Paris Psych Fest : le rock psyché donne le sourire à la capitale
Compliqué d’organiser un festival à l’intérieur de Paris. Pourtant, depuis sa création, Paris International Festival Of Psychedelic Music – auquel on préférera son raccourci Paris Psych Fest – relève le défi avec brio. Pour fêter son cinquième anniversaire, le rock psychédélique a envahi le XVIIIème arrondissement du samedi 1er septembre au mardi 4 septembre malgré une pause le lundi suite à l’annulation de la soirée avec Dead Sea et Saint DX. Un contre-temps qui coupera malheureusement le festival en plein milieu mais n’empêchera pas d’enchanter les spectateurs pendant trois jours.
Dans le magnifique cadre de la Machine du Moulin Rouge, le premier soir annonce la couleur. Entre un atelier customisation de tote bags Dr. Martens et chinage de vinyles, les groupes se succèdent sans temps mort entre la scène principale – habillée d’une installation de télévisions diffusant différentes images signée ≈sheglitchr – et celle de la chaufferie, au sous-sol. Pendant quatre heures, de Th Da Freak à Volage, les yeux se ferment, les sourires se dressent et les bras ondulent au rythme des mélodies à la fois planantes et enivrantes. Ici, les instruments prennent le dessus et les voix deviennent instrumentales, les paroles inaudibles. Pour nous aider, le chanteur de Vox Low dévoilera les différents thèmes des morceaux. Jolie attention.
Vient enfin le tour d’Ariel Pink, attendu comme le Messie. Changement d’ambiance direct : le Californien et sa massue à pic envahissent la scène et la salle en l’espace de dix secondes. Et ce ne seront pas les fans des premiers rangs qui diront le contraire : à plusieurs reprises, le chanteur posera ses pieds sur leurs têtes et n’hésitera pas une seconde à leur balancer les télés de l’installation – vite récupérées par la sécurité. Au fond de la salle, tantôt la surprise, tantôt l’admiration prennent possession des visages, mais toujours dans l’amusement. Avec un spectacle aussi violent que sa musique – qu’il amplifie à coups de micro collé aux enceintes -, Ariel Pink a montré ce qu’est un spectacle de rock, un vrai. Son loufoque acolyte choriste et ses danses endiablées vont d’ailleurs bien nous manquer.
Loin de la folie d’Ariel Pink, le dimanche après-midi voit le calme reprendre le dessus dans le cadre intimiste en plein air de la Station – Gare des Mines. Entre des DJ-sets du festival, Faux Real – premier concert au complet pour la formation notamment composée du chanteur de Jagwar Ma – et Petit Fantôme délivrent chacun leur tour une pop joyeuse et estivale en harmonie avec le ciel bleu turquoise. Timing parfait : le soleil se couche sur l’enchanteur « Tu ressembles à l’orage ». Il est temps de rentrer, le chef-d’oeuvre Twin Peaks: Fire Walk With Me clôture la journée à l’intérieur, où une poignée d’âmes peuplent les coussins pour revivre les sept derniers jours de Laura Palmer.
Enfin, direction la Cigale pour un mardi 100% californien dédié au label Castle Face Records. A 19h, devant une salle quasiment vide – compréhensible, vu l’heure -, le groupe Prettiest Eyes est en charge d’ouvrir la soirée avec son premier concert à Paris. Déroutant est le premier mot qui vient à l’esprit devant cette configuration scénique. Voir un batteur occuper également le rôle de chanteur est loin d’être commun. On regrettera toutefois sa propension à en faire trop, jusqu’à faire exprès de tomber plusieurs fois, effaçant un peu le plaisir de ce mélange de punk, noise et rock. N’est pas Ariel Pink qui veut. Constat un peu moins prononcé chez Male Gaze : même si le chanteur passe son temps à se peigner entre deux morceaux, il le dit lui-même : il est conscient de n’être que l’« appetizer » de la suite. Le groupe se contente d’offrir un rock classique, se révélant vite ennuyant. Les réactions de la fosse confirment ce que nous pensions : nous sommes face à un concert de Thee Oh Sees – Oh Sees, OCS… on ne sait plus comment les appeler – et ses premières parties.
Mais l’attente en valait la peine. Avec ses quatre membres en première ligne sur la scène, le show est à la hauteur des attentes. Après une introduction d’une dizaine de minutes, les lumières s’éteignent enfin et la frénésie démarre dans la fosse. Les riffs de guitare de John Dwyer convergent avec la puissance des deux batteries pour un résultat enflammé et inflammable. Pendant 80 minutes, les pogos ne s’arrêteront pas et les slammers – autant féminins que masculins – défileront en abondance. La magie de l’instant peut se lire sur tous les visages de la Cigale, illuminés d’un grand et honnête sourire. Certains l’ont peut-être oublié, mais pas le Paris Psych Fest : le rock rend heureux.
Meilleur moment : le « crowdsurf » du pied de micro d’Ariel Pink pendant cinq bonnes minutes, brandi comme la Coupe du Monde.
Pire moment : la fin abrupte du concert d’Ariel Pink, à 1h30 pile.