Les 3 éléphants : coup de foudre à Laval-hill
L’année dernière, nous tombions amoureux d’un festival. Il n’est pas le plus gros, son écrin n’est pas le plus beau. Mais entre l’ambiance magique et la programmation bien sentie, sans compter les spectacles dans les rues pavées de Laval et une charmante petite croisière sur la Mayenne, les 3 Éléphants savent déclencher quelques émois. Alors, amourette d’un jour ou coup de foudre annuel ? Partons sur le coup de foudre. Littéralement d’ailleurs : samedi, alors que les portes s’ouvrent et que les fans de hip-hop trépignent à la fouille en attendant Biffty et DJ Weedim, c’est la catastrophe. Un orage arrive, et si on en croit les copains rennais, il est gratiné – on nous parle même de grêlons de la taille de balles de ping-pong. Le maelstrom envoie valdinguer les branches des arbres du parc de la Perrine, juste à côté du site, tandis que des éclairs commencent à larder le ciel. Avoir l’impression de côtoyer l’énorme tempête qui cache Le Château dans le ciel ? Non merci… Le festival est en tout cas obligé de mettre tout le monde à l’abri en attendant une accalmie. Les haut-parleurs crachent des « merci de vous diriger dans le calme, sans courir, vers l’arène. Non madame avec le sac à dos blanc, on vous voit, on a dit sans courir ! ». Rires sous la pluie qui démarre et le tonnerre qui gronde. Mais finalement, Laval aura été relativement épargné comparé aux voisins bretons. Il faut donc que tout le monde sorte de l’arène, et passe par des portes plutôt étroites pour voir ses sacs (re)fouillés et ses billets (re)validés. Une foule qui a attendu enfermée, des concerts qui vont démarrer, des sorties trop petites pour le flux des festivaliers… Dans n’importe quel autre événement, ça aurait la cohue, avec mouvements de foule et spectateurs mécontents. Pas aux 3 éléphants. Un Mr Loyal excellent annonce la marche à suivre – on s’attendrait presque à voir débarquer des acrobates et un lion -, confirmant que tous les concerts seront maintenus. Tout ce petit monde finit par s’éparpiller dans le calme sur le site encore mouillé. Une organisation irréprochable ? Premier coup de foudre.
Le concert de Biffty et DJ Weedim démarre enfin. Et cet épisode orageux n’aura absolument pas égratigné l’énergie des kids, au contraire. Les deux rappeurs punk et white trash retournent le chapiteau, dès le premier morceau – l’intensité ne baissera jamais. Ceux qui ont les jambes coupées se retrouvent alors devant les revenants de Clap Your Hands Say Yeah. C’est bien simple : sur cette deuxième journée de festival, les 3 Éléphants tentent le grand écart générationnel. Moha La Squale retourne les ados avec un show un peu vert ? Les parents se retrouvent devant la techno acoustique de Cabaret Contemporain. Un festival-pour-tous qui présente ses petits avantages : le public est bigarré, des enfants assistant à leur premier concert, casque de chantier sur les oreilles, croisent des ados bardés de maquillage fluo, sous le regard amusé de trentenaires venus entre potes pour profiter des concerts (et des verres de vin à 2,5 €). Tout le monde se mélange joyeusement et se retrouvera également l’après-midi devant des spectacles gratuits ou au Village, large promenade arborée où fanfare et jongleurs cohabitent au soleil (car il y en a eu tout de même !). Une ambiance rare, bienveillante, familiale sans être plan-plan. Deuxième coup de foudre.
Roméo Elvis qui n’a « toujours pas compris si on était en Bretagne ou pas », balance des dédicaces à Moha La Squale et Biffty & DJ Weedim, les autres artistes rap programmés, termine son concert en apothéose par « Bruxelles arrive » ? Troisième coup de foudre. Juliette Armanet taquine, qui fait du gringue au premier rang et conclut avec sa reprise en français de « I Feel It Coming » de The Weeknd ? Quatrième coup de foudre. Dominique A, excellent en live (ce n’est pas un scoop !), tout en tension et nerfs, magistral sur « Corps de ferme à l’abandon » ou « La mort d’un oiseau », extrait de son dernier album ? Cinquième coup de foudre. Les punks anglais de HMLTD, semblant caler 14 morceaux en un seul, entre dubstep, punk, glam et concert hyper habité ? Sixième coup de foudre. Vitalic qui fait plaisir en live avec ses classiques « La mort sur le dancefloor », « Stamina » et le nouveau « Nozomi » ? Septième coup de foudre.
Mais la palme de ce week-end sera distribuée à un certain petit félin. Il s’appelle Chaton, a des cheveux de Samson et chante sa déprime à l’autotune sur fond de dub synthétique. Ses textes touchent en plein coeur avec des histoires très personnelles mais finalement universelles : chacun y reconnaît sa solitude, le besoin de rendre fier sa famille, la frustration d’un travail (en l’occurrence écrire des chansons pour des stars de la variété, ce que Chaton a fait pendant 10 ans)… Sur le papier, entre l’autotune et les textes tristounes, ça fait un peu peur. Mais c’est sans compter sur l’humour du musicien, qui se produisait ce dimanche, en toute fin de festival, sur une péniche voguant doucement sur la Mayenne. Il appelle sa mère, faisant chanter « joyeux anniversaire » à tout le bateau, lève son petit doigt à chaque gros mot pour que les nombreux enfants présents bouchent leurs oreilles, sirote un lait fraise en racontant mille anecdotes hilarantes, reprend (au premier degré !) « Pour que tu m’aimes encore » de Céline Dion… On rit autant qu’on s’émeut, et sous ses airs de clown Simon Cohen de son vrai nom semble réellement touché par l’ovation méritée qu’il reçoit en fin de concert. En guise de dernier cadeau, en plus de son single « Poésies », il chantera en guitare-voix et sans autotune une chanson d’amour consacrée à sa bien-aimée Lola. Huitième coup de foudre. Filez-nous un paratonnerre, ou on s’installe à Laval.