GEENA: « On croit souvent que je suis une fille. Ou une racaille »
Geena a du talent. Ce n’est pas un vieux de la vieille, ni un teufeur invétéré, il s’est lancé dans la production il y a deux ans à peine et pourtant il s’apprête à sortir son troisième maxi, On The Top Of a Deep Hearted Fern, aux sonorités house et acid, toujours sur l’écurie Antinote. Le label parisien, chaperonné par Quentin « Zaltan » lui avait déjà fait confiance pour son très bon dernier EP Mental DJ’s Land, aujourd’hui en rupture de stock. Il faut dire qu’Antinote s’attache à sortir uniquement des pépites : Iueke, Albinos, Syracuse…
Rencontre avec celui qui jouera aussi au TSUGI Super Club le 07 Novembre prochain.
Geena, qui es-tu vraiment ?
Nicolas, j’ai 29 ans, je suis parisien mais je viens de Poitiers, ça j’y tiens un peu !
Comment as-tu rejoint le crew Antinote ?
Je contribuais à un webzine avant (Hartzine) et Quentin (Zaltan, boss d’Antinote) m’avait envoyé des promos du premier maxi d’Albinos, il y a deux ans environ. On a eu des échanges de mails à ce sujet. Moi, j’avais déjà sorti un morceau sur une compil d’un label new-yorkais, W.T., et de fil en aiguille j’ai envoyé des morceaux à Quentin et on s’est rencontré. Le truc marrant c’est qu’Albinos, qui est aussi un dessinateur assez connu en France (Kikifruit) vient aussi de Poitiers, j’ai fini par le rencontrer par la suite, il a été un peu le dénominateur commun entre moi et Antinote !
Et toi ça faisait longtemps que tu préparais des morceaux de ton côté ?
On va dire que j’ai commencé six mois avant que mon morceau sur WT ne sorte. Je bosse essentiellement avec mon ordi, j’ai passé des nuits dessus. Ça s’est passé assez rapidement en fait, là cette année je sors mon deuxième maxi, On The Top of a Deep-Hearted Fern sur Antinote.
Par quoi as-tu commencé : le mix ou la production ?
La production. On se sent un peu obligé de passer au mix, pour se montrer, ça ne fait pas si longtemps que je mixe. Pour les lives il faut un peu de maturation, surtout pour produire un beau live avec des machines. Par contre je ne joue pas souvent mes maxis ! Mon deuxième maxi c’était assez douloureux parce qu’on avait une deadline assez serrée, et il y avait des morceaux que j’avais beaucoup trop écouté, réécouté en un court laps de temps… Et là, je trouve que mon nouveau maxi n’est pas forcément jouable en club, il n’y a pas de longues intros…
Mais tu ne produis pas tous tes morceaux pour les jouer en club !
Ce que je sors sur Antinote, ça a aussi ce côté « sous la douche ». Quand on est passé en studio pour le deuxième disque, il y avait un morceau avec une partie de flûte et l’ingé son l’a sifflotté pendant toute la séance. Ca c’est mon but, qu’il y ait des mélodies qu’on retienne ! Mes sons sont un peu plus house que ceux de Iueke du label par exemple. Je trouve que je suis plus proche de DK par contre, qui est aussi sur le label et que je connaissais de Get The Curse.
Il t’est déjà arrivé des galères quand tu mixais ?
Il y a des lieux qui ne te permettent pas d’être à l’aise, comme la Java par exemple, c’est le seul club où le link a pété quand Cosmo Vitelli jouait avant moi, du coup on était là à scotcher le cable… j’avais super peur que ça coupe en plein milieu de mon set !
Tu as des affinités avec d’autres collectifs parisiens, d’autres acteurs de la nuit ?
Je ne sors pas beaucoup en club, j’ai fait quelques rencontres mais c’est vrai que je ne passe pas ma vie entre producteurs. Je sors quand je joue, forcément, et je vais quelques fois à la Java. Je trouve souvent les soirées très longues, je ne me vois pas écumer sans cesse les clubs pour voir ce qu’il se passe…
Quelles sont tes influences musicales ?
J’aime beaucoup Lauren Connors, un mec qui fait de la guitare, qui a presque 70 ans, je l’ai vu en concert, je me suis déplacé exprès ! Du punk-boogie un peu débile, ou sinon en house …en fait je me rend compte que j’écoute pas tant de house que ça. Si, j’aime vraiment toutes les sorties de Basil Hardhouse, qui a sorti pas mal de trucs sur Nu Groove. Omar S peut-être qui se détache, mais un peu moins les dernières sorties. Quand je fais un set j’essaye déviter au maximum les trucs linéaires, les « voix de pute ».
Les « voix de pute » ?
Tu sais, des vocaux hyper-catchy !
Pourquoi tu t’es mis à l’électro ? Tu aurais pu t’atteler à un tout un autre style finalement ?
Au tout début je ne pensais pas faire de l’électro, j’ai une formation de guitariste. Longtemps, j’ai été dans un délire musique expérimentale, mais ce n’est pas évident pour te lancer, il faut monter son propre label, faire des tirages cassette…Je m’en suis éloigné et je suis arrivé dans la house.
Tu vas te remettre dans ces projets un peu expérimentaux ?
J’ai un autre projet, avec d’autres gens, qui a une dimension plus expérimentale. Après Steve Reich je trouve ça assez chiant, des bruits d’oscillateur pendant 20 minutes, merci bien… Je préfère les expérimentations avec les voix par exemple.
Dans le genre un peu expérimental, tu aimes bien Aphex Twin ?
Ce n’est vraiment pas mon truc, même s’il faudrait que je m’y intéresse, parce que c’est un bon pote de Gwen (Gwen Jamois aka Iueke), avec les projets Rephlex. Peut-être plus tard, en 2015.
Quelle est ta priorité alors ? Tu voudrais te consacrer à ton projet musical ou ça restera un sideproject ?
Tout sauf Aphex Twin ! Non, je ne pense pas, il faudrait vraiment qu’il se passe quelque chose d’exceptionnel…mais j’ai travaillé avant de faire de la musique donc je ne compte pas tout arrêter, ce n’est pas à l’ordre du jour.
Et tes collègues de boulot savent que tu as une autre vie, que tu es Geena à côté ?
La dernière fois, oui, en pleine réunion, une de mes collègues m’a dit: « Ah je t’ai vu jouer samedi dernier sur la plage du Glazart ! ». Ils commencent à savoir un peu, oui. Mais ils ne sont pas très électro en général. J’ai juste une collègue très proche qui a assisté aux débuts de David Guetta !
Ils vont venir te voir au Trabendo ?
(Rires) Non je ne pense pas !
Tu es quelqu’un de sérieux en fait !
Assez, si vous aviez voulu faire un 24 heures avec moi ça n’aurait pas été très fun ! Je ne jouerais jamais des trucs italo disco avec des voix toutes pétées par exemple. Quentin, lui, aime les trucs comme ça, c’est super drôle mais je ne jouerai pas ça, je ne suis pas un digger comme lui déjà. Vaut mieux que les gens qui savent faire ça le fassent, et bien. Et typiquement pour les sorties, j’ai fait le Peacock -quand même- et ça m’a vacciné. Tous les gens dégueulaient dans le métro, plein de gens étaient déchirés, un vrai zoo humain ! Même Omar S m’a un peu déçu, alors que je l’avais vu à la Machine avec Virgo Four et c’était mortel.
Tu imagines comment les gens qui écoutent ta musique ?
Comme des gens qui vont sur NoData et qui téléchargent beaucoup de musique, un peu des nerds.
Et pourtant tes sorties sont exclusivement sur vinyle…
Oui, mais après ça se trouve facilement. Et puis Quentin a une conception assez drôle de la promo, pour la première sortie il avait mis des feedbacks de DJs morts, de Ron Hardy par exemple !
Une anecdote marrante pour la fin?
On croit souvent que je suis une fille. Ou une racaille. Un jour on m’a fait la remarque : « Ah, mais tu n’as pas de survet’ ni de casquette ? » Alors que j’ai choisi ‘Geena’ parce que je voulais faire du nu-beat, et y’a souvent des mecs qui féminisent leur nom dans ce milieu. J’aurais du faire du nu-beat, j’aurais été trop à la mode en ce moment.
Photo ©Irwin Barbé