar Mulero, décidément infatigables. Nous on décide de rentrer bien sagement, fatigués, heureux et impatients de tous se retrouver pour la prochaine édition de Weather, qui sera on l’espère, aussi fédératrice que celle-ci. Alors techno, toujours pareil ? Définitivement : non.
Le plus : ne pas retrouver de Tokens inutilisés dans nos poches, le lendemain, grâce au nouveau système de paiement Cashless.
Le moins : Les éternelles « autoroutes » de kékés avec Wayfarer et hoodies de couleurs, qui se déplacent dans la foule en colonie afin de « rejoindre quelqu’un » et qui bousculent sans pression, aucune.