La Bouse du mois : Another Eternity de Purity Ring
Chronique extraite de notre magazine numéro 80, actuellement en kiosque.
C’est toujours impressionnant un tout jeune groupe si sûr de son chemin que les contours de son art sont déjà parfaitement dessinés dès les premiers pas concrets, ceux du premier album. C’était toute la classe affichée par Purity Ring, duo d’Edmonton (Canada) formé par Megan James (la chanteuse) et Corin Roddick (le producteur). Un mélange de R&B, de witch house, de post-dubstep, emballé d’un vernis pop et d’un univers à la Tim Burton, mi-niais, mi-sombre, où les gentils monstres côtoient les vilains humains (on imagine).
L’album avait ses longueurs, suivant la recette un peu trop à la lettre, tout du long, mais il comportait surtout quelques tubes incroyables, de “Belispeak” à “Ungirthed”. On s’était même amusé à l’époque à les imaginer reprenant le flambeau d’une autre équipe parfaite de la fin de siècle précédent, Timbaland et Aaliyah. Mais ce qui faisait le charme de cette œuvre inaugurale de Corin et Megan c’était le côté crossover indie/mainstream malin : le voilà abandonné, le groupe visant ici les masses sans se poser de questions. Sur Another Eternity, tout sonne comme par le passé, à quelques fondamentaux détails près.
Les ambiances ont gagné en glucose, les voix perdu légèrement en délicatesse, les synthés se sont particulièrement enniaisés, les basses la jouent un peu plus rouleaux compresseurs. Pas de révolution, mais tous les curseurs réglés légèrement vers le mauvais goût assumé et une ambition si ce n’est condamnable, au moins décevante. Pop mainstream ne veut pas dire pop de merde. On peut même s’éprendre un temps d’une ou deux chansons de ce deuxième album, comme l’entêtant “Push Pull”. Mais sur la longueur, Another Eternity semble totalement vain, bien trop sucré et dénué de toute la touchante et naïve sincérité qui agitait le premier album de Purity Ring. On se retrouve, dix pistes plus tard, avec l’impression un peu étrange d’avoir été trahi.