La bouse du mois : avec ‘Taiga’, Zola Jesus s’est réincarnée en Rihanna batcave
Cela fait déjà tellement longtemps qu’elle nous casse les coucougnettes, Zola Jesus, qu’on a l’impression qu’elle possède déjà une carte senior. Ben non, perdu, Nika Roza Danilova, son vrai nom, vient tout juste d’atteindre la limite supérieure de la “12-25.” Mais on veut bien l’admettre, lorsqu’elle est apparue en 2009 avec son premier album The Spoils, on a été intrigué par cette personnalité sortie de nulle part. Sa voix puissante et rugueuse (19 ans à l’époque !) s’alliait à merveille avec un magma sonore, rappelant Ministry croisant le fer avec Suicide. Alors qu’on pensait qu’elle avait grandi dans une quelconque zone industrielle du New Jersey, on apprenait que, pas du tout, c’était les vertes prairies du Wisconsin où elle a passé son enfance qui avaient nourri cette rage bouillonnante. Ce premier essai saisissant, si ce n’est vraiment convaincant, lui a valu d’emblée un statut de madone de la hype.
Depuis, hélas, Zola Jesus n’a jamais cessé d’arrondir les angles musicaux tout en poussant plus loin les performances vocales. Avec ce déjà sixième album, notre Castafiore gothique vient de franchir l’ultime limite qui sépare l’intriguante expérimentation de la vaine boursouflure. Quand on sait que le disque a été enregistré sous l’influence des “divas” qui ont bercé son enfance comme Mariah Carey, Britney Spears ou Barbra Streisand, on comprend le pourquoi de cette catastrophe. Le pire étant que l’on risque de devoir endurer en poussant son caddie des titres comme “Hunger” ou “Dangerous Days”, taillés pour le succès de masse. Désormais l’objectif number 1 d’une Zola Jesus réincarnée en Rihanna batcave. À l’écoute de Taiga, on tangue comme si on était lancé au galop dans une steppe après avoir avalé un kilo de goulash, arrosé de deux litres de vodka. Reconnaissons-lui quand même une vertu : c’est le cadeau idéal à faire à son meilleur ennemi.