FatFatFat Festival : une célébration house et disco au fin fond de l’Italie
Faire un festival de musique électronique au fin fond de la région des Marches en Italie, à 3 heures en voiture de toute grande ville (Florence, Rome, Bologne) est une chose osée. Le garnir d’une programmation extrêmement solide l’est encore plus. Comme son nom l’indique, le FatFatFat Festival avait vu en cette année 2018 les choses en grand pour son évènement encore méconnu (mais jusqu’à quand?) des circuits habituels des événements électroniques de l’été. Et pourtant, on y a bien vu Floating Points jouer quatre heures, Larry Heard dérouler son live impec’ de nostalgie, ou Ben UFO offrir une de ses prestations expérimentales devant moins de mille personnes chaque soir.
Lancé il y a deux ans maintenant, le FatFatFat Festival pourrait se présenter comme un événement familial à la programmation digne d’un gros rendez-vous de l’été : fondé par une jeune association de la région, l’événement qui se déroule sur trois jours au début du mois d’août prend place aux alentours de la station balnéaire de Civitanova, au bord de la mer adriatique. En s’enfonçant dans les terres, c’est un autre décor qui se plante : celui d’une Italie paisible et rurale, faite de villages en briques, et de couchers de soleils orangés. C’est tout là l’intérêt du festival : en plus de sa programmation solide, le FatFatFat Festival a eu depuis son lancement en 2016 la bonne idée d’investir des lieux du patrimoine local. Preuve en est dès le premier soir du festival : après une dizaine de minutes de voiture à travers la campagne italienne, nous voici sur la place du petit village pavé de Morrovalle pour une soirée entre rythmique house et improvisation jazz. Au milieu des bâtiments en briques et des regards curieux des habitants postés à leurs fenêtres, Jaxx Madicine entament la soirée avec un set house et jazz revigorant. Originaire de Milan, le trio italien (deux DJ et un pianiste) s’amuse à reprendre des tubes house tout en improvisant par dessus au piano. La formule marche parfaitement au soleil couchant, et laisse place à Dego & Kaidi, formation nu-jazz anglaise qui déroule une heure d’improvisations sur fond de rythmiques dance feutrées. Après la grosse introduction house de Jaxx Madicine, la formule plus calme de l’ensemble fait malheureusement un peu retomber l’ambiance. Ce qui n’empêche pas le DJ coréen Hunee de tranquillement clôturer la soirée : reconnu pour sa musique solaire, à la croisée entre disco, house et techno, le protégé du label Rush Hour envoie tout le monde au lit avec des vieilles pépites funk au milieu du village. Et nous fait même oublier l’annulation à la dernière minute de Madlib pour raisons médicales.
Le lendemain, le FatFatFat Festival nous amène de nouveau dans un endroit pittoresque : pour ses deux plus grosses soirées du weekend, l’organisation investit une ancienne exploitation agricole datant du douzième siècle, loin de toute agitation à des kilomètres à la ronde. Après avoir traversé une longue allée de cyprès, nous voilà face au génie anglais Floating Points qui déroule un DJ set de 4 heures. En démarrant sur des sonorités ensoleillées, le britannique va peu à peu nous emmener sur des territoires de plus en plus froids à mesure que le soleil va disparaître. Reconnu pour ses talents de selector, l’homme confirme ici bel et bien son statut : autant capable de dérouler des pépites disco que de naviguer sur des territoires techno, Sam Sheperd impressionne par son éclectisme et son sens du timing, faisant de son passage un des moments forts du weekend. De l’autre côté de la ferme, on passe jeter un oeil à la prestation de Patrick Gibin, DJ anglais basé en Italie qui déroule des titres discos devant une petite centaine de spectateurs ravis. Pas forcément révolutionnaire mais parfaitement efficace. Sur la grande scène, l’Américain Ge-ology déroule lui une house mentale, en attendant l’arrivée de Egyptian Lover : légende parmi les légendes, l’homme envoie une prestation retro mais pas ringarde, armé de son clavier et de ses mélodies robotiques. Rattrapé par la fatigue, on laisse assez rapidement les plus téméraires devant les mélodies éclectiques de Ben UFO, qui, comme à son habitude, arrive à passer d’un territoire musical à un autre comme son compagnon de début de soirée Floating Points.
Alors que l’on reprend le lendemain la route du site de l’ancienne ferme, le FatFatFat laisse souffler un dernier vent de nostalgie sur la campagne Italienne : à l’heure du coucher de soleil, l’histoire de la musique house se dévoile lors de la prestation de Sadar Bahar et Lee Collins, légendes de la nuit à Chicago, qui enchaînent les vinyles disco à tour de rôle, avant de laisser la place à une des prestations les plus attendues du weekend : Larry Heard. Accompagné de son acolyte de toujours Mr White au chant, Heard va livrer durant une heure trente une vraie belle leçon de house music à l’ancienne. Qu’il vogue sur de l’acid, des sonorités plus disco, ou prenne le micro pour chanter, Larry Heard continue de rester une référence dans sa catégorie. C’est d’autant plus étonnant quand on voit le jeune âge du public présent – entre 20 et 30 ans – qui semble lui vouer un culte depuis toujours tant l’ambiance est bon enfant. Au même moment, Bradley Zero livre de l’autre côté du site une des prestations les plus enthousiasmantes du jour : figure initiale de l’aventure Boiler Room et activiste de la nuit londonienne, le garçon contourne le cadre disco de la soirée pour se balader sur des sonorités plus mentales, presque techno, sans jamais paraître à côté de la plaque vis à vis du reste de la journée. Dans la foulée, le duo napolitain Nu Guinea revient à des sonorités funk chatoyantes sur la même scène. Mais c’est surtout Marcellus Pittman, – en charge de clôturer la journée – qui attire notre attention : figure house de la ville de Detroit, l’homme ralentit le rythme de feu de son prédécesseur Larry Heard, tout en allant faire des clins d’oeil aux sonorités techno de la Motor City. On entend en effet dans la sélection de Pittman un mélange toujours aussi intriguant entre chaleur des sonorités house et introspection propre à la musique de Detroit. Le soleil vient de se coucher, et la ferme du FatFatFat Festival ferme maintenant ses portes jusqu’à l’année prochaine. On en repart avec des beaux souvenirs, et l’envie d’y retourner au plus vite. C’était finalement un peu ça, la dolce vita.
Meilleur moment : Les spritz à cinq euros. En tant que bon touriste qui se respecte, on en a clairement abusé.
Pire moment : Le son, toujours un peu trop fort durant le weekend. Pensez à nos oreilles !