En direct du Pitchfork Paris 2014 : jour 3
On doit vous avouer qu’on ne sait pas tellement par où commencer le récit de cette folle nuit. Peut-être parce que c’est le dernier jour, parce que notre capital d’heures de sommeil est largement inférieur à celui des artistes géniaux qu’on a vus en trois jours. Et se focaliser sur ce dernier jour du Pitchfork version 2014, dont le line-up contenait peut-être à lui-seul l’armada nécessaire pour un seul et même festival, n’est pas simple à résumer en quelques lignes. Parce qu’avec treize artistes parmi lesquels on retrouvait quelques Caribou, Jungle, Tune-Yards, Foxygen, Jamie xx ou Four Tet, on a forcément vécu des moments d’anthologie.
Les lives dont on se souviendra dans dix ans : Jungle et Caribou
En tout cas on l’espère. Si notre mémoire ne nous fait pas défaut d’ici là, on sait très bien qu’en réécoutant le tout premier album de Jungle, dans lequel trônent quelques pépites qu’on qualifierait aisément de « tubes », au sens le plus prestigieux du terme, on se dira : « putain, on y était ». C’était à Pitchfork, en 2014, et peut-être même que ces frissons dont on a encore beaucoup de mal à se débarrasser en ce dimanche, ressurgiront dix ans plus tard. On savait déja l’album imparable dans sa version studio, mais quand quelques « The Heat », « Drops », « Time » ou « Busy Earnin' » sont portés avec tant de folie et d’entrain, tant de magie communicative et de groove « junglissime » dans leurs versions lives, on ose frôler le mot perfection. C’est un peu comme si les londonniens avaient déjà dix ans de scène, ils ont déjà cette maîtrise que certains cherchent pourtant très longtemps.
Dan Snaith lui, il les a ses dix ans de scène. Et comme ses précédents, on est à peu prés certain qu’on se souviendra très longtemps de son passage à Pitchfork en 2014. Evidémment, on attendait avec une certaine impatience la prestation du Caribou que nous avions mis en couv’ de notre numéro 75, comme beaucoup d’ailleurs : la Grande Halle est archi-comble quand surgissent les premières notes de « Our Love ». Le Canadien enchaîne avec un « Mars » lunaire, les cymbales d' »Odessa » répondent aux cloches de « Bowls », et un « Jamelia » porté par la voix sublime de Luke Lalonde nous prouvent que Dan Snaith est un alchimiste, qui vadrouille entre ses synthés et sa batterie, qui chante, et qui est capable de mêler ses deux derniers excellents albums sans créer de dissonance, mais plutôt comme s’ils n’en formaient qu’un seul. Il achèvera son concert dans l’apothéose, sur un lacher de ballons multicolores pour l’hymne « Can’t Do Without You », et sur un « Sun » interminablement beau.
Ils sont l’avenir : Tune-Yards, Kwamie Liv et Foxygen
Mais n’oublions pas qu’avant tout ça, il s’en est passé des choses. Ce serait oublier qu’on était parmi les premiers des premiers, les vaillants, à savourer le live très convaincant de l’autre Canadienne du jour Jessy Lanza, dès 16h30, ou à succomber à l’envoûtement entre électro et r’n’b de Kwamie Liv deux heures plus tard, qui confirme par le live tout le bien que l’on pensait de sa version studio. On notera également les performances de Tune-Yards et Foxygen dans notre carnet des réussites du jour : parce que les folies tribales de Merril Garbus accompagnée de ses musiciens ont apporté leur lot de joie et de bonne humeur dans la Grande Halle, et parce que le show déjanté des Américains de Foxygen ont embrasé la salle pour la première fois de la soirée.
La soirée passe en mode club : Four Tet, Jamie xx et Kaytranada.
Après un enchaînement Jungle-Caribou, et il faut dire qu’il est bien huilé Pitchfork, avec aucune interruption ou presque entre deux prestations, la soirée a logiquement basculé dans sa version club, et se frayer un chemin entre les danseurs qui ont besoin de beaucoup d’espace et les quelques téméraires qui tentent de porter plusieurs bières en même temps devient légèrement compliqué. Four Tet, dont l’excellence des sets n’est plus à découvrir, ni à démontrer, jouera de son habituelle et personnelle définition qu’il a donné au mot « hynose », et fera la haute marche à Jamie xx dont les voix de « Sleep Sound » résonnent encore en ce dimache après-midi. L’Anglais renvoie d’ailleurs les échos du « Can’t Do Without You » de Caribou, comme un symbole, comme pour boucler la boucle comme on dit. Mais ce serait omettre Kaytranada, qui a su endosser le rôle de « cloture de Pitchfork » avec un set calibré entre house, funk et disco. Et hip-hop, et ça faisait du bien d’entendre du hip-hop pour cette fin de festival.
Meilleur moment : comme vous l’avez compris, Jungle et Caribou se tirent la bourre. Impossible pour nous de couper la poire en deux.
Pire moment : parler pendant « Can’t Do Without You ». Il y a un temps pour tout.