James Vincent McMorrow: « Je suis workaholic! »
L’Irlandais James Vincent McMorrow sortira son deuxième album le 13 janvier prochain. En attendant, on a rencontré ce barbu aux reflets roux et aux yeux tout doux, autour d’un café, qu’il boit comme ses compatriotes engloutiraient une Guinness. Post Tropical, petit frère d’Early In The Morning, est un album à l’image de son compositeur/songwriter/réalisateur/arrangeur : délicat, sans trop de fioritures, mais surtout très ambitieux.
A la sortie de ton premier album Early In The Morning, tu as vite été étiqueté comme « folkeux à guitare ». Sur ce deuxième album, rien à voir. Est-ce que cette appellation de « folk » t’a agacé ?
Je ne me suis jamais considéré comme un mec à guitare, plutôt comme un mec qui écrit des chansons sur une guitare. Ça fait partie d’un tout, je n’ai jamais prémédité le fait de chanter avec un instrument ou d’avoir de la barbe, ça arrive juste comme ça ! Je pense que cette étiquette folk ne me défini par vraiment en tant que musicien.
J’ai fait Early In The Morning pour voir si j’en étais capable, sans grande ambition. Je ne comprenais pas vraiment comment écrire une chanson. Aujourd’hui, ça va mieux (rires) ! Post Tropical est un album que j’aimerais écouter, et j’espère qu’il ne sonne pas comme les autres. Et si cela passait pour moi par un orchestre symphonique ou par du dubstep, je l’aurais fait ! James Blake joue du piano et du synthé, pourtant il reste un songwriter. De la même façon, je ne pense pas qu’Elliott Smith soit un musicien folk même s’il avait une guitare. Je me fiche complètement des genres. Quand j’écoute de la musique, je ne me dis pas « ah, je voudrais écouter tel style ! ». C’est mettre les gens dans des cases. Mais si je devais vraiment donner me donner un adjectif au premier album, je dirais que c’est de la soul, emballée dans un guitare acoustique.
C’est drôle que tu aies choisi Post Tropical comme nom de ton album alors, parce que ça sonne comme une de ces « cases », de ces étiquettes de style…
C’était le but ! Pour devancer tout le monde, sans ambiguïté. J’ai eu l’idée du nom avant même de commencer à écrire, j’ai tout construit autour de cet univers « post-tropical ». Je suis un grand fan de hip-hop, de R’n’B, d’électro, et quand j’étais jeune je jouais de la batterie dans un groupe de post-hardcore. Toutes ces choses sont dans l’album. Je comprends qu’on ait besoin de références, mais j’ai essayé de faire un album qui me ressemble, et éviter de devenir comme ces groupes de R’n’B qui copient R. Kelly.
Tu as tout fait sur cet album, comme pour le premier ?
J’ai écrit toutes les paroles et joué tous les instruments, sauf la clarinette… Je contrôle de plus en plus. J’aime bien travailler tout seul. Avant de présenter mon projet à quelqu’un, pour qu’il soit compréhensible, il faut que j’ai vraiment avancé dessus. Quand j’arrive à ça, la chanson est déjà là ! Pourquoi demander à quelqu’un d’autre de travailler dessus ? C’est simplement ma façon de faire, il n’y a rien de despotique là-dedans (rires). Mais évidemment, je suis aussi entouré de techniciens pour faire l’album, et ils ont fait un travail merveilleux.
Tu viens de Dublin. Des bons plans à partager ?
Quand tu grandis quelque part, tu ne réalises pas vraiment où sont les endroits sympas. Mais une chose est sûre : les gens là-bas sont bavards, sociables, enthousiastes et… bons buveurs ! (rires) Moi je ne bois plus vraiment, sinon c’est trop cliché ! J’aime plutôt les endroits calmes, comme le parc St Stephen’s Green. En été, c’est vraiment joli, et à deux pas du National Concert Hall, qui est un très beau bâtiment. Sinon, je suis complètement accroc au café, et ce n’est pas ce qui manque à Dublin. Côté musique, le Wheelan’s est vraiment un pub sympa, où beaucoup de groupes viennent faire leurs armes dans des concerts ouverts. J’ai commencé là.
L’Irlande a toujours produit énormément de choses culturellement parlant, et ça se sent dans la capitale. On a un passé d’artistes voyageurs et créatifs. C’est un tout petit pays comme ça qui a vu naître des groupes comme U2 ou des écrivains comme James Joyce ! Comme on parle anglais, on a l’incroyable opportunité de pouvoir voyager facilement. Je peux aller aux Etats-Unis, ou même ici, puisque vous faites l’effort d’apprendre l’anglais alors que je ne suis pas vraiment capable d’avoir une réelle conversation en français.
Tu as l’air de beaucoup aimer ton pays… Pourquoi ne pas avoir enregistré là-bas ?
Je voulais faire quelque chose de spécial. Non pas que l’Irlande soit ennuyeuse, mais c’est chez moi. J’ai un studio là-bas, je peux créer ce que je veux quand je veux. J’ai senti que si je voulais faire un bon album je devais sortir de mon petit confort, de mes habitudes, pour aller quelque part où j’ai moins de contrôle. Et puis c’est l’Amérique… Je rêvais d’enregistrer là-bas, c’est assez romantique, être dans une voiture ou un bus, et faire 16 ou 17 heures de route entre deux villes pour jouer. Je voulais expérimenter ça au niveau créatif. Je n’avais jamais vu le studio avant, j’y suis vraiment allé à l’instinct.
La description du lieu fait un peu peur…
Oui ! Les gens qui ont écrit le communiqué de presse, repris par tous les journalistes, n’ont pas forcément exagéré les faits, mais ils ont fait en sorte que ça sonne « sensationnel ». Mais bon, cet endroit était incroyable… Le lieu le plus unique que j’ai jamais vu. C’était une ferme à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. J’ai rencontré des gens géniaux qui vivent là, entre la ville la plus sûre des USA et la ville la plus dangereuse au monde ! Si j’avais voulu traverser la frontière et me balader, j’aurais eu 90% de chance de me faire enlever. Ça m’a fait halluciner !
De la même manière, le lieu d’enregistrement du premier album, une maison isolée au bord de la mer, a fait parler de lui…
Je n’aime pas trop cette manie de tout rendre sensationnel comme ça… J’ai vraiment été surpris de la réaction par rapport au premier album, on avait l’impression que je m’étais construit une putain de cabane en rondins sur la falaise ! (rires) Alors que je suis juste allé enregistrer dans une jolie maison qui s’est avérée être près de la mer et que, en effet, j’aimais bien ce côté isolé.
Est-ce que tu penses déjà à un troisième album ?
J’ai écrit quelques trucs, mais pas forcément pour moi ou pour un troisième album. Je veux me concentrer sur la tournée… Ca va occuper les 18 prochains mois de ma vie, je ne vais pas m’ennuyer ! Je n’ai pas envie de dévier mon attention ou donner moins d’énergie pour défendre Post Tropical.
Qui est James Vincent McMorrow, en trois mots ?
Café, passion et travail. Je suis un peu « workaholic » (rires). Je ne vais peut-être pas faire ça toute ma vie, donc j’essaye de travailler très dur pour pouvoir continuer le plus longtemps possible. On a rien sans rien. Je déteste quand des musiciens pensent que ce boulot consiste à se ramener, boire, et vaguement faire un concert. Ils sont dans le faux : pour faire des choses extraordinaires, ça demande du travail… Et ensuite, du café !
Ci-dessous, une magnifique session live du morceau « Cavalier » :