L’autre passion de… Owen Pallett
J’ai grandi à la campagne, il n’y avait rien à faire à part jouer aux jeux, pour tout dire. Je voulais jouer constamment mais j’avais une certaine discipline : je faisais toujours une heure de violon le matin et le soir je finissais mes devoirs avant de jouer. Le premier jeu vidéo qui m’a vraiment passionné c’est Moria , un jeu PC de 1994 inspiré du Seigneur des anneaux , d’un genre qu’on appelle aujourd’hui “rogue-like”, où l’on explore des donjons aux cartes générées aléatoirement, pour collecter des trophées et de l’équipement de combat et aller combattre le boss (le tout entièrement représenté par des caractères textes, ndlr) .
Puis il y a eu les jeux Sierra (compagnie à l’origine de beaucoup de hits des années 90 et notamment des Leisure Suit Larry , dont Todd Terje s’est inspiré pour la pochette de son album, ndlr) . Je jouais à la console aussi même si les jeux PC me passionnaient plus. Dans la guerre des fans Nintendo vs Sega, je n’avais chez moi que des consoles Nintendo et refusais de passer de l’autre côté. Pour être honnête, c’était quand même chouette d’aller chez mon pote qui était branché Sega faire une partie de Sonic ou Shinobi .
Je crois qu’on m’avait catalogué comme compétitif… mais c’est parce que j’étais très bon ! Notamment à Golden Eye sur Nintendo 64. Je dois avoir tous les jeux de cette console, j’étais obsédé. J’ai été très ému en jouant à Final Fantasy VI , quand le personnage du chevalier, Cyan, voit femme et enfant emportés sur une route vers l’au-delà. Mais j’ai vite trouvé que les jeux Final Fantasy étaient émotionnellement très manipulateurs, comme cette scène dans le VII où Aeris se fait transpercer par Sephiroth. Tout y est trop grandiose pour que je ne voie pas ça comme ridicule. Le VII est d’ailleurs le dernier de la série auquel j’ai joué. Avant de me lancer dans ma propre musique je jouais dans un certain nombre de groupes et je commençais à être cynique vis-à-vis de tout ça. Régnaient dans ces groupes des problèmes de gestion d’émotions et de manipulation émotionnelle, donc, sous une forme de blague j’ai choisi le nom de Final Fantasy pour ma musique solo. Et puis je voulais rire de ma musique, lui donner ce nom grotesque et beaucoup trop lyrique. Sur mon deuxième album le morceau “He Poos Clouds” (“il défèque des nuages”, ndlr) raconte le gros crush que j’avais eu sur Link, le héros de Zelda .
Aujourd’hui je suis lassé des jeux modernes, j’aime toujours les rogue-like, Tetris … je n’ai pas le temps d’errer à travers des environnements 3D qui créent juste de longs cheminements jusqu’au but, au cœur de l’action. J’ai fait les jeux récents les plus célébrés par tous comme The Last Of Us , j’ai tenu vingt minutes avant l’ennui. Je joue aux jeux vidéo pour un plaisir plus mathématique. Je peux perdre des semaines entières sur des rogue-likes plus modernes, comme Ancient Domains Of History , ça occupe ma vie de manière tellement extrême que j’essaie de le faire aussi peu que possible. Il m’est arrivé de jouer dans le van de tournée pendant vingt heures d’affilée, de voir mon personnage mourir (dans certains de ces jeux si le personnage créé meurt au combat son existence est définitivement supprimée, ndlr) et de pouvoir raconter en détail tout ce qui a constitué sa vie à mon groupe. Et bizarrement, le groupe est intéressé par mes histoires. (rires)