En 2013, Nile Rodgers a réussi le premier coup du siècle, sortant de l’oubli en s’accrochant au rêve fou qu’avaient deux zinzins français de créer de nouveaux hymnes disco-funky ringards et d’en faire des cartons interplanétaires. Mais sur une carrière longue de quarante-cinq ans, on ne peut pas avoir le nez creux à chaque fois. En 1982, avec son camarade de Chic Bernard Edwards, Rodgers se voyait confier la bande originale d’un four total, la comédie romantique interdite au moins de 16 ans, Soup For One. L’histoire d’un producteur télé loser qui cherche le grand amour, un film un peu étrange qui s’ouvre sur une bande de scientifiques qui étudie la capacité de survie des individus célibataires dans la société en faisant écouter du disco à des rats pour finalement les voir s’adonner à des danses de club. Du grand n’importe quoi, sauvé par une bande originale pleine de surprises. Chic lui a notamment offert « Soup For One », un morceau-titre sans qui la french touch n’aurait pas eu son plus grand tube, puisque les guitares du « Lady » de Modjo lui furent chipées. Si on y trouve quelques tubes déjà parus (« Let’s Go On Vacation » de Sister Sledge ou « Jump, Jump » de Debbie Harry), la bande originale vaut surtout pour ses autres inédits, notamment « I Work For A Living », chanté par l’un des vocalises de Chic, Fonzi Thornton (on entend aussi dans le film un bout de « Riding »). Mais la vrai perle se cache dans la chanson « Why », produite par Chic mais chantée par Carly Simon. Loin de la pop à la guitare de l’interprète de « You’re So Vain », « Why » est un gigantesque tube disco-pop de huit minutes. Une ballade mélancolique et libératrice étrangement teintée de reggae et royalement ignorée à sa sortie. Le morceau deviendra culte à la fin des années 80 en devenant un classique de l’Hacienda de Manchester et ressurgit régulièrement depuis. En 1990, A Tribe Called Quest en sample l’instrumental entier pour « Bonita Applebum ». Le morceau a depuis été repris par Maya Jane Coles, samplé par M.I.A et joué quantité de fois par Todd Terje et Lindstrom. Impossible pourtant de s’en lasser.

Article paru dans le Tsugi #78 de décembre-janvier.