Georgia : interview et premier album en écoute
Ce vendredi sort le premier album éponyme de Georgia, et c’est notre disque du mois. La jeune Britannique est une spécialiste de la batterie, un instrument qui l’a conduit à jouer dans les live band de Kate Tempest et de Juce, avant qu’elle ne se lance en solo. Elle nous a également parlé de sa seconde passion : le football.
La batterie est la pièce centrale de ton album, tu as toujours eu une relation très particulière avec cet instrument. C’est ton père (également musicien) qui t’as appris à jouer ?
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C’est un percussionniste, il a le rythme dans la peau, il fait de la musique très “rythme and bass” donc ce n’est pas une coïncidence si j’ai grandi avec cette passion. Je dois également beaucoup à un de ses partenaires qui est batteur. Dans son appartement il avait un kit, et je me suis retrouvé à l’essayer, je ne sais pas comment, à 7 ou 8 ans. Il a alors dit à mon père qu’il devrait m’offrir un kit et m’encourager à jouer, et c’est ainsi que tout à commencé. Dès lors, je n’ai pas arrêté de jouer, à l’école où chez moi. La batterie c’est ce qui m’a aidé à faire ce que je voulais, à me faire entrer sur la scène musicale.
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Tu as d’ailleurs consacré tes études à la musique…
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J’ai un diplôme en ethnomusicologie (science humaine qui étudie les rapports entre musique et société ndlr). C’est très académique, puisque c’est l’anthropologie de la musique au sens international. Mais c’était également l’occasion de jouer un tout autre type d’instrument. Celui que j’adorais jouer à la fac était le kora, d’Afrique de l’Ouest. C’est très beau, cela sonne comme une guitare acoustique, mais avec 21 cordes et il faut jouer les mélodies basses, les harmonies, et chanter en même temps. C’est pour ce genre d’expériences que j’ai souhaité faire ces études.
Est-ce que c’est grâce à cela que tu as pu rejoindre des groupes ? Tu as été batteuse de Kate Tempest, Juce, Kwes, Fimber Bravo,…
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Oui j’ai fini par me retrouver dans ces groupes grâce à la fac, donc assez tôt. Mais avec eux c’était surtout du live. J’ai seulement débuté en studio il y a environ 3 ans. Évidemment j’étais dirigée par les artistes pour qui je jouais, mais déjà j’ai pu faire des choses très différentes, j’ai beaucoup appris ainsi.
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Parmi les chansons qui apparaissent sur ton album, certaines ont déjà de longues années, tu as commencé à écrire très tôt également.
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Je pense que la plus vieille chanson doit être “Heart Wrecking Animals”. Je devais avoir 17 ans quand je l’ai écrite, juste avant d’entrer à la fac. Mais la version d’aujourd’hui ne ressemble plus vraiment à la première démo : à ce moment-là c’était juste un piano/voix.?
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C’est un album que tu as fait seule, de l’écriture à la production. C’était le seul processus viable pour débuter ?
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Pour cet album il n’y avait pas d’autre solution. Il est ce que je suis, ce que je créé depuis des années, je n’aurais pas pu l’expliquer à un producteur. Je savais en plus que je pouvais le faire seule, à travailler des heures sur mon ordinateur.
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Quand tu écris, cela commence forcément à la batterie ?
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Le rythme est toujours dans mon esprit quoi que je fasse. Même si je commence par trouver des éléments sur un clavier, une guitare ou une basse, je pense toujours au rythme que je vais lui donner en même temps. C’est la chose la plus importante pour moi. “Move Systems” , “Combine”, “Give me the lights”, Nothing solutions”, “Be Ache”, pour toutes ces chansons en tout cas, je suis partie d’une batterie ou de beats, et je pense que cela s’entend.
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Qu’as-tu pensé du film Whiplash, sorti l’année dernière et qui met en scène un joueur de batterie et son enseignant ? C’est réaliste ou un peu trop exagéré ??
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Je l’ai beaucoup aimé. Je pense que c’est un super film, mais ce n’est pas le cas de beaucoup de mes amis musiciens. Et je crois avoir compris pourquoi : nous ne raisonnons pas de la même façon que dans le film dans les écoles où moi et amis avons été. On ne se lance pas dans ces études juste pour la compétition, pour être meilleur que les autres. Pour eux n’est pas de ça qu’il s’agit en réalité en musique.
Et tu n’es pas d’accord avec eux ?
À mon avis, d’un certain point de vue, le film n’a pas tout faux : il est vrai qu’il faut toujours tirer le meilleur de soi-même et que ceux qui nous enseignent la musique nous poussent toujours dans ce sens. Cependant ici à Londres le contexte est différent : la scène jazz est assez importante, je connais d’ailleurs de très grands batteurs. Aux États-Unis en comparaison, c’est plutôt devenu une niche.
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Avant de te consacrer exclusivement à la musique, est-il vrai que tu as été footballeuse et que tu aurais pu devenir pro ?
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Oui, c’est ma deuxième passion. J’ai rejoint l’équipe des Queens Park Rangers, dès mes 13 ans. C’est un des nombreux clubs de ma ville, Londres. Puis à 16 ans j’ai été quelque temps à Arsenal. Arsenal est l’une des meilleures équipes de la Premier League féminine, elle a toujours eu de très bonnes joueuses. Je pense qu’elle est très forte parce que le club croit en l’importance de l’académie, il croit en la jeunesse.
Comment es-tu passé de cela à la musique ?
L’expérience n’aura en fait duré que quatre ans. Dans le foot féminin anglais, avoir 16 ans signifie qu’on doit jouer dans le groupe principal avec les semi-pros et les pros. Quand j’ai eu l’opportunité d’intégrer une école de musique, il paraissait impossible de lier les deux sachant qu’à Arsenal il y avait deux entraînements par semaine puis un match à jouer chaque dimanche.
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Comment se fait-il que tu sois supportrice de… Manchester United ?
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C’est compliqué à expliquer, surtout pour une Londonienne. Je pense qu’au lieu de faire comme tout le monde et de dire “je suis de cette ville, c’est mon identité”, je supporte l’équipe que je prends le plus de plaisir à voir jouer. Parce que je vois plus le football comme une forme d’art finalement. Mon père y a beaucoup contribué en me faisant regarder les exploits des Red Devils d’Alex Ferguson en 1999, célèbre année du triplé, avec surtout cette légendaire finale de Champion’s League remportée contre le Bayern Munich, quand Ole Gunnar Solskjær arrive et marque le but de la victoire à la dernière minute ! Depuis je suis une grande fan, et Paul Scholes est devenu mon joueur préféré. Il était juste magique à regarder, un grand footballeur.
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Quel était ton poste de prédilection ?
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Milieu de terrain axial, parce je me suis toujours considérée comme une meneuse de jeu et je jouais aussi bien du pied gauche que du pied droit. Cependant, j’étais tout à fait capable de me transformer en attaquante de pointe, car j’adorais marquer des buts. Par contre, je n’étais vraiment pas bonne sur les positions plus défensives, que ce soit arrière central ou latéral, et surtout dans les buts : c’est inconcevable que je sois gardienne, je suis bien trop petite !