Devenir une fausse légende sur SoundCloud, mode d’emploi
Si vous êtes un accro au « SoundCloud digging », cela vous est forcément arrivé : combien de fois êtes-vous tombé sur des comptes de parfaits inconnus avec un nombre de fans et d’écoutes hallucinants, qui vous font dire « merde, ou étais-je pendant tout ce temps, ce truc a l’air d’être archi-cool » ? Nous, on a une réponse : c’est assez quotidien.
Le site d’infos 5 Magazine a accordé il y a plusieurs mois un article entier à ce phénomène, qu’il convient effectivement de mettre en lumière pour mieux le comprendre. Nous sommes tous conscients de l’influence semi-néfaste de l’activité « social media » sur le développement de la carrière d’un artiste, qui peut voir sa croissance faussée par la spéculation et le buzz, créant ainsi un décalage avec sa maturité musicale, voire son talent tout court. SoundCloud, en tant que plate-forme dominante de partage de musique, est donc un terrain de jeu tout trouvé pour battre les oeufs en neige.
Comment griller un wannabe superstar sur SoundCloud, donc ? Déjà, le simple fait de vous poser la question (suite à un morceau sur-cliqué et un peu naze) peut vous alerter sur le bien-fondé de la démarche de l’artiste. Ensuite, les facteurs semblent être assez simples, selon ce fameux magazine : remarquer qu’un morceau du compte en particulier arbore des statistiques disproportionnés par rapport à d’autres de ses pistes (l’exemple utilisé par l’auteur présente un morceau totalisant plus de 30 000 lectures, alors que d’autres pistes du même compte restent dans les centaines d’écoutes), sans parler de l’uniformité niaise des commentaires postés.
Si on pousse l’enquête un peu plus loin, on remarquera le côté clairement « fake » de ces commentateurs, qui ne possèdent aucun morceau ni aucun ami, et dont les noms ont tout l’air d’être sortis d’un bottin, d’autant plus qu’il n’y a souvent aucun rapport entre les « usernames » et les « real names ». Une « ClaireDupont » qui possède un patronyme du genre Sylvie Jacquard, par exemple. Et si on fouille bien, SoundCloud pullule littéralement de ce genre de comptes, qui, souvent, ont exactement les même goûts musicaux, à croire qu’ils se situent tous dans la même pièce avec chacun un ordi et une paire d’enceintes communes.
L’enquête de 5 Magazine présente un autre intérêt : le poisson pêché en flag’ d’achat de clics a accepté de répondre aux questions de son intelocuteur journaliste, la trame narrative étant naturellement renforcée. C’est à ce moment-là que nous apprenons qu’il existe bel et bien des services d’achats de lectures et de clics, à des tarifs défiant visiblement toute concurrence. Cloud-Dominator est cité comme l’un d’entre eux, il suffit d’aller jeter un oeil au site pour remarquer que les services proposés ne sont pas « cachés », et que tout ce petit ramdam semble parfaitement légal. Ainsi, on peut apparemment se permettre d’acheter plusieurs dizaines de milliers d’écoutes pour une somme en dollars qui ne dépasse pas les deux chiffres. De la célébrité low-cost.
L’utilité dans tout ça ? Naturellement, le morceau en question, et le compte qui y est rattaché, engrange plus rapidement les likes et les écoutes de « vrais gens », à un rythme de plusieurs dizaines par jour, ce qui semble très correct lorsque l’on part de rien. L’effet « il y avait de la lumière, donc je suis rentré », en gros.
Sans parler du fait qu’un morceau qui affiche un nombre important de lectures peut se retrouver dans les charts de plate-forme de vente, Beatport et Traxsource en tête, avec éventuellement des chroniques à la clé, ce qui rend l’investissement de départ très, très juteux.
SoundCloud enregistre près de 20 millions de comptes, reste à savoir la proportion de bots commandés par ce genre de fournisseurs de gloire. Et même si le service de streaming semble avoir toute l’envie du monde d’endiguer le phénomène, les petits malins qui jouent avc le feu en utilisant ce genre de service ont visiblement trouvé le moyen de se créer un joli marchepied pour l’avenir. Reste à voir si les étapes ainsi grillées vont leur être préjudiciables pour l’avenir, puisque dans une carrière musicale, il est tôt ou tard question… de musique.
L’enquête de 5 magazine (en anglais) est à lire par ici.