Banks : l’interview
D’une chaleureuse beauté, celle à qui on promet le statut de star débite les platitudes des grandes divas de la promo à l’américaine, mais les sort avec tellement d’entrain et de fraîcheur que son charme n’en est pas atteint. Retour sur notre entretien avec Banks à quelques jours de la sortie de son premier album.
Tsugi: Tu sais que pas mal de gens t’attendent sur ce premier album. C’est beaucoup de stress ?
Banks: Je n’en peux plus d’attendre, je suis tellement excitée à l’idée de le partager, il représente vraiment tout de moi, chacune de mes facettes sont dans cet album. J’ai aussi les nerfs complètement à vif, c’est effrayant quand tu as mis autant de toi dans quelque chose.
Tu te souviens de quand tout le bruit autour de toi a commencé à t’effrayer ?
Dès mon premier morceau sur le net, « Before i ever met you », j’ai eu des retours incroyables sur Soundcloud. Il n’y avait rien de moi sur le net, pas de photo, pas d’histoire, rien, mais les gens sont entrés en connexion avec la chanson quand même. Quelqu’un qui connecte avec ton art c’est la chose la plus incroyable du monde. C’est nouveau pour moi, même de montrer ma tronche, je n’avais même pas de compte facebook personnel. C’est une dynamique nouvelle, je m’y habitue encore, parfois ça m’effraie, mais je suis tellement comblée artistiquement que tout va bien. La vie est meilleure, je crois, quand tu es excitée et nerveuse à la fois par ce qui t’arrive… plus savoureuse.
Adolescente quand tu as commencé à écrire des chansons, comment fantasmais-tu ton futur ?
Je crois que c’était surtout un sentiment de nécessité que d’écrire et éclaircir mes pensées donc je ne pensais pas à la suite. C’était pour me sentir mieux au moment du divorce de mes parents. C’est vite devenu une addiction, je voulais que les mots, les phrases, les mélodies m’engloutissent, que je m’y noie. Je ne voulais plus jamais m’arrêter d’écrire, même si j’avais entrepris des études en psychologie. Quand tu as découvert quelque chose qui t’accomplit autant tu ne peux envisager autre chose.
Ton cocon familial était-il baigné dans l’artistique, avant qu’il n’explose ?
J’ai une famille incroyable, on a tous nos histoires et nos dynamiques étranges évidemment, ces choses qui te pèsent ou qui t’aident par moment. Mais mes parents et ma sœur sont d’un grand soutien. Petite j’étais toujours dans les jupes de ma sœur, c’était le ying de mon yang, on avait ce jardin gigantesque, j’y passais ma vie, ma mère me disait que quand elle ne me trouvait pas elle cherchait les plus grandes flaques de boue où je me fourrais toujours. Ma famille adorait la musique, mais personne n’était musicien. Ils ont eu un peur au début, parce que dans mes chansons je racontais toujours ma vie de manière brute, alors quand j’avais un problème familial j’écrivais là-dessus. Je n’écris qu’à propos de ce qui m’arrive, ça peut effrayer les proches d’apparaître.
Petite était tu aussi passionnée par les divas R&B des années 90 qu’on peut l’imaginer ?
J’ai toujours été très portée par la soul, les voix rocailleuses, le feu de l’émotion… Lauryn Hill Fiona Apple, Tracy Chapman… J’aime les humains et les humains font de la musique, on peut entendre leur âme pure dans leurs chansons. Mon père me faisait aussi écouter du Dead Can Dance et plein d’autre chose. Et je suis évidemment un énorme fan de Timbaland, je pourrais passer ma vie à écouter du Missy Elliott, du TLC, du Brandy etc. Elles sont toutes incroyables, Brandy est une de mes préférées. Avant chaque show je dois absolument écouter du Missy Elliott, « Chingaling », « One Minute Man », « Suppad Dupa Fly », « Suck it to me »…
Comment en es-tu venue à faire de la musique ?
Un ami m’avait offert un petit clavier vraiment cheap. Je ne songeais même pas à faire de la musique, mais un jour j’étais vraiment dans un mood très sombre avec cette histoire de divorce – c’est toujours une humeur qui déclenche une chanson -, je me suis mise à taper sur des notes avec un doigt ou deux, mes pensées guidaient mes doigts et ça m’a tout de suite droguée. J’ai commencé avec trois notes et j’ai appris moi-même peu à peu à progresser. Parfois les chansons duraient 30 sec et je les jouais obsessive ment pendant cinq heures de suite. Je me souviens de mes premiers morceaux, l’un faisait « I think and i think, and i think think think and I think think think think more and I never never know never never know never never know what to say but i want to say it but i want to say it« , une autre ne parlait que de la couleur verte. Souvent je parle encore en couleurs.
Ta voix est spéciale, elle donne à ta musique toute sa force. Tu te souviens comment l’avoir découverte, trouvée ?
Je ne l’ai jamais travaillée réellement, mais j’ai toujours eu une voix particulière, même en parlant. Ma mère me dit toujours que quand j’avais cinq ans ses amies lui demandaient pourquoi j’avais une voix de gros fumeur.
Tu sembles plutôt timide, tu dis vouloir rester cachée et pourtant tes vidéos te mettent en avant, d’une manière assurément séductrice. Tu as beaucoup pensé à la façon dont tu voulais te présenter, publiquement ?
Je n’y jamais trop pensé, j’essaye d’être naturelle, je montre tout dans ma musique. Je suis timide dans la vie, dans ma musique je ne suis plus du tout timide. Je pourrais tout dire dans ma musique et tout montrer dans mes vidéos, je veux qu’elles montrent l’âme des chansons. Ça me ressemble, c’est à propos de moi, c’est ce que j’aime, comment je suis, je n’y pense pas, je me contente d’être.
Être devant la caméra t’est facile ?
Je m’y habitue peu à peu. Ca dépend beaucoup de l’équipe autour, si je la connais et que j’ai confiance en elle, si ils m’inspirent, ça me libère vraiment. Si je travaille avec des inconnus, qui ne prennent pas le temps d’essayer de comprendre mon univers, je deviens vraiment mal à l’aise.
Quelle folie t’a poussée à donner ton numéro de portable sur le net, à tes débuts ?
Ça ne me semblait pas naturel de me mettre à Twitter parce que j’avais commencé à sortir de la musique, mais je voulais quand même connecter avec les gens d’une manière ou d’une autre. Alors j’ai mis mon numéro de portable, tout le monde me croyait folle, j’ai reçu un nombre d’appels incroyables. Je n’ai toujours pas changé le numéro mais j’ai pris un autre téléphone perso à côté. Je ne peux pas répondre à tous comme je le faisais au début mais je réponds encore parfois. J’ai beaucoup d’appels de prison ! Je crois que Pharell a parlé de moi dans Redbull Magazine et il y a une photo de moi avec mon numéro, c’est distribué dans toutes les prisons, c’est un peu flippant ! (rires)
Tu es à l’aise avec le live ?
J’adore performer, je découvre que je me sens encore mieux sur scène. C’est une drogue qui te met dans un état d’honnêteté et de pureté totale, toutes les conneries s’évaporent. Je suis nerveuse avant, j’ai toutes ces pensées négatives, mais dès que je suis sûr scène elles s’évanouissent et je suis genre « I don’t give a fuck » ! (rires) Quand je ne suis pas en tournée ça me démange.
Lil Silva, SOHN ou TEED, tu as fait des choix de producteurs très forts, comment se sont ils présentés ?
Lil Silva est sur mon label anglais (Good Years, ndlr), en entendant ses beats je sentais qu’on devait crée quelque chose ensemble, mais on connaissait la musique de l’autre sans se connaître nous. SOHN avait fait un remix de mon premier morceau et avait réussi à amener une atmosphère un peu différente tout en gardant l’âme du morceau, amenant du nouveau sans enlever quoi que ce soit, c’était assez génial. Il avait gardé le cœur de la chanson. TEED lui était à L.A pendant un moment, on lui a suggéré de me rencontrer, on a enregistré « Warm Water » deux heures après s’être rencontrés, on était accrocs au fait de bosser ensemble.
Tu n’avais pas peur que la galerie de producteurs branchés donne l’impression qu’on te les avait mis dans les pattes sans qu’on te demande ton avis ?
Je n’y pense pas et je m’en fous en fait, si je connecte avec ces gens je veux bosser avec eux. Tout simplement.