Le nouveau vinyle de la semaine (10): ROMARE
C’est avec une sorte d’excitation mêlée d’angoisse que l’on accueille cette nouvelle sortie de Romare : va-t-on finir, encore une fois, perturbé, renversé ? Quelle disposition mentale adopter ? Dans quelles conditions l’écouter ? Peut-on sans risque jouer Roots dans une pièce remplie d’individus sains d’esprit en apparence?
On se rappelle douloureusement de ce jour de mars 2012 où l’on s’était innocemment passé Meditations On Afrocentrism…pour se retrouver deux lunes plus tard aux abords d’une clairière caillouteuse, vêtu d’un pagne de fougères tressées, l’air hagard et les yeux injectés de sang, sans aucun souvenir précis du laps de temps écoulé depuis que l’on avait délicatement posé le disque sur notre platine. Seuls résonnaient encore dans notre esprit les tambours magnétiques d’un rite lointain, les incantations incertaines murmurant « I wanna go back home ». On avait été trouver les autorités compétentes, à deux doigts de la crise de tachycardie, narrer notre mésaventure, surpris de trouver deux ou trois personnes dans un similaire accoutrement insensé, affolées. Une cellule de crise avait été mise en place le jour même, où on nous avait calmement exposé les faits tout en nous offrant un verre d’eau et un sucre. Comme beaucoup d’autres inconscients nous avions fait l’acquisition d’un exemplaire du fameux Meditations On Afrocentrism, œuvre psychoactive d’un ponte de la production chamanique, l’Anglais Archie Fairhurst – plus connu dans le milieu sous le nom de Romare – et soutenu par Black Acre, label connu pour avoir mis en libre circulation depuis 2007 des Fantastic Mr Fox, Dark Sky, Memotone pour ne citer qu’eux. Provoquant une vague de folie parmi les honnêtes amateurs de musique, ce disque terriblement addictif avait immédiatement suscité l’engouement avec une composition inédite de rythmes africanisants, collages sonores, expérimentations rythmiques de 88 à 155 BPM, et autres extraits de grooves issus de tribus méconnues. Un an plus tard, le cartel récidive avec Love Songs Part 1., en substance plus lénifiant, beaucoup moins agressif et empruntant à cette époque où l’Amérique des années 50s était jazzy.
On pensait la rémission proche, après cette vingtaine de mois de sevrage et on s’en trouvait presque déçu, se sentant irrémédiablement assagi. C’était sans compter sur cette nouvelle miraculeuse : le baron de l’audition des temps modernes, Ninja Tune, annonçait il y a peu que sa nouvelle recrue, Romare, élaborait en secret la formule de son tant attendu LP Projections, le tout pour février 2015. Magnanime, Ninja Tune a vraisemblablement souhaité pallier à notre manque et à la relative platitude du paysage électro environnant en nous livrant il y a quelques jours cet EP Roots, composé de deux titres tirés cet album à venir. La rechute était inévitable. « Morphine, opium, coffee… », le premier titre « Pusherman » annonce la couleur, jouant toujours de cette ambiance envoûtante à la limite du vaudou; avec « Roots », ils dépassent de loin le plus puissant des opiacés et semblent présager du meilleur pour Projections.
Vingt-septième écoute, une liane vient de m’agripper le pied, je crois avoir aperçu une ombre furtive portant un masque orné de raffia derrière mon épaule, il se peut que j…
ROMARE
Roots
Sortie le 01 décembre 2014
Sur Ninja Tune