Un vendredi soir ordinaire à Astropolis
Du kick, du bateau, du lambig. Du bonheur, en quelque sorte.
C’est un peu vache, cette histoire. Nous coller un set sauvage de Manu Le Malin dans les pattes à l’heure de l’apéro, trois petites heures après notre arrivée à Brest la blanche, ça a un côté « game killer » qui en serait presque frustrant. Comment arpenter les jovialités culturelles pleines de kicks de cette capitale du bon goût techno pendant tout un week-end lorsqu’on sait déjà qu’on a vécu le meilleur moment du festival ?
Bon, reprenons. Parce qu’à la base, rien de tout ça n’était prévu. Nous, on avait sorti la marinière pour une croisière en bateau, avec house à smileys, passage épique entre deux blockhaus, vue sur le silo à missiles de l’île Longue et « alleeeez » de circonstance lors du passage en dessous du pont de l’Iroise. Ajoutez à ça un temps typiquement brestois : frisquet mais pas trop, un peu venteux, un poil nuageux mais pas de quoi cacher un coucher de soleil magnifique. As usual, Astropolis a le sens de l’accueil et sait bosser en partenariat avec les dieux locaux pour nous mettre bien. Deux heures de ronds dans l’eau plus tard, on a déjà beaucoup dansé, et il n’est même pas 21h.
« Allez, on vous amène à un happening avec Manu Le Malin ». Nous, naïfs, on imagine un set un peu deep d’Emmanuel Dauchez dans un bar à bulles. Ou pas. On se retrouve donc dans une impasse quelconque du port de commerce de Brest, au milieu de nulle part, entouré de grillages et de bâtiments indistriels de type « Meta Bois ». Et au milieu de tout ça, ce cher Manu qui mixe hardcore à 180 BPM devant 150 fêtards pris aux tripes par ce qui leur arrive. Prévenus à la dernière minute via Facebook de ce set sauvage non autorisé, ils ont répondu présent et ont fait honneur à cette tentative de renouer avec l’esprit info-line. Certains savent et comprennent, d’autres découvrent, mais la magie n’a jamais été aussi palpable. Il devait jouer 30 minutes, il va déborder largement, avant de blouer le compteur à 500 et de filer en voiture en laissant le son à fond. Même la sécu de la capitainerie du port, alertée par le barouf, a laissé pisser. Il est 22h, on n’a pas encore dîné, et on se répète déjà béatement « bordel, c’est trop bien ». On remercie les confrères avisés de Sourdoreille qui ont calé cette petite sauterie, pour mieux pouvoir filmer le coco dans l’action.
Deux constatations : le lambig du Manoir du Kinkiz du « Monde des Crêpes » est toujours aussi goûteux, et ils ont rasé l’emblématique Garage Renault caché derrière la Carène. Après un moment de recueillement devant ce qu’il reste de ce bout d’histoire du port de Brest, on s’extasie devant un DJ-set d’Apparat plus techno que ce qu’on imaginait avant de s’y coller. Profonde, mélodique, assez mentale et toujours dans la mesure (évidemment), la popotte de Sacha Ring semble concoctée avec l’idée qu’elle n’est pas servie en plat de résistance. On approuve ce choix d’humilité, parce que nous, on veut garder de la place pour le plat de résistance.
Autant le dire tout de suite, on nous a collé la pression pour venir voir Madben et ne pas en rater une miette. Autant vous dire que c’était notre plan dès le départ, et c’est avec la serviette nouée autour du cou qu’on se délecte d’un live maîtrisé, parfois un poil maximaliste, mais surtout calculé pour nous emmener sur un parcours dessiné avec soin. Madben, lui, est planqué derrière son pratos, et entouré d’une colonne semi-transparente sur laquelle est projetée un mapping abstrait, graphique et parfaitement ajusté à la musique. C’est un peu lui la star de la soirée, d’ailleurs, ce cher Ben se la jouant plutôt en retrait dans cette histoire. On n’a rien laissé dans l’assiette, clope, bière, debrief : bien joué, garçon.
La fin de soirée vaut le coup, même si le côté épicé de l’apéro nous laissera peut-être un petit manque de sensibilité pour apprécier un dessert un peu doux pour la fin de soirée : Dixon, dont le set touche à une corde soul assez plaisante (beaucoup de vocaux, de l’élégance) ne lâche pas les chevaux, mais c’est pas si mal quelque part : on entame déjà une phase de digestion douce. Un saut en face, à la Suite, dans lequel Recondite déroule un tapis sonore pas si éloigné que celui de son confrère sus-cité : c’est sobre, mélodique sans trop en faire et particulièrement malin, et par conséquent un poil en décalage avec l’ambiance moite et semi-sauvage de la Suite. Nous, on commence à avoir le QI qui traîne par terre, du coup, direction roupillon. Demain, c’est fête au manoir.